ACTRICES

ANOUK GRINBERG  1963

Actrice, Peintre


Anouk Grinberg est la fille du dramaturge Michel Vinaver. Elle grandit à Paris et fréquente le monde du théâtre où très tôt, elle cherche à se faire sa place. Elle commence sa carrière au théâtre à 13 ans, dans Remagen d'Anna Seghers, mis en scène par Jacques Lassalle, metteur en scène qu'elle retrouvera vingt ans plus tard dans Chaos debout de Véronique Olmi. Elle débute tout aussi jeune sa carrière cinématographique, dans Mon coeur est rouge de Michèle Rosier. 

Malgré quelques apparitions au cinéma, la jeune fille entreprend parallèlement des études d'ethnologie et se consacre avant tout au théâtre. Elle s'illustre notamment dans Faust ou la fête électrique sous la direction de Richard Foreman où elle joue le diable ; La Cruche cassée de Heinrich von Kleist et L'École des femmes de Molière, toutes les deux mises en scène par Bernard Sobel ; ou encore dans L'Ordinaire et Les Voisins, écrites par son père, puis dans Noises d'Enzo Cormann. 

Elle fait sa première incursion dans le théâtre privé, sous la direction de Michel Fagadau dans Faut pas tuer maman (nomination aux Molières). Jean-Louis Martinelli lui confie le rôle de la putain dans l'adaptation de La Maman et la putain de Jean Eustache (Prix de la critique). En 1990, elle impressionne le réalisateur Bertrand Blier dans cette pièce. Alors que Béatrice Dalle est initialement choisie, il lui propose alors d'incarner Joëlle dans Merci la vie. Ce film subversif la propulse, à 28 ans, au rang de star. Pour sa prestation, elle reçoit le Prix Arletty puis le Prix Romy Schneider. Patrice Chéreau la dirige dans Le Temps et la chambre de Botho Strauss (Nomination aux Molières). Didier Bezace la met en scène dans Feydeau Terminus, trois pièces de Feydeau, avant de lui confier récemment le rôle d'Araminte (Prix de la critique et nomination aux Molières) dans Les Fausses Confidences de Marivaux aux côtés de Pierre Arditi. Autre passage dans le privé : La preuve, mise en scène de Bernard Murat (Nomination aux Molières). Philippe Calvario lui confie le personnage principal dans Grand et petit de Botho Strauss. Elle conçoit un spectacle-lecture à partir des lettres de Rosa Luxembourg, Rosa, la vie, spectacle qui sera repris en 2009 au théâtre de la Commune, puis en tournée. 

Devenue la muse et la compagne de Blier, Anouk Grinberg crève l'écran en 1993 dans Un deux Trois Soleil, où elle joue avec brio une jeune paumée des quartiers nord de Marseille. En 1996, elle est à l'affiche de Mon Homme, son dernier film avec Bertrand Blier, avant de se séparer.

Par la suite, Anouk Grinberg prend ses distances avec le cinéma même si elle y revient sporadiquement. Loin des flonflons du showbiz, elle renoue avec le théâtre.

En 2006, le grand public la re-découvre dans le téléfilm de François Luciani, Le procès de Bobigny, où elle campe l'avocate Gisèle Halimi. L'année suivante, elle participe à la saga de Nina Companez, Voici venir l'orage, diffusée sur France 2. 

Au cinéma, malgré deux beaux rôles dans Un héros très discret de Jacques Audiard (1995) et Disparus de Gilles Bourdos (1997), Anouk Grinberg espace ses apparitions. Elle figure au casting des Petites couleurs de Patricia Plattner (2002), Une vie à t'attendre (2004) de Thierry Klifa et des Fragments d'Antonin (2006), où elle partage l'affiche avec Gregori Derangère. 

Après une apparition dans la saison 6 de Kaamelott en 2009, l'actrice, qui s'adonne aussi à la peinture et expose régulièrement ses œuvres, est rare sur les écrans dans les années 2010. Elle revient au cinéma en 2021 avec Tromperie d'Arnaud Desplechin. Dans cette adaptation du roman de Philip Roth, la comédienne incarne l'épouse de Denis Podalydès.

Absente des planches pendant les années 90, elle fait son grand retour sur scène en s'illustrant notamment dans Molly Bloom (2012-2013), d'après Ulysse de James Joyce.

En 2022, elle est à l'affiche de trois longs-métrages : après avoir côtoyé Gérard Depardieu dans Les Volets verts de Jean Becker, elle incarne une juge dans La Nuit du 12. Plébiscité par la critique, ce polar de Dominik Moll relate une enquête irrésolue sur un féminicide. Anouk Grinberg change ensuite de registre avec la comédie de braquage L'Innocent, dans laquelle elle interprète la mère de Louis Garrel, une femme qui s'entiche d'un prisonnier.

Cette mère de deux enfants, qui fut autrefois surexposée médiatiquement, reste aujourd'hui très discrète sur sa vie privée. 

MARIE-CHRISTINE BARRAULT  1944

Comédienne, Écrivain


Elle est élevée, avec son frère, par sa grand-mère Félicité. Elle est aussi la nièce de Madeleine Renaud et Jean-Louis Barrault. Dès 1963, elle assiste au cours Simon et réussit l'entrée au conservatoire d'art dramatique l'année suivante. D'abord tournée vers le théâtre où elle fait ses débuts, notamment sous la direction de Maurice Béjart pour 'La Tentation de saint Antoine', le cinéma la fait connaître au public en 1969 avec Ma nuit chez Maud de Rohmer. Avec Jean-Louis Trintignant, ils forment le célèbre tandem d'amoureux platoniques.Un réalisateur qu’elle retrouvera en 1972 dans L’Amour l’après-midi

Elle enchaîne un autre succès, dans le registre comique avec Le Distrait en 1970, aux côtés d'un Pierre Richard empoté à souhait. Après un retour vers le théâtre pour des pièces plus classiques, elle renoue avec le septième art en 1975 avec Cousin cousines, Perceval le Gallois et Entre chiens et loups, films phares des années 70. Elle est alors mariée avec le grand producteur et argentier du cinéma français, Daniel Toscan du Plantier 

Commence alors une carrière internationale dans les années 80, où elle sera dirigée par Woody Allen (Stardust memories), Andrzej Wajda (Un amour en Allemagne), Manoel de Oliveira (Le Soulier de satin) ou encore Denys Arcand (Jésus de Montréal). Elle est moins présente au cinéma dans les deux décennies suivantes, mais tourne tout de même avec Pascal Thomas (La Dilettante, 1999). 

Après avoir triomphé d'un cancer du sein, Marie-Christine Barrault joue dans le film de Christophe Honoré, Non ma fille, tu n'iras pas danser, où elle apparaît aux côtés de Chiara Mastroianni et Marina Foïs, 2010

Elle est en revanche très active sur les planches, ajoutant à son répertoire des pièces de Tennessee Williams, Marguerite Duras ou encore Françoise Chandernagor. On la voit également beaucoup à la télévision où elle tourne notamment sous la direction de son second mari Roger Vadim. Le couple vivra une décennie d’un amour fou jusqu’à la mort du réalisateur, en 2000. En 2014, elle effectue un retour remarqué sur petit écran dans la minisérie « Jusqu’au dernier » ainsi que dans « Scènes de ménage ». 

Elle a joué dans plus de cinquante films, quarante téléfilms et quarante pièces de théâtre tout au long de sa carrière française et internationale. 

Dans un livre au titre poétique, "Si tu savais, c’est merveilleux", la comédienne Marie-Christine Barrault se raconte à travers le deuil éprouvé des personnes qu’elle a aimées, qui l’ont construite ou déconstruite. Rencontre avec une artiste qui est passée de la colère à la lumière. 

À 79 ans, sa jeunesse semble éternelle. Marie-Christine Barrault s'adresse, dans un livre, à celles et ceux qu'elle a aimés, et qui sont partis. De son oncle célèbre Jean-Louis Barrault à son ancien mari, Daniel Toscan du Plantier, de son grand amour Roger Vadim à son frère Alain, à son père et à sa mère absents, elle parcourt une formule qui lui est chère : « Les vivants ferment les yeux des morts, mais les morts ouvrent les yeux des vivants ». Après la parution de deux autobiographies, Le Cheval dans la pierre puis Ce long chemin pour arriver jusqu'à toi, la comédienne convoque dans ce nouveau livre les êtres aimés et la mort tout court, qu'elle apprivoise frontalement, sur scène, dans ses deux derniers spectacles : « Une mort dans la famille », d’Alexander Zeldin et « Voyage à Zurich » de Jean-Benoît Patricot, mis en scène par Franck Berthier, joué à Avignon en été 2023. « Ce sont deux pièces dans lesquelles je meurs face au public. La mort est très présente en moi, non pas comme quelque chose de mortifère, mais plutôt quelque chose à quoi je me prépare en essayant de vivre le mieux possible. Cette phrase de ma grand-mère que je n'ai pas connue, qui est morte en disant "Si tu savais c'est merveilleux", m'éclaire. Au moment de mourir, il y a un éclairage de notre vie entière qui s'est passée. C'est sous cet angle que j'avais envie d'écrire. J'avais envie de parler de ces personnes qui ont été si importantes, à partir de leur mort. La mort m'a enfantée. »

À la mort de son grand amour, le cinéaste Roger Vadim disparu en 2000, elle parle d'un "accouchement". Une notion qui revient dans ce récit intime, notamment lorsqu'elle évoque sa première professeure de chant, Geneviève Rex, qui lui a donné des cours trois fois par semaine à partir de ses 25 ans : « Je lui dois tout. Elle m'a accouchée. Elle m'a fait gagner ma voix. Elle m'a accouchée plus que ma propre mère. Le travail sur la voix est fondamental pour un acteur. Elle m'a fait trouver ma voix intérieure, ma liberté. » Née dans une famille dysfonctionnelle, à la "symphonie discordante" pour reprendre ses mots, la musique était omniprésente, le piano était central avec une mère et une sœur pianistes, un père mélomane, un grand-père célèbre, Georges Valmier peintre cubiste mais aussi chanteur. Malgré tout, la musique familiale était "sans paroles", faite de non-dits et d'empêchements. C'est ce qui l'a construite et menée vers sa vocation, le jeu et la scène, le lieu du dialogue et de l'incarnation : « Je n'aurais pas eu la force de faire ce métier si j'avais pas eu une enfance si compliquée. » 

Marie-Christine Barrault a joué dans plus de 55 films, mais elle souligne que son vrai métier, c'est le théâtre, là où tout a commencé, un art accessible à toutes et tous selon elle. « Mon désir d'être actrice passait par le théâtre. Je connaissais mal le monde du cinéma. Pour moi, le théâtre, les mots, les expressions étaient une survie, la seule issue était d'aller vers le théâtre. » La comédienne intègre le cours Simon en 1963 avant d’entrer au Conservatoire de Paris en 1964, sous l’œil de son oncle Jean-Louis Barrault, et de Maurice Béjart. Elle fait ses premiers pas au cinéma en 1969 devant la caméra d’Eric Rohmer aux côtés de Jean-Louis Trintignant dans Ma Nuit chez Maud. Depuis quelques années, Marie-Christine Barrault se produit sur la scène de nombreux festivals en tant que récitante pour des lectures musicales. France Musique.

  • « Si tu savais, c'est merveilleux » est paru aux éditions Stock 

Marie-Christine Barrault, comédienne, fille de Marthe et de Max-Henri 

Filiations. Une grand-mère qui adorait le théâtre, un oncle célèbre et un père souffrant. Après une enfance meurtrie, l'actrice qui a séduit Rohmer et Woody Allen place la famille au centre de sa vie. 

C'est un sourire, comme une douceur soudaine qui illumine un visage, un teint transparent, des yeux de porcelaine. Marie-Christine Barrault dégage toujours cette lumière que voulait Rohmer pour Ma nuit chez Maud, cette gaieté naturelle qui a séduit Woody Allen. Elle fait du café dans son appartement parisien dont les baies vitrées dominent le jardin des Tuileries. Aux murs, des toiles de son grand-père peintre. Partout, des livres. Marie-Christine Barrault évolue là avec une tranquille sérénité. Son récit autobiographique vient de paraître* et le téléphone sonne souvent. Des intimes qui la félicitent. Elle a un ton affectueux pour chacun puis envoie sur les roses, toujours avec la même gentillesse, une photographe qui la contacte pour faire quelque chose de «people». Enfin, elle s'assoit à son tour. 

“Je n'ai pas connu mes grands-parents paternels. Ma grand-mère, Marcelle, est morte peu avant ma naissance. Elle était née comme moi un 21 mars, en 1884. Je ne sais d'elle que ce que m'en a dit mon oncle, Jean-Louis Barrault. Il m'a raconté sa mort, que je trouve admirable. Elle a poussé un grand soupir et a dit: «C'est merveilleux.» Cela m'irait bien de mourir ainsi. Marcelle était d'origine bourguignonne, mais peut-être a-t-elle toujours vécu à Paris, où elle a eu ses fils. On m'en a parlé comme d'une femme coquette et gaie, très agréable à vivre. Mon oncle Jean-Louis l'adorait. Il disait que ma joie de vivre lui rappelait sa mère. Elle était blonde aux yeux bleus, avec un visage assez épanoui. Il est possible que je lui ressemble physiquement. 

»De mon grand-père, je ne sais rien, sauf qu'il était pharmacien au Vésinet, près de Paris. Il est mort jeune, vers 35 ans, à la fin de la guerre de 14. Mon père, Max-Henri, était né en 1906, Jean-Louis en 1910. Ils avaient 8 et 12 ans à la mort de leur père qu'ils n'avaient presque plus vu depuis quatre ans. Je les imagine dans un milieu petit bourgeois, avec quelques rentes venant d'appartements ou de commerces en location. Jean-Louis a été le premier artiste de la famille. Quelque temps après la mort de mon grand-père, ma grand-mère s'est remariée et est retournée en Bourgogne, où elle a mené une vie pas compliquée. Il paraît qu'elle adorait le théâtre. Elle jouait en amateur et montait des spectacles chez elle. Elle a été très fière quand Jean-Louis est devenu comédien. 

»Mon père est mort en 1958, dix ans après que sa maladie, la sclérose en plaques, se soit déclarée. J'avais 14 ans. Je le voyais très peu, on parlait très peu. Il perdait la mémoire. Il ne m'a presque rien dit de son enfance. Je crois il n'avait pas de carrière, plutôt des emplois ponctuels. Il a été administrateur de théâtre, à mon avis lorsque Jean-Louis est entré dans ce milieu. Mon père n'avait pas un esprit bourgeois, il était doté d'une certaine fantaisie. Je l'idéalise sans doute, mais on me l'a toujours décrit ainsi. Il avait bon caractère et je ne pense pas qu'il se soit senti écrasé par le succès de Jean-Louis. Il adorait son frère. J'en suis sûre. Moi, je trouvais que Jean-Louis l'abandonnait dans sa maladie, mais je n'ai jamais entendu mon père faire une réflexion dans ce sens. En tout cas, s'il le pensait il ne le disait pas. 

»Mon père avait 31 ans quand il s'est marié. Ma mère, Marthe, qui se faisait appeler Martine, était pianiste. Il l'a connue dans un cours de chant. Sa mère à elle était née en Algérie, vers 1880. Je l'ai bien connue puisqu'elle m'a élevée jusqu'à l'âge de 8 ans. Elle s'appelait Félicité et sa famille était originaire d'Italie du Nord et de Suisse italienne. C'était des colons qui possédaient d'énormes domaines vinicoles dans l'Oranais. Félicité, dernière d'une dizaine d'enfants, n'avait pas fait d'études et était élevée comme toutes les jeunes filles de ces familles très aisées, avec beaucoup de gens pour s'occuper d'elle. C'est au cours d'un voyage à Paris avec sa mère qu'elle a rencontré mon grand-père. Il s'appelait Georges Valmier, était un peu plus jeune qu'elle et il est mort en 1937. Je ne l'ai pas connu, mais je me sens une vraie filiation avec lui. À la fois peintre et chanteur, il était très séduisant. Il était originaire d'Angoulême mais a toujours vécu à Paris. Je crois qu'il a été le seul artiste de sa famille. Félicité a donc atterri dans le Paris des peintres, à Montmartre, et les draps de son trousseau ont servi à faire des toiles. Le couple n'avait pas beaucoup d'argent mais ne devait pas vraiment en manquer non plus. Ma grand-mère a eu ma mère à 31 ans, en 1912, puis a mis au monde un petit garçon qui n'a vécu que quelques mois, dont elle ne parlait pas. Après la mort de mon grand-père, elle n'a pas songé une seconde à refaire sa vie. Elle est allée habiter une petite maison de banlieue. Très brune, les yeux noirs, elle a dû être très jolie. Cette grand-mère-là était étrange. Elle n'aimait que les siens et se méfiait de tous les autres. À mon avis, elle n'était pas très douée pour le bonheur. Elle adorait sa fille, ma mère, mais détestait ses gendres. Je pense que tout cela vient de sa relation avec mon grand-père, pour qui elle a eu une vraie passion. Mais au quotidien elle devait être très... emmerdante. Mon grand-père, tout en ne se séparant jamais d'elle, a dû prendre pas mal la tangente, pour avoir un peu la paix. Elle a dû en conclure que quand on aime, on souffre. 

Ma mère adorait son père qui l'a initiée très jeune à la peinture et à la musique. Ma grand-mère a dû se sentir un peu mise à l'écart de cette relation fusionnelle. Ma mère a fait des études de piano. Si elle était restée avec mon père, elle aurait sans doute continué une carrière artistique. Mais elle a eu deux enfants, mon frère Alain, en 1942, et moi en 44, puis elle a changé de mari et eu deux autres filles, Anne et Emmanuelle. Elle a alors vécu dans l'ombre de mon beau-père, Jean Domec. Elle restait à la maison, ce qui était insupportable car elle avait mille fois trop de vitalité. Si elle avait travaillé, elle aurait été une bien meilleure mère. 

Lorsque mon beau-père est mort, elle a recommencé à travailler, elle est devenue antiquaire, s'est fait une multitude d'amis. On aurait dit que pendant dix-sept ans elle avait mis une partie de sa personnalité en veilleuse. Je ne sais même pas si elle en avait conscience. Son mariage avec mon père avait duré huit ans. Je ne m'en souviens pas. J'avais 1 an et 3 mois quand ma mère s'est retrouvée enceinte de mon beau-père. J'ai été expédiée chez ma grand-mère avec mon frère. Nous n'évoquions jamais cette séparation. On faisait comme s'il n'y avait pas de problèmes. Récemment encore, alors que je rédigeais mon autobiographie, ma mère a dit: «Mais qu'est-ce qu'elle peut raconter sur son enfance? Il ne s'est pourtant rien passé de spécial!» On dirait qu'elle a appris sur elle-même en lisant mon livre. J'en suis très heureuse, car j'ai l'impression qu'une barrière est tombée. On a évoqué des choses dont on n'avait jamais parlé. On va sûrement, un jour ou l'autre, avoir du temps pour pousser la conversation plus loin, sans heurts. Et peut-être arriverai-je à lui demander: «Mais comment, toi, as-tu vécu ça?» Mes enfants, David et Ariane, savent pourquoi j'ai quitté leur père, Daniel Toscan du Plantier. Ils savent pourquoi je vis avec Roger Vadim, on a toujours parlé de tout. Je n'ai jamais su si ma mère avait aimé mon père, ou mon beau-père, ou regretté mon père. Tout était secret. Je crois que cette atmosphère m'a donné envie d'être actrice, pour exprimer mes sentiments. 

»Je ne sais pas pourquoi jusqu'à 8 ans je n'ai pas vécu avec ma mère. Soi-disant qu'elle avait un problème d'appartement. Peut-être n'a-t-elle pas pris le risque de vivre avec cet homme nouveau en emmenant ses deux bébés? Ils ont dû trouver pratique de nous mettre chez ma grand-mère. Moi, je ne dis rien, mais je sais que je ne me serais jamais séparée de mes enfants, même dans la situation la plus compliquée. Ma mère a eu immédiatement mes deux sœurs. Cela doit faire bizarre, d'avoir deux enfants avec soi en sachant qu'on en a deux autres ailleurs. Je sais qu'elle a organisé des séjours avec mon père et ma grand-mère pour qu'on passe des vacances ensemble. Tout d'un coup pendant quinze jours j'avais et mon père et ma mère. Eh bien, je n'en ai gardé aucun souvenir. 

Dans mon enfance, tout n'a pas été douloureux: l'amour de ma grand-mère, qui ne vivait que pour mon frère et moi, était inépuisable. Curieusement, elle était sûre que j'aurais un destin hors du commun. Par contre, n'avoir jamais vécu avec mon père a créé un manque encore présent aujourd'hui… » Sylvie Tanette.

* Le cheval dans la pierre. Marie-Christine Barrault. Robert Laffont. 

ANÉMONE  1950-2019

Actrice, Scénariste


Anémone était une actrice de caractère, la gouaille en étendard, mais recelant aussi les fragilités ou les troubles qui traversaient certains de ses personnages.  Anémone haïssait les fastes de la notoriété et son langage direct, teinté parfois de misanthropie, pouvait ne pas toujours plaire. Jusqu’au bout, elle est restée qui elle était : une femme sauvage.

Elle avait un prénom d’actrice, Anémone. Elle en avait un autre dans l’esprit des Français, Thérèse, celui de son personnage de bénévole coincée à la permanence de SOS Détresse-Amitié dans Le Père Noël est une ordure, de Jean-Marie Poiré. Film dans lequel, avec Thierry Lhermitte, elle a formé un des duos comiques les plus célèbres du cinéma français. César de la meilleure actrice en 1988 pour son rôle dans Le Grand Chemin, de Jean-Loup Hubert, Anne Bourguignon, de son vrai nom, est morte à l’âge de 68 ans, aux lueurs de l’aube, mardi 30 avril, à Poitiers, près du petit village de la Vienne où elle vivait.  Elle avait bien ri durant une bonne partie de sa vie, s’était engagée de nombreuses fois – particulièrement en faveur de l’écologie –, s’était énervée contre pas mal de choses (l’économie de profit, le mondialisme, les enfants, les gens de droite, la gauche), avant de se sentir fatiguée, usée de combattre. Désespérée au point de souhaiter, ces dernières années, qu’on l’oublie.  Née à Paris en août 1950, dans un milieu bourgeois, des médecins « plutôt de gauche » disait-elle, la petite Anne n’a pas eu vraiment à se rebeller. Elle savait ce qu’elle voulait faire. On ne l’en a pas empêché. Elle avait toujours eu le sentiment d’être « née actrice » ; elle choisira la vie de bohème, « plus marrante », c’est tout. Traînant aux terrasses des cafés parisiens, suivant des cours dans un théâtre découvert au hasard, croisant ici ou là des artistes, elle avait commencé à trouver l’existence joyeuse. Bien plus que celle vécue dans les écoles et instituts catholiques (Sainte-Marie des Invalides à Paris, couvent Notre-Dame- des-Oiseaux à Megève, Notre-Dame à Epernay...) qu’elle avait fréquentés pour ses études. Sa carrière commence en 1968, dans le long-métrage Anémone, de Philippe Garrel. Au générique, elle apparaît sous son vrai nom. Elle choisit désormais de porter celui du titre du film. Après avoir joué des personnages de second plan, elle décroche son premier grand rôle, offert par Coluche, qui réalise en 1977 Vous n’aurez pas L’Alsace et la Lorraine, avec Gérard Lanvin et Dominique Lavanant. C’est grâce à l’humoriste qu’elle rencontre la troupe du Splendid. Christian Clavier, Michel Blanc, Gérard Jugnot, Thierry Lhermitte, une bande de joyeux drilles avec laquelle elle fait ses débuts au café-théâtre, et avec laquelle elle crée, deux ans après, la pièce Le Père Noël est une ordure. Enorme succès à la Gaîté-Montaparnasse, elle est adaptée au cinéma par Jean-Marie Poiré, en 1982, ce qui amplifie sa renommée. Multi-rediffusé à la télévision, le film attire, aujourd’hui encore, plus de 3 millions de téléspectateurs à chacun de ses passages et ses répliques sont toujours culte pour toute une génération de spectacteurs. Lors d'interviews accordées pour sa dernière pièce "Les noeuds au mouchoir" en 2017, elle exprimait son amertume par rapport à l'évolution du métier de comédienne, regrettant que "le fric (se soit) emparé de tout, partout !" "J'avais décidé d'être artiste, pas vendeuse de films ni de pièces de théâtre", lâchait-elle au Parisien. Celle qui avait avoué regretter d'avoir eu deux enfants, un fils et une fille, se montrait très pessimiste concernant l'avenir de la planète. "C'est trop tard." 

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Née en 1950 à Paris, Anémone débute au cinéma à 17 ans chez Philippe Garrel dans Anémone. Elle figure au générique sous son vrai nom Anne Bourguignon. Le film lui donnera son pseudonyme. Elle rencontre ensuite les bandes du Café de la  Gare (Coluche, Romain Bouteille...) puis du Splendid (Jugnot, Balasko, Chazel, Clavier, Lhermitte, Blanc) qui lui apporteront le succès. Retour en 5 films sur sa carrière marquante. 

Au départ, le rôle n’était pas pour elle. Quand la troupe du Splendid écrit Le père Noël est une ordure (après l’immense succès des Bronzés au cinéma), elle n’imagine pas encore Anémone dans la peau de Thérèse, mais Josiane Balasko. Cette dernière étant accaparée par le cinéma, elle ne peut créer le rôle sur scène. Gérard Jugnot, Thierry Lhermitte et les autres ont alors l’idée de faire appel à celle que Coluche avait choisie pour Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine : Anémone. Elle crée Thérèse dans Le père Noël est une ordure sur scène, le 17 octobre 1979. Elle campe à merveille cette bourgeoise étriquée mais généreuse et son duo avec Thierry Lhermitte fait des étincelles. La pièce obtient un tel succès que la troupe est contrainte de jouer dans un théâtre plus grand. Elle est filmée par Philippe Galland, compagnon d’Anémone. Très vite, l’idée d’une adaptation sur grand écran est envisagée. Jean-Marie Poiré (le futur réalisateur des Visiteurs) prend les commandes du film. Le succès sera de nouveau au rendez-vous. Les rediffusions télé l’ont depuis transformé en film culte d’une génération. 

Philippe Galland a l’idée de cette comédie romantique originale dont Anémone est la vedette avec Gérard Jugnot. La comédienne interprète une animatrice radio qui, au hasard de ses déplacements, propose à des automobilistes de gagner de l’argent. Gérard Jugnot est un chômeur au bout du rouleau. Leur rencontre, c’est l’attirance de deux contraires. Anémone est parfaite en ambitieuse des médias rongée par la culpabilité et désireuse de bien se conduire dans la vie. Derrière la comédie, Le Quart d’heure américain est une critique acerbe de la différence de classes. 

Péril en la demeure, ce polar élégant et sulfureux de Michel Deville permet à Anémone d’interpréter son premier rôle dramatique. Elle est Edwige Ledieu, une jeune femme mystérieuse qui espionne David (Christophe Malavoy), un professeur de guitare pris au piège d’un couple étrange (Nicole GarciaMichel Piccoli). Avec sa canne, sa démarche claudicante et son franc-parler, elle est une des pièces maîtresses de ce film. 

Le Grand Chemin de Jean-Loup Hubert est probablement le Tchao Pantin d’Anémone, son tournant dramatique. Elle émeut dans le rôle de Marcelle, cette femme en deuil d’un enfant qui va, grâce à l’arrivée d’un garçon de neuf ans, retrouver le goût à la vie. Elle forme avec Richard Bohringer un couple à fleur de peau qui a marqué le cinéma français. Ce rôle lui vaudra le César de la meilleure actrice en 1988. 

Dans le film de Christine Pascal (Le petit Prince a dit), Anémone interprète une actrice qui ne voit sa fille qu’un week-end sur deux depuis le divorce d’avec son père, interprété par Richard Berry. Mais la nouvelle d’une maladie grave affectant la petite fille va réunir de nouveau la cellule familiale. Anémone parvient, par son jeu subtil et décalé, à composer une mère de famille très émouvante. Le film a été récompensé par le prix Louis Delluc en 1992.

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Anémone a démarré sa carrière dans le café-théâtre au sein de la troupe du Splendid. Elle a notamment tenu le rôle, aujourd'hui inoubliable, de Thérèse, l'acolyte de Thierry Lhermitte à la permanence de l'association SOS Détresse Amitié, dans la comédie Le Père Noël est une ordure. Parmi les nombreuses scènes cultes, Thérèse de Monsou reçoit un coup de fil inoubliable. Le succès de la pièce amplifié par l'adaptation au cinéma, réalisée par Jean-Marie Poiré, lance véritablement sa carrière. 

Il serait bien trop simple de résumer le parcours d'Anémone à sa prestation mémorable dans Le Père Noël est une ordure. Actrice au fort caractère, hors-norme et bouleversante, elle a joué dans plusieurs films marquants. En 1988, la comédienne brille dans Le Grand chemin, fresque paysanne sur l'enfance de Jean-Loup Hubert. Anémone donne la réplique à Richard Bohringer. Sa formidable prestation qui lui vaudra de remporter cette même année le César de la meilleure actrice. 

À la fin des années 90, elle se tourne vers le théâtre. Elle joue dans « Mademoiselle Werner » au Théâtre des Variétés ou « Les Nœuds au mouchoir » au Palais des glaces, à Paris. 

Le 22 décembre 2017, lors d'une interview accordée au Parisien, Anémone avait annoncé mettre définitivement un terme à sa carrière après cinquante années extrêmement riches. Elle dénonçait notamment le virage entrepris dans le milieu du cinéma. "J'avais décidé d'être artiste, pas vendeuse de films ni de pièces de théâtre (...) Ça fait trop chier, ce n'est pas le boulot que j'avais choisi. Le fric s'est emparé de tout, partout", avait-elle déclaré. 

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“Drôlissime ou tragique à l’écran, Anémone se traînait une réputation d’emmerdeuse dans le monde du cinéma et des médias, poursuit le quotidien belge. Quitte à péter les plombs de temps à autre sur un plateau de télévision ou à rembarrer les journalistes venus l’interroger. Mais quand elle se livrait, elle y allait franco, n’hésitant pas à montrer ses fragilités comme ses convictions.” 

Le Soir se souvient ainsi d’une interview en 1990, “30 ans avant les ‘gilets jaunes’” note le journal, lors de laquelle l’actrice affirmait : “si, un jour, dans la réalité, les pauvres appliquent les slogans imbéciles à la Bernard Tapie – la loi de la jungle et gna-gna-gna : c’est-à-dire que le plus fort gagne sans aucune morale – qu’on leur serine à tout bout de champ, on va arriver à une belle explosion de la société. Il y a un mur de Berlin entre les riches et les pauvres en Occident.” 

Tout au long de sa carrière, Anémone a semblé ne pas rentrer dans le moule du cinéma français et a toujours porté un regard critique sur la société. Bien avant le mouvement #MeToo, en 2005, elle confiait ainsi au Soir : “Si l’économie politique était aux mains des femmes, ça irait beaucoup mieux. Les hommes n’ont pas le cerveau pour ça. La gestion de l’espace, ils peuvent. Mais pour le reste, ils nous mènent au désastre.” 

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Fille du psychiatre André Bourguignon et de Claire Justin-Besançon, Anne Bourguignon est née à Paris, en 1950, dans un milieu bourgeois. Elle commence le cinéma en 1968 avec le film "Anémone" de Philippe Garrel, dont elle tire son pseudonyme. Elle y incarne une jeune fille de 17 ans partant à l'aventure avec un garçon. 

Elle entre ensuite à l'école de théâtre fondée à Reims par Robert Hossein, puis se consacre au café-théâtre. Le père Noël est une ordure, d'abord joué sur scène puis adapté sur grand écran, lui vaut d'être remarquée du public. 

Elle enchaîne les comédies : Ma femme s'appelle reviens, Viens chez moi, j'habite chez une copine, Le Mariage du siècle ... En 1977, elle joue la cousine Lucienne dans le film de Coluche Vous n'aurez pas l'Alsace et la Lorraine, un de ses premiers grands rôles au cinéma. Dans Le Grand Chemin, Jean-Loup Hubert lui offre un rôle plus sensible, celui de Marcelle, qui lui vaudra le César de la meilleure actrice en 1988, trophée qu'elle laisse sur scène pendant la cérémonie. 

L'actrice est devenue une figure incontournable du paysage comique français, dont le personnage culte de Thérèse demeure l'un des fleurons. Un rôle qu'elle va pourtant trainer comme un boulet. Artiste à fleur de peau, sans doute peu faite pour le vedettariat, et préférant être que paraitre et s'insurge très vite contre le système. 

Son franc-parler la marginalise un peu, même si elle prouve l'ampleur de son jeu dans des personnages riches d'émotions secrètes et de tendresse cachée. Notamment dans Le petit prince a dit de Christine Pascal, Péril en la demeure de Michel Deville, Pas très catholique de Tonie Marshall

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L'actrice n'a pas la langue dans sa poche. Elle critique avec vigueur le milieu dans lequel elle évolue : "Cannes, c'est le Salon de l'Agriculture. En beaucoup moins chaleureux", a-t-elle dit, ou encore "Une vedette, c'est un paquet de lessive. On la prend, on la presse, on la jette". 

L'actrice et comédienne a participé à une vingtaine de pièces au théâtre et plus de 70 films au cinéma. Alors qu'elle interprétait une vieille femme qui perd la mémoire dans "Nœuds au mouchoir", de Denis Cherer, en 2017, elle avait annoncé sa retraite. 

Écologiste de la première heure, membre d'Attac depuis sa création en 1998, sympathisante des Verts depuis toujours, Anémone est une militante. En 1988, elle a officiellement soutenu la candidature d'Antoine Waechter. En 1995, elle était candidate aux municipales à Paris sur la liste « Paris Ecologie Solidarité Citoyenneté » dans le 20e . En janvier 2002, elle s'est faite la porte-parole de l'Association Attac sur la scène du Zénith. Sans compter tous ces petits gestes du quotidien pour préserver la planète. 

Anémone se scandalise du regard méprisant porté pendant longtemps sur les écologistes. "On nous traitait de fous, de Cassandre, peste-t-elle. Alors que c'est frappé au coin du bon sens : on ne peut pas rêver d'une croissance infinie de la population et de la consommation individuelle sur une planète qui n'est pas en expansion". 

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Le succès de son rôle de Thérèse, acolyte de Thierry Lhermitte à la permanence de SOS Amitié dans "Le père Noël est une ordure", au théâtre en 1979 puis au cinéma en 1982 dans l'adaptation réalisée par Jean-Marie Poiré, en avait fait une actrice très populaire dans les années 1980. C'est durant cette décennie qu'elle avait notamment participé à un festival en Suisse, le Cinémajoie à Porrentruy (JU). 

À l'affiche de nombreuses comédies comme "Viens chez moi, j'habite chez une copine" (1982), elle avait incarné aussi des rôles plus sensibles comme le personnage de Marcelle dans "Le Grand chemin" (1987), qui lui valut un César l'année suivante. Ces dernières années, elle avait été à l'affiche de "Jacky au royaume des filles" (2014), "Rosalie Blum" (2016) et "la Monnaie de leur pièce" (2018), son dernier film. 

Anémone se produisait aussi régulièrement sur les planches jusqu'à sa dernière pièce en 2011, "Grossesse nerveuse". Une comédie dans laquelle elle incarnait une grande bourgeoise aussi inattendue que désespérée. 

De son vrai nom Anne Bourguignon, elle était la fille du psychiatre André Bourguignon et de Claire Justin-Besançon. Elle était mère de deux enfants. 

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L’actrice Anémone, célèbre pour ses rôles de Thérèse dans Le Père Noël est une ordure, Nicole dans Pour cent briques t’as plus rien, ou encore d’Adrienne dans Viens chez moi, j’habite chez une copine, est décédée à l’âge de 68 ans des suites d’une longue maladie. Celle qui était née Anne Bourguignon en 1950 était devenue Anémone en tournant le film du même nom, signé Philippe Garrel, en 1967. En 1998, elle avait reçu le César de la meilleure actrice 1988 pour Le Grand Chemin – l’occasion d’une scène fantaisiste, à son image : « Je profite que je passe à la télé pour un message personnel : “Richard Anconina, si t’es devant ton poste de télé, je t’aime !” ». 

Ardente militante écolo, elle avait gardé son tempérament de frondeuse tout au long de sa carrière, quelques coups de gueule contre le monde du cinéma l’éloignant des studios dès la fin des années 80 : « Pour entretenir cette sacro-sainte image, je devrais en être déjà à mon troisième lifting, avoir le sourire perpétuel de Nancy Reagan ou les rides horizontales de certaines de mes copines, disait-elle à Télérama en 1998. Je devrais aussi me montrer dans les galas, y faire la bouffonne pour être remarquée, boire beaucoup pour me donner le courage d'accomplir ces conneries, donc devenir alcoolique, grossir... Sans compter qu'il faut en plus aller s'humilier chez les grands couturiers pour qu'ils prêtent des robes... Ce monde du fric se moque pas mal de défendre les artistes ; il lui faut juste quelques stars qui fassent vendre les produits dérivés, films, parfums, haute couture, cosmétiques en tout genre. Or moi, l'argent, je sais ce que c'est ; ça ne m'affole pas. J'ai été trop gâtée dans mon enfance pour me laisser embobiner par ça. Je voudrais juste faire de mieux en mieux mon métier. Tenez, j'ai mis près de vingt ans à savoir pleurer à l'image et je suis toujours nulle pour les scènes de fous rires : ce qu'il y a de plus difficile. Même si, maintenant, j'ai quand même un peu de technique et si j'ai enfin moins le trac. » 

En 2017, elle avait décidé de prendre sa retraite et nous avait expliqué pourquoi : « J’ai commencé ce métier il y a cinquante ans. Je suis vieille, j’en ai marre et j’ai désormais de quoi vivre. Si j’avais pu, j’aurais arrêté bien avant. Avec la sortie, en 1982, du Père Noël est une ordure, la notoriété m’est tombée dessus à toute berzingue. Non seulement elle a fait de moi une proie des médias, mais j’avais aussi l’impression d’être un produit commercial, qui appartenait aux firmes. Ça ne m’a pas plu du tout. » 

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"En plus d'être une actrice qui m'a beaucoup inspirée, c'était ma meilleure amie", a réagi la réalisatrice Tonie Marshall, "Je suis très profondément triste. Nous nous sommes connues quand on avait 16 ans. Ça a été ma meilleure amie de jeunesse". 

Anémone a énormément compté dans la vie de Tonie Marshall, "comme un premier amour". Tonie Marshall garde le souvenir d'une femme "très extravertie. Elle avait une espèce de puissance. Elle était insoumise. Moi j'étais fascinée parce que j'étais beaucoup plus introvertie et moins audacieuse". Femme très engagée, Anémone "n'était pas politiquement correct, elle ne l'a jamais été", souligne Tonie Marshall

« Elle avait une force de caractère qui faisait que beaucoup de gens la trouvait parfois difficile. Elle était insoumise, audacieuse, irrévérencieuse. En même temps, elle avait cette façon de pouvoir se mélanger aux gens, d'être au milieu d'eux. J'admirais ça beaucoup ». 

Tonie Marshall rappelle qu'Anémone lui a inspiré Pas très catholique en 1994. "Le personnage, je l'ai écrit ligne par ligne en pensant à elle". En 1996, les deux femmes se retrouvent pour Enfant de salaud. "J'ai senti déjà qu'elle avait moins envie d'être actrice", reconnaît la réalisatrice. "Petit à petit, elle était beaucoup plus versée dans l'écologie, dans le retrait du monde. Elle s'est un peu éclipsée.

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"C'est fin, c'est très fin, ça se mange sans faim." Sa réplique, culte, a accompagné plusieurs générations de spectateurs et télespectateurs depuis 1982 et la sortie du Père Noël est une ordure. Inoubliable interprète de Thérèse, bénévole coincée de SOS Amitiés, Anémone s'est éteinte le 30 avril 2019 à l'âge de 68 ans, des suites d'une "longue maladie", selon un communiqué de son agent. Indissociablement liée à la troupe du Splendid, la comédienne avait été citée à cinq reprises aux César, et remporté le trophée de la Meilleure actrice en 1988 pour Le Grand Chemin

Fille de psychanalyste, Anne Bourguignon, ado rebelle, est renvoyée du lycée privé Notre- Dame-des-Invalides où elle interpréta la Vierge Marie dans le cadre d'un spectacle de fin d'année. Elle fréquente alors les hérauts de la contre-culture que sont Marc'O ou Philippe Garrel. Celui-ci lui fait tourner son premier film, Anémone (1968), un titre qui deviendra son nom de scène - on la retrouvera plus tard dans un autre film imprégné de l'esprit de 68, Le Couple témoin. Après un détour par Reims, où elle suit les cours de comédie de Robert Hossein, elle se lance dans le café-théâtre au sein de la « Veuve Pichard », une troupe fondée en 1975 par d'anciens du « Café de la Gare ». 

Enchaînant au cinéma les seconds rôles comiques, Anémone est remarquée en 1980 dans Je vais craquer!!! de François Leterrier. L'année 1982 marque un tournant dans sa carrière, puisqu'elle se retrouve à l'affiche de quatre films à succès : inoubliable Thérèse, aussi gentille que coincée, dans Le Père Noël est une ordure, elle se délecte à jouer les séduisantes godiches dans Viens chez moi, j'habite chez une copine, Ma femme s'appelle reviens, et Le Quart d'heure américain, aux côtés de la bande du « Splendid ». Appréciée pour sa fantaisie (Le Mariage du siècle), elle surprend en voisine introvertie dans Péril en la demeure, et émeut en paysanne dans Le Grand Chemin (1987), décrochant même pour ce rôle un César qu'elle "oublie" de récupérer. 

Refusant de jouer le jeu du star- system, Anémone apparaît ensuite dans des comédies au ton plus personnel, signées par des cinéastes comme Romain Goupil (Maman) et surtout Tonie Marshall, qui lui confie de beaux personnages de femme libérée dans Pas très catholique (1994)n et Enfants de salaud. Et c'est une autre actrice-réalisatrice, Christine Pascal, qui offre à Anémone l'un de ses rôles les plus marquants, celui de la mère d'une fillette gravement malade dans Le Petit prince a dit (1992). 

À partir de la fin des années 90, l'actrice apparaît dans plusieurs films d'époque, du Cri de la soie à Lautrec, et dans quelques comédies d'aujourd'hui (Voisins, voisines, La Jungle), mais se consacre essentiellement au théâtre et à des combats citoyens. Elle n'en délaisse pas moins le cinéma, s'illustrant régulièrement dans des rôles de vieilles dames fantasques ou acariâtres (Le petit Nicolas, Jacky au Royaume des filles, Rosalie Blum, Le Grand Partage...). Sa dernière apparition à l'écran remonte à 2018, dans la comédie La Monnaie de leur pièce de Anne Le Ny

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Elle avait fait rire dans « Le Père Noël est une ordure » et ému dans « Le Grand Chemin ». Récompensée d'un César en 1988, Anne Bourguignon, de son vrai nom, laisse derrière elle une filmographie riche de plusieurs dizaines de longs métrages pour le cinéma et la télévision et environ 20 pièces de théâtre. 

Née dans la grande bourgeoisie parisienne, elle débute au cinéma en 1968 dans « Anémone » de Philippe Garrel, film qui lui inspire son pseudonyme. Mais ce n'est qu'en 1977 qu'elle obtient son premier grand rôle dans « Vous n'aurez pas l'Alsace et la Lorraine », par l'entremise de Coluche. Elle y excelle dans un rôle comique, cinq ans avant le cultissime « Père Noël est une ordure » de Jean-Marie Poiré, où son personnage de Thérèse, aux côtés de Pierre (Thierry Lhermitte), la fait rentrer dans le panthéon de l'humour français. 

Suivront par la suite quelques succès qui lui vaudront cinq nominations aux Césars. Deux fois en tant que meilleure actrice de second rôle (« Péril en la demeure » en 1986 et « Lautrec » en 1999), et trois en tant que meilleure actrice (« Le Grand chemin » en 1988, « Le petit prince a dit » en 1993 et « Pas très catholique » en 1995). Mais seul « Le Grand Chemin » de Jean- Loup Hubert, dont elle partage l'affiche avec Richard Bohringer, lui aussi césarisé pour ce film, consacrera son talent. 

Au théâtre, où elle démarre en 1972 dans une adaptation de Simenon signée Robert Hossein, Anémone connaît également le succès, notamment avec « Le Père Noël est une ordure », déjà. En 2017, c'est d'ailleurs sur scène qu'elle avait joué son dernier rôle. Alors à l'affiche des « Nœuds au mouchoir », elle avait annoncé au Parisien qu'elle mettait un terme à sa carrière dans une interview où elle exprimait son dégoût du métier de comédienne. « Le fric s'est emparé de tout, partout ! Quand j'ai commencé dans les années 1980, ça allait encore, là, c'est insupportable... » expliquait-elle. Elle indiquait alors vouloir « retourner buller au Portugal », pour « ne rien foutre ». Et quand on lui demandait ce qu'on pouvait lui souhaiter, l'actrice répondait sèchement : « Rien, c'est bon, merci. » Elle est décédée d'une longue maladie, un an et demi après l’entretien. 

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Inoubliable interprète de Thérèse de Monsou, bourgeoise naïve et coincée dans « Le père Noël est une ordure », Anémone était d’un tout autre tempérament dans la vie. Son César en est resté l'illustration parfaite. Le 12 mars 1988, Anémone est appelée sur scène pour recevoir le prix de la meilleure actrice pour son rôle de Marcelle dans « Le Grand chemin », de Jean-Loup Hubert. Et c’est déguisée en soldat de l’an II qu’elle monte sur scène. Après une longue présentation de sa tenue, une déclaration d’amour à l’acteur Richard Anconina, elle conclut, absurde : « Bonne nouvelle ère du Verseau. Vous savez qu’on vient d’entrer dans l’ère du Verseau. Salut les mecs ! » 

La comédienne quitte alors la scène en coup de vent, en oubliant même de prendre son prix... Un scandale dans le petit monde du cinéma français. Quelques jours après, Anémone avait renfilé son costume pour Match, et s'était expliquée sans détour : «Les Césars, je trouve ça rasoir ! C'est lent, et c'est aussi hyper-hypocrite cette séance d'auto- félicitations...» 

Paris Match n°2026, 25 mars 1988 Anémone : “Je fais un pied de nez aux mondanités !” 

César de la meilleure actrice pour « Le grand chemin », Anémone a cédé à son goût de la provocation en faisant une apparition furtive sur la scène du Palais des Congrès et en « oubliant » son trophée. Certains en ont été choqués. D'autres s'en sont amusés. Elle s'explique dans « Paris Match ». 

Pourquoi avoir voulu jouer les trouble-fête au cours de la 13e nuit des Césars ? Etait-ce pour choquer, amuser, ou vous faire remarquer ? J'aurais pu adopter l'attitude de la "planquée-intello" et dire : je n'y vais pas du tout, je méprise. J'y suis allée parce pendant la séance de photo de famille du cinéma Jeanne Moreau nous a demandé de venir nombreux. Et on ne peut pas ne pas respecter les désirs de Jeanne. 

Mais enfin, que signifiait cette mascarade ? 

Je suis actrice, je prends le mot mascarade comme un compliment. Je me suis déguisée. Cela fait partie de mon métier. 

Pourquoi avoir choisi un costume de soldat de l'An II ? 

À force de fréquenter ce milieu, j'ai de plus en plus envie de faire la révolution. J'ai pensé qu'un déguisement convenait mieux à une actrice qu'un discours. Le public n'a peut-être pas compris. Mais j'espère que c'était joli. Je crois à la force de la beauté. J'ai imaginé ce costume avec ma collaboratrice, Liliane Delerss, puisque nous allons créer ensemble une ligne de vêtements dont j'ai montré un croquis à l'antenne, afin de réinvestir nos gains dans la production de films. C'était l'occasion de faire un coup de pub et d'occuper un bon créneau. 

En fait, c'était une opération publicitaire ! 

Absolument. J'ai cité aussi le créateur des bijoux que je portais. Après tout, la télé nous exploite, fait du fric sur notre dos en nous invitant à longueur d'année dans des émissions pour lesquelles nous ne sommes pas payés. Alors moi, j'en ai profité. C'était la soirée de l'année, avec 20 millions de téléspectateurs. Je crois qu'il faut avoir le courage de faire ce métier d'exhibitionniste jusqu'au bout et, en même temps, faire un pied de nez aux institutions. 

Et le message "Richard je t'aime" adressé à Richard Anconina, c'était une déclaration d'amour ?
En fait, c'est un truc entre Richard et moi. Nous nous voyons beaucoup en ce moment car nous tournons un film qui est une histoire d'amour. Mais j'ai dit aussi d'autres choses, comme par exemple : "Nous entrons dans l'ère du Verseau”, le Verseau c'est Aquarius. Aquarius c'est "Hair”. Histoire de dire : arrêtez toute cette comédie. 

Apparemment, tout avait été préparé d'avance ? 

Un voyant m'a prédit il y a six mois que j'aurai ce César. Je m'attendais tellement à ce qu'il m'annonce le beau brun dont je rêve depuis des siècles que j'ai été horriblement déçue ! Puis, je me suis ressaisie et j'ai eu l'idée de cette petite mise en scène ! 

N'était-ce pas aussi une façon de vous moquer de la remise des Césars, qui est devenue une institution ?
Je suis totalement réfractaire aux cérémonies et aux mondanités. En plus, les Césars, je trouve ça rasoir ! C'est lent, et c'est aussi hyper- hypocrite cette séance d'auto-félicitations alors que le cinéma français est en train de crever, que les commerciaux et les producteurs ont pris le dessus en écrabouillant les artistes. On se congratule pendant trois heures, on fait croire que tout est génial dans "la grande famille du cinéma français" Moi je n'ai pas envie de participer à tout ça. 

Mais le César de la meilleure interprète féminine, c'était aussi la récompense de votre talent. Cela ne vous a pas fait plaisir ?
Je n'ai de merci à dire ni à un système, ni à une institution. Peut-être seulement à des individus. Dans ce cas, je prends mon téléphone et je le fais directement. Ensuite, je trouve choquant et grossier d'être en compétition avec une femme comme Jeanne Moreau. Il faut être sérieux, et comparer ce qui est comparable, non ? 

En vous décernant le César de la meilleure interprète féminine pour "Le grand chemin”, à travers vous c'était aussi le film qui était récompensé. N'est-ce pas un manque de respect de votre part envers toute l'équipe de vous enfuir en laissant le César sur la table ? 

À mon avis, Jean-Loup Hubert méritait le César du meilleur scénario et Claude Lecomte celui de la meilleure photo. Alors, qu'est-ce que cela change ? Mais je pense que tout cela est profondément futile. Alors, autant rigoler. Il faut rappeler de temps en temps qu'en scène tout est permis. C'est la moindre des choses ! 

Votre attitude de l'autre soir a suscité des réactions parfois négatives. Aujourd'hui, ne regrettez-vous pas un peu votre geste?
Je vais citer le mot de Guitry: "Vous devez terriblement déplaire à certaines personnes pour plaire autant à d'autres !" Et puis, il ne faut tout de même pas exagérer. Ceux qui crient au scandale accordent de l'importance à une chose qui n'en a pas. Un César, ce n'est tout de même pas un objet du culte ! J'ai fait ce que j'avais envie de faire. J'ai entendu des gens rire dans la salle, au moins cela prouve que je n'ai pas fait un bide. Je ne regrette pas non plus le dîner qui a suivi, au Fouquet's. Moi j'ai bouffé avec mes meilleurs copains chez Fernand, un petit bistro de la rue Guisarde. Quant au César, je n'aurais même pas eu la place de le mettre dans ma cuisine, encombrée de mes poêlons à fondue. Si encore il avait été en or, j'aurais pu l'offrir aux Restos du Cœur... 

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Le moment est resté dans les annales de la prestigieuse cérémonie des César. Ce 12 avril 1988, au cours de la 13e édition du grand raout annuel du cinéma français, Anémone est appelée sur scène pour recevoir le César de la meilleure actrice pour son rôle de Marcelle dans Le Grand chemin, réalisé par Jean-Loup Hubert. La comédienne déboule sur scène telle une tornade et en costume de révolutionnaire. Elle fait la bise à la chanteuse Jane Birkin sous les yeux de Michel Drucker, lâche quelques mots sur sa tenue, fait une déclaration d’amour à l’acteur Richard Anconina et file aussi vite qu’elle était arrivée sur un message lunaire : « Bonne nouvelle ère du Verseau. Vous savez qu’on vient d’entrer dans l’ère du Verseau. Salut les mecs ! » Elle n’aura même pas pris la peine de récupérer sa statuette, faisant fi de toutes les conventions. 

Anémone, Anne Bourguignon de son vrai nom, s’est éteinte d’une « longue maladie », à l’âge de 68 ans, selon les informations de son agent. Avant Le Grand chemin, elle avait démarré sa carrière dans le café-théâtre au sein de la troupe du Splendid. Le succès de son rôle de Thérèse, acolyte de Thierry Lhermitte à la permanence de SOS Amitié dans Le père Noël est une ordure, au théâtre en 1979 puis au cinéma en 1982 dans l’adaptation réalisée par Jean-Marie Poiré, en fait une actrice très populaire dans les années 1980. « Elle était insoumise, audacieuse, irrévérencieuse », selon les mots de son amie, la réalisatrice Tonie Marshall, qui a réagi sur France Info. 

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Anémone est morte le 30 avril 2019, de cette fameuse "longue maladie", l’euphémisme qui, autrefois, adoucissait une grande peur sociale, et qui, désormais touche - ou touchera - tout le monde, avec son mot brutal. Oui, on sait, elle aurait pas dû tant fumer. 

Nous l’aimions tendrement, Anémone, non seulement parce qu’elle était associée dans nos esprits à ceux de ses débuts, Philippe Garrel, Coluche, la bande du Splendid, mais aussi parce qu’elle s’en était détachée, indépendante, irrécupérable, indocile, appartenant au monde de la comédie, le genre le plus difficile au cinéma comme au théâtre. Avec ce secret que seuls possèdent les vrais clowns : caché juste derrière le rire, le tragique. 

Probablement, on l’aimait surtout parce qu’elle avait réussi à allier sans superposer son image de comédienne et ses déclarations engagées, viscéralement actrice, jamais marchandise, tôt installée dans la marge, celle de ces mauvaises herbes qu’on ne rumine ni ne met pas en gerbe, sans jamais disparaître de nos champs de vision. Ces derniers temps, quand on découvrait son visage réel, on était étonné. 

S’il y avait quelqu’un qui ne pouvait ni vieillir ni mourir, c’était bien elle. 

Comme tout le monde, bien sûr, on aime Le Grand Chemin de Jean-Louis Hubert (1987). 

Mais comme Charles Tatum, dans son œuvre, on choisit le film de Philippe Garrel, Anémone (1968). 

On a aussi un faible pour Pas très catholique de Tonie Marshall (1994), où Anémone y campe une détective selon notre cœur, avec un partenaire hors du commun, à sa mesure, Grégoire Colin. Toujours pareil : les flics, publics ou privés, on ne les aime qu’au cinéma. Jeune Cinéma.

VANESSA PARADIS  1972

Chanteuse, Actrice, Mannequin


Vanessa Paradis est née le 22 décembre 1972 à Saint-Maur-des-Fossés dans le Val-de-Marne. Elle a une sœur : Alysson Paradis, née le 29 mai 1984, aujourd'hui actrice au cinéma et au théâtre.

Elle passe son enfance et son adolescence à Villiers-sur-Marne avec ses parents André et Corinne Paradis. La jeune fille éprouve très tôt un désir artistique et cherche son moyen d'expression. Elle admire Marilyn Monroe et veut faire du cinéma, comme elle. Elle s'inscrit à des cours de danse et apprend les bases du piano. Elle passe également quelques castings pour devenir mannequin junior, sans grand succès. Elle accompagne parfois son oncle Didier Pain, acteur, sur les plateaux de tournage et chez ses amis chanteurs.

Vanessa Paradis fait sa première apparition à la télévision le 3 mai 1981 dans l'émission « L’École des fans », animée par Jacques Martin, où elle reprend le titre « Émilie Jolie » de Philippe Chatel.

En 1983, elle enregistre « La Magie des surprises parties », chanson écrite par Les Forbans pour le compte d'AB disques. Elle l'interprète lors du Festival italien « Ambrogino » en décembre 1985 mais ne gagne pas le premier prix. Le disque ne sort finalement pas. La même année, elle fait partie des chœurs dans deux chansons de l'album de Franck Langolff, « Normal ».

La carrière de Vanessa Paradis débute véritablement deux ans plus tard, en avril 1987, avec la chanson « Joe le taxi » écrite par Étienne Roda-Gil et Franck Langolff. À 14 ans, elle reste numéro 1 du Top 50 pendant 11 semaines (plus d'un million de ventes), et connaît le succès à l'étranger : n°1 en Belgique pendant 13 semaines, au Canada durant 8 semaines, en Suisse et en Israël), ainsi qu'un Top 3 en Angleterre (ce qui n'était plus arrivé depuis « Je t'aime... moi non plus » de Serge Gainsbourg et Jane Birkin en 1969). Le disque sort sur tous les continents, et est commercialisé aux États-Unis en mars 1989. Une version espagnole est également enregistrée (Joe el taxi).

Après deux mois de promotion à l'étranger durant l'automne 1987, sort en décembre son second single, « Manolo Manolete ». Malgré des ventes correctes (n°10 au Top 50), la chanson se fait laminer par la critique du fait de son thème : la corrida.

En juin 1988, sort son 1e album, « M&J », écrit par Étienne Roda-Gil et composé par Franck Langolff. 4 singles sont extraits : « Marilyn & John », « Maxou », « Coupe coupe » et « Mosquito ». Grâce au succès de « Joe le taxi », il bénéficie d'une sortie mondiale, mais ne connait le succès que dans l'Hexagone. Parrallèlement, la chanteuse continue ses études. Si elle arrive à combiner les deux durant une année, elle est contrainte d'y renoncer l'année suivante, année durant laquelle elle subit un lynchage permanent par une partie du public, ainsi que par certains élèves et professeurs. D'un commun accord avec ses parents, elle arrête ses études en mars 1989.

Le 4 février 1990, alors qu'elle reçoit le prix de la Meilleure interprète de l'année aux Victoires de la musique, elle fait la rencontre de Serge Gainsbourg. Il lui écrira les paroles de son 2e album, « Variations sur le même t'aime », toujours sur des musiques de Franck Langolff. La sortie de l'album en mai 1990 crée l'événement, porté par « Tandem », « Dis lui toi que je t'aime » et « L’amour en soi ». Cet album sera le dernier témoignage artistique de Serge Gainsbourg, qui disparaitra 9 mois après la sortie du disque.

Son 3e album, « Vanessa Paradis », sort en septembre 1992, composé et réalisé par Lenny Kravitz, sur lequel elle chante entièrement en anglais. L'opus sort dans le monde entier, mais ne rencontre le succès qu'en France où il est n°1 des ventes. 4 singles sont commercialisés : « Be My Baby » (qui sera un succès dans plusieurs pays d'Europe), « Sunday Mondays », « Just as long as you are there » et « Natural High ».

À partir de mars 1993, elle effectue sa première tournée : le Natural High Tour. Une soixantaine de dates se font en France (dont 10 Olympia et un Zénith). Elle se produit également en Angleterre et au Canada, mais doit annuler ses dates japonaises et américaines pour raisons de santé. En février 1994, l'album « Vanessa Paradis » Live paraît, porté par « Les Cactus » (reprise de Jacques Dutronc) et « Gotta Have It ». La captation vidéo, diffusée sur Canal+, ne sera jamais commercialisée.

Durant ces quelques années, elle participe également à de nombreux projets musicaux. En 1989, elle chante avec le collectif Pour toi Arménie, initié par Charles Aznavour. Elle interprète une chanson pour le film « Atlantis » de Luc Besson. Elle assure les chœurs pour des titres de Johnny Hallyday, Alain Lanty, Louis Bertignac et Maxime Leforestier. Elle fait également un duo et des chœurs pour Gerry DeVeaux (cousin de Lenny Kravitz)... Sans oublier ses participations aux soirées des Enfoirés entre 1993 et 1999.

Le 17 mai 1995, elle participe à la cérémonie d'ouverture du Festival de Cannes. Accompagnée par Jean-Félix Lalanne à la guitare, elle interprète la chanson « Le Tourbillon » en direct, devant la présidente du jury, Jeanne Moreau, qui ne peut s'empêcher de se lever et de finir le titre avec elle.

En avril 1996, elle offre un concert privé unique destiné à l'association caritative Rêves, dont elle est la marraine. Ce concert, diffusé sur Canal+, est constitué de chansons de son propre répertoire mais également de reprises diverses (Les Beatles, Ben Harper, The Kinks, Lou Reed, Alain Chamfort, Rita Mitsouko, etc.). En novembre 1999, elle participe au concert privé « Night Clubbing » organisé par Canal+ et dans lequel elle interprète deux chansons en duo avec Iggy Pop : « Don't smoke in bed » et « You go to my head ».

Après une longue parenthèse cinématographique et la naissance de sa fille, la chanteuse sort son 4e album en octobre 2000, « Bliss ». Pour la 1e fois, il est multi-compositeurs (Alain Bashung, M avec qui elle collaborera à nouveau plus tard -, Franck Monnet, ainsi que Johnny Depp et Vanessa Paradis eux-mêmes). « Commando » est le dernier single à sortir dans le commerce (il n'atteindra que la 43ème place du Top). « Pourtant » et « Que fait la vie ? » sont tout de même envoyés aux radios, et permettent à l'album d'atteindre finalement les 300 000 exemplaires.

Elle effectue une 2e tournée à partir de mars 2001, Bliss Tour, qui l'emmène 6 soirs à l'Olympia et un soir au Zénith de Paris. Elle participe également aux 3 Francofolies : La Rochelle, Spa et Montréal. En novembre 2001, sort son 2e album live, « Vanessa Paradis au Zénith », dont sont extraits « L’eau à la bouche » (reprise de Serge Gainsbourg) et « Walk on the Wild Side » (reprise de Lou Reed). 

De nouvelles participations musicales viennent ponctuer cette période : elle chante le titre-phare du film « Le petit poucet », est la marraine du projet « Ma chanson d'enfance » (un album caritatif de reprises), et chante en duo avec Charles Aznavour sur l'album « Bon anniversaire Charles ! ». En juillet 2004, elle chante six titres sur la bande originale du film « Atomik Circus » (dont elle est l'héroïne principale), composés par The Little Rabbits. Un seul single est publié : « Ma pétroleuse ».

Suite à la naissance de son fils et à la sortie de plusieurs films, le nouvel album de Vanessa Paradis « Divinidylle » sort en septembre 2007. Ce 5e disque est composé en grande majorité par Matthieu Chedid, mais aussi par Brigitte Fontaine, Alain Chamfort ou encore Thomas Fersen. 3 singles en sont extraits : « Divine idylle », « Dès que j'te vois » et « L’incendie ». C'est un succès en France puisqu'il est n°1 dès sa sortie et se vendra à plus de 500 000 exemplaires. Il est le premier à bénéficier d'une sortie en Angleterre depuis 15 ans, et à être commercialisé dans toute l'Europe et en Asie. Cet album lui vaudra deux Victoires de la Musique : interprète féminine de l'année, et album de l'année.

Dès octobre 2007, la chanteuse entame sa 3e tournée, Divinidylle Tour, d'une trentaine de dates, qui la mène à remplir Paris-Bercy, mais aussi le Zénith de Paris pour 3 représentations, et l'Elysée Montmartre. En juillet 2008, elle repart sur les routes pour une tournée des Festivals et Francofolies. L'album live, « Divinidylle Tour », sort en septembre 2008, avec deux extraits : « Les Piles » (en duo avec -M-) et « Joe le taxi ». La captation du concert remporte le prix du DVD musical de l'année aux Victoires de la Musique en février 2009.

Durant cette période, elle continue de collaborer avec d'autres artistes : elle effectue deux représentations du conte musical « Le Soldat rose » créé par Louis Chedid, où elle tient le rôle de Made in Asia. Elle chante également en duo avec Ben Harper « Wainting on an angel » dans l'émission « La musicale » sur Canal+ en novembre 2007, mais aussi « Adrienne » avec Albin de la Simone, et fait les chœurs sur une chanson de Glenn Tilbrook.

Le 23 novembre 2009, elle propose son 1er Best of avec des inédits, des titres rares et des duos. L'inédit « Il y a », signé Gaëtan Roussel, remporte un joli succès en se hissant à la 6e place des ventes digitales. La compilation, quant à elle, se vend à 300 000 exemplaires.

Pour promouvoir sa sortie, elle donne un concert unique à La Cigale à Paris le 22 novembre 2009 pour SFR, durant lequel elle revisite 13 de ses chansons en version acoustique, arrangées par Albin de la Simone, avec ses musiciens et un quatuor à cordes. Elle propose ensuite ce concert au grand public dans une nouvelle version, comprenant notamment une reprise de « Le temps de l'amour » de Françoise Hardy. Elle se produit durant cinq soirs au Casino de Paris du 28 juin au 2 juillet 2010, puis en tournée en France durant l'été 2010 pour une vingtaine de représentations. A cette occasion, un 2nd single est envoyé en radios : « Marilyn & John » en version acoustique.

Elle chante également sur la bande originale du film « Thelma, Louise et Chantal » une reprise de « Vous les copains » de Sheila, arrangée par Keren Ann. Le 5 juin 2010, elle rejoint Jacques Dutronc sur la scène du Palais des Sports de Paris pour interpréter avec lui « Le petit jardin ». Le 17 septembre 2010, elle fait partie du concert de Peace one day (mouvement humanitaire crée par Jeremy Gilley) au Zénith de Paris, où elle partage l'affiche avec Patti Smith, Matthieu Chedid, Ayo, Charlie Winston... et interpréte 3 chansons, dont une reprise de Leonard Cohen et Jeff Buckley, « Hallelujah ».

Le 8 novembre 2010, sortent deux albums sur lesquels la chanteuse figure : « Nouvelle Vague », dans lequel elle interprète une reprise d'Etienne Daho, « Week-end à Rome », et « Dr Tom ou la liberté en cavale », un album collectif du conte musical composé par Franck Langolff peu avant sa disparition en 2006.

Elle a publié un CD et un DVD de sa tournée acoustique estivale le 29 novembre 2010, « Une nuit à Versailles », et dont l'enregistrement s'est effectué à l'Opéra Royal de Versailles les 11 et 12 juillet 2010. Le même jour, une anthologie DVD de ses plus beaux passages TV est parue.

Vanessa Paradis se produira sur la scène des Folies Bergères du 24 au 31 janvier 2011, et effectuera une tournée internationale en février de la même année (Londres, Istanbul, Israël, New-York, Los Angeles, Canada, Japon...)

La chanteuse participera à un album hommage consacré à Alain Bashung dans lequel elle reprendra une chanson de l'artiste décédé en 2009. Il s'agira de « Angora », extrait de l'album « Fantaisie militaire ». L'opus, qui sortira en mars 2011, contiendra également les participations de Stephan Eicher, Gaëtan Roussel, Matthieu Chedid, Bertrand Cantat, etc.

Le 16 novembre 2018, sortie de l'album « Les Sources »), réalisé par Paul Butler, fondateur du groupe The Bees.
La moitié des titres de ce disque est écrite et composée par
Samuel Benchetrit et on trouve aussi deux chansons écrites et composées par Adrien Gallo le chanteur et leader du groupe BB Brunes

En novembre 2019 sort un double album, « Best Of & Variations » est composé d'un premier disque « Best Of » avec les tubes (« Joe le taxi », « Tandem », « Il y a », « Be My Baby »…) ainsi qu'un inédit « Vague à l'âme sœur ». Le deuxième CD, « Variations », contient des titres méconnus ou rares avec des duos (Mathieu Chédid, Nekfeu, Etienne Daho, Gaëtan Roussel , Ben Harper, Jeanne Moreau, les Rita Mitsouko, Iggy Pop... Et des reprises d'Alain Bashung , Alain Souchon, Etienne Daho

Au printemps 1989, Vanessa Paradis, âgée de 16 ans, tourne son 1e film, Noce blanche, sous la direction de Jean-Claude Brisseau. Elle incarne Mathilde, une lycéenne paumée et marginale qui vit une passion destructrice avec son professeur de philosophie, joué par Bruno Crémer. La jeune actrice racontera plus tard à quel point ce tournage fut éprouvant, notamment à cause de la personnalité autoritaire du réalisateur.

Sorti le 8 novembre 1989, il devient le 2e film français le plus vu de l'année (derrière Trop belle pour toi), avec plus de 1 800 000 entrées. Le film sortira dans le monde entier.

Le 21 février 1990, Vanessa Paradis reçoit le Prix Romy Schneider et le 4 mars elle est élue Révélation féminine lors de la cérémonie des Césars.

Après deux albums et une tournée, Vanessa Paradis revient au cinéma en 1994 dans Élisa, aux côtés de Gérard Depardieu. Ce film, produit par Christian Fechner, marque le retour du réalisateur Jean Becker qui n'avait pas tourné depuis L'Été meurtrier en 1983.

Sorti le 1er février 1995, il rencontre un grand succès (plus de 2 500 000 entrées) et devient le 9e film le plus vu de l'année 1995. Il sortira également dans le monde entier. Devant le succès, la jeune actrice signe un contrat d'exclusivité avec Christian Fechner pour ses 3 prochains films. Mais la suite connaîtra moins de réussite.

En 1996, elle tourne Un amour de sorcière avec Jeanne Moreau et Jean Reno. Sorti le 17 mars 1997, le film n'attire qu'un peu plus de 970 000 spectateurs.

Le film suivant, réalisé par Patrice Leconte, 1 chance sur 2, ne fait guère mieux. Tourné en 1997 et sorti le 25 mars 1998, il n'atteint que 1 000 000 de spectateurs (un échec au vu de l'importance du budget) et ce, malgré le retour dans un même film d’Alain Delon et Jean-Paul Belmondo (jamais vus ensemble depuis Borsalino en 1970).

Leconte retrouvera cependant Vanessa Paradis pour La Fille sur le pont, sorti le 31 mars 1999, où elle joue aux côtés de Daniel Auteuil une jeune fille suicidaire devenant la cible d'un lanceur de couteaux dans le milieu du cirque. Le film, salué par les critiques, totalise près de 700 000 entrées en France, ce qui est estimé comme honorable pour un film en noir et blanc. Il sort dans le monde entier et même aux États-Unis en juillet 2000, où il connait une grande médiatisation et une belle carrière en salles (1 500 000 $ de recettes). Pour ce film, Vanessa Paradis est nommée pour le César de la meilleure actrice en février 2000, mais ne remporte pas le prix (obtenu par Karin Viard). 

Deux enfants, un album et une tournée plus tard, Vanessa Paradis revient le 21 juillet 2004 avec un film décalé réalisé par les frères Poiraud, Atomik Circus, le retour de James Bataille, où elle est accompagnée de Benoît Poelvoorde et Jean-Pierre Marielle. Sorti en plein été et éreinté par la critique, le film est un échec, ne totalisant que 239 000 entrées.

En 2004, elle tourne également Mon ange, le 1er film de Serge Frydman (scénariste de La Fille sur le pont), où elle donne la réplique à Vincent Rottiers et Eduardo Noriega. Sorti le 19 janvier 2005, il ne reste que 3 semaines dans les salles, atteignant péniblement les 178 000 entrées.

Face à ces revers alors qu'elle était en tête d'affiche, Vanessa Paradis enchaîne pour La Clef de Guillaume Nicloux, avec Guillaume Canet et Jean Rochefort, sorti le 19 décembre 2007.

Le 17 mars 2010, elle est à l'affiche de L'Arnacœur, le premier film de Pascal Chaumell, une comédie romantique encensée par les critiques, où elle tient le rôle principal aux côtés de Romain Duris. Il s'agit du film le plus populaire de sa carrière puisqu'il a dépassé les 3 700 000 entrées. Des sorties sont prévues à l'étranger : en Angleterre le 25 juin et au Canada le 16 juillet. Un remake américain du film se tournera en 2011.

L’actrice a achevé le tournage de Café de Flore, le nouveau film du réalisateur québécois Jean-Marc Vallée qui sortira en mai 2011. En 2012, elle privilégie les drames plus intimistes avec Je me suis fait tout petit de Cécilia Rouaud dans un premier temps, puis Cornouaille, réalisé par Anne Le Ny. En 2014, elle tourne le premier film en langue anglaise de sa carrière sous la direction de John Turturro. Ce dernier incarne un Apprenti Gigolo qui offre ses services aux femmes qui souhaitent échapper à la solitude. L'entente est telle entre elle et Turturro qu'ils se retrouvent
pour un segment de
Rio, I Love You. Elle n'en oublie pas pour autant la France et s'affiche la même année au milieu du casting 100% féminin de Sous les jupes des filles, un film choral qui lui permet de côtoyer Isabelle Adjani, Laetitia Casta, Alice Belaïdi et Audrey Fleurot

 

Si elle fait partie en 2016 du jury du Festival de Cannes présidé par George Miller, il faudra attendre 2017 pour la revoir au cinéma dans le rôle d'une actrice confirmée et bienveillante qui prend sous son aile Maryline, l'héroïne du deuxième long de Guillaume
Gallienne
. Toujours aussi populaire et courtisée, elle est à l'affiche de pas moins de quatre films en 2018. Après un détour par la Lituanie dans Frost de Sharunas Bartas, elle est une épouse qui traite son mari comme un Chien dans la comédie noire et mordante de son compagnon Samuel Benchetrit. Elle se glisse ensuite dans la peau d'une alcoolique blonde peroxydée et productrice de films pornos gays pour les besoins d'Un couteau dans le cœur. Cette œuvre singulière et baroque, hommage aux giallos et aux films pour adultes des années 70, lui permet de monter les marches du Festival de Cannes où le film est en compétition officielle, une première dans sa carrière. Dans un registre diamétralement opposé, la comédie dramatique Photo de famille la contraint à renouer avec ses frère et sœur, Camille Cottin et Pierre Deladonchamps, lors de l'enterrement de leur grand-père. Elle retrouve pour l'occasion Cécilia Rouaud qui l'avait dirigée dans Je me suis fait tout petit

Elle rejoindra l'équipe du film Dubaï Flamingo réalisé par Delphine Kreuter, en 2011, et dans lequel elle aura pour partenaire Florence Thomassin et Sergi Lopez

Elle prêtera sa voix à un personnage du film d'animation Un monstre à Paris, dont la sortie est annoncée pour octobre 2011.

Elle jouera pour Samuel Benchetrit dans Cette musique ne joue pour personne, en 2020. Elle sera à l’affiche de Histoire d’un mariage de Anne Le Ny, aux côtés d’Omar Sy et Élodie Bouchez (en tournage) : Au bout de quinze ans de mariage, une crise met à l’épreuve l’union de Julien et Marie. Dans le couple, cette dernière a toujours été celle qui aimait le plus, aussi, au moment où Anaëlle, le grand amour de jeunesse de son mari Julien, réapparait dans le paysage, Marie panique. Perdue dans une spirale infernale de jalousie et d’autodépréciation, Marie se laisse entraîner dans une aventure avec Thomas, son nouveau supérieur hiérarchique. Celui-ci va se révéler aussi manipulateur que dangereux, jusqu’à faire basculer leur liaison dans le fait-divers…

Côté Mode, en 1991, Vanessa Paradis, qui, à l'approche de ses 19 ans, n'a plus tout a fait la même plastique qu'à ses début, est choisie par Chanel pour représenter le parfum Coco. Le spot de pub télé est réalisé par Jean-Paul Goude. Et Vanessa de siffloter dans sa cage... 

Un goût de Paradis : en tête-à-tête avec Vanessa 

Le taxi jaune pour les étoiles, les refrains, les films, les dents de la chance à l’ombre du sourire timide, la passion Marilyn, les idylles, la voix susurrée aujourd’hui plus assurée, les trophées avérés, les peines supposées, la mue de la chrysalide en papillon, icône pour des wagons de gamines – successivement ado en jean et maxisweat maquillée comme une voiture volée, baby doll les lèvres soulignées au crayon sapée aux puces de Portobello Road, jeune hippie chic dans un halo d’imprimés aux couleurs de son bonheur... 

Un destin hors norme, un pedigree en or massif qui jongle au hasard avec Gainsbourg, Chanel, Hollywood, Kravitz ou Mondino, la Paradis a su s’imposer à pas feutrés. Choix exigeants, collaborations sincères, le silence si nécessaire. Alors qu’elle n’a rien à “vendre”, elle a accepté une rencontre avec Harper’s Bazaar. Un pas de côté pour celle qui se méfie des mots, de leur pouvoir destructeur. Tous les journalistes savent que Vanessa Paradis pratique comme personne l’art de l’esquive, et que ses pupilles menthe à l’eau virent au noir ténébreux à la moindre allusion à sa vie privée. Rendez-vous pris dans son loft du Marais, un soir de septembre. Cheveux bouclés au blond taquiné par le soleil, teint hâlé sans maquillage, silhouette tonique glissée dans une robe cache-cœur légère comme le vent, elle reçoit dans sa cuisine devant une tasse de café et des cigarettes à rouler

Harper's Bazaar France : Nous faisons cet entretien hors promotion, vous n’avez aucun album, aucun film, aucune pièce de théâtre à défendre. À quoi ressemblent vos journées ?
Vanessa Paradis :
J’écris des chansons pour mon prochain disque. Et ça va me prendre beaucoup de temps car, contrairement à pas mal d’artistes, je n’ai rien dans mes tiroirs, je n’écris que lorsque j’ai l’intention de faire un album. Et comme ce n’est pas une habitude, c’est laborieux. Sinon, je vois les gens que j’aime, je flâne dans les rues de Paris, j’ai fait quelques voyages cet été, je lis comme une folle, beaucoup de biographies et je vois plein de documentaires. Essentiellement sur des musiciens. J’aime observer comment ils travaillent. J’ai adoré
Hitsville: the Making of Motown, sur la création de la Motown, à pleurer de beauté. Idem pour The Beatles: Get back, qui dure je ne sais combien d’heures. C’est fascinant de voir ces quatre génies travailler en studio, la manière dont leurs tubes naissent comme l’air de rien. Il y a aussi What Happened, Miss Simone?, une mise à nu bouleversante de Nina Simone. Je ne sais pas si tout ça m’influence mais je suis sûre que ça agit quelque part. Ça me fait penser aux cours de chant. On vous transmet des techniques mais dès qu’on monte sur scène, qu’on chante, on n’y pense plus. Pourtant, force est d’admettre que ça a clairement infusé. 

Paris, aujourd’hui, c’est votre base ?
J’ai beau avoir grandi en banlieue jusqu’à 16 ans, je me suis toujours sentie parisienne. Et même si ces dernières années j’ai passé beaucoup de temps à Los Angeles, je me suis toujours sentie vraiment chez moi à Paris. Je vis dans cet appartement depuis que j’ai 22 ans, et je ne le quitte pas parce qu’il est parfait pour moi : il est caché, baigné de lumière, et même quand j’y suis seule, je n’ai jamais peur. C’est d’ailleurs le premier et le seul appartement que je me suis acheté. 

Quelle place occupe la musique dans votre vie et quelle place pensez-vous occuper dans la musique ?
Je ne dissocie pas ma vie de la musique. J’en fais et quand je n’en fais pas, j’y pense. Elle est tout le temps là, elle rôde. Quand je prends ma guitare ou que je me mets au piano, que je cherche des choses, je n’ai pas la sensation de travailler. Et tant que je ne suis pas satisfaite de ce qui sort, je continue, je m’acharne. Je ne vais pas dire qu’il n’y a pas une part d’effort, mais quel bonheur, quel sentiment de plénitude. Après, pour ce qui est de ma place dans la musique, que vous dire...? Quand on est dans ce métier depuis trente-cinq ans, on en occupe forcément une. Que vous soyez ou non la tasse de thé des gens, vos chansons passent à la radio, dans les supermarchés, dans les taxis, et pour ceux qui m’aiment, elles ont parfois marqué leur vie. Je le vois en concert aux réactions sur certains titres, aux briquets qui scintillent comme des étoiles. Donc, pour répondre à la question, je dirais que je sais que j’existe dans la musique, mais je ne connais pas ma place. Après, il y a les amitiés.
Matthieu Chedid qui est comme un frère, Étienne Daho que je connais depuis mes 16 ans et qui a toujours été tellement tendre et bienveillant avec moi. J’ai toujours pu compter sur lui, lui demander des conseils, on est de plus en plus proches. 

De toutes vos expériences en studio, de toutes vos collaborations, quelle a été la plus formatrice ? Spontanément, c’est l’album avec Lenny Kravitz qui me vient à l’esprit. Mais je ne peux pas nier que les deux premiers ont été formateurs. En regardant Franck Langolff et Étienne Roda-Gil, Serge Gainsbourg travailler, en les écoutant parler, j’ai beaucoup absorbé. Mais c’est vrai qu’avec le disque de Kravitz, j’ai basculé dans une autre dimension. Je rêvais de chanter ce genre de musique, musique sur laquelle j’ai grandi. L’apprentissage a été fou. Je débarquais à New York pour plusieurs mois, une ville où je ne connaissais personne, afin d’enregistrer un disque en anglais, que je parlais mal à l’époque. J’étais dans un studio rempli de matériel vintage dans la grande tradition, en quête du son le plus pur, entourée de musiciens incroyables, couvée par Kravitz, très impressionnant aux instruments, à la voix. Même si je n’avais participé ni à l’écriture, ni à la composition, ni aux arrangements, ça représentait un bond extraordinaire. 

J’ai commencé à voler de mes propres ailes sur le quatrième album « Bliss ». On a bouclé la première moitié avec Matthieu Chedid et pour la seconde, je me suis retrouvée seule aux commandes. Les chansons qu’il restait à enregistrer étaient écrites mais il fallait les réaliser, les arranger. Vu que je ne suis pas musicienne comme Matthieu, j’expliquais les choses que je voulais en les chantant, en faisant écouter d’autres disques si un son me plaisait, etc. J’étais seule à Los Angeles, Dieu merci entourée de musiciens brillants et d’un ingénieur du son très créatif, mais c’était à moi de jouer ! Je me souviens que le soir de la première journée, je suis repartie en pleurant toutes les larmes que j’avais retenues en studio. Mais ça m’a tellement plu, j’ai tellement appris. 

Il y a toute une jeune génération d’autrices-compositrices-interprètes très prolixes. Qui aimez- vous parmi elles ? Et est-ce que vous aussi vous pourriez imaginer vous lancer dans un album phosphoré en solo ?
J’adore
Juliette Armanet, une immense chanteuse touchée par la grâce. Et tellement sympathique en plus. J’aime aussi ce que fait Pomme et j’ai beaucoup de tendresse pour Angèle, une artiste complète. Il y a aussi la merveilleuse Camille Jansen, une artiste à connaître. J’ai beaucoup d’admiration pour ce processus en solitaire mais ça m’est très difficile de composer des titres qui me plaisent. Je connais mes limites. Et surtout, je ne résiste pas aux belles chansons qu’on m’envoie, aux textes de poètes qui me déchirent l’âme et le cœur. Et des textes comme ça, je ne sais pas les écrire. 

Quelles chansons vous déchirent le cœur ? 

Ces mots simples, que m’a écrite Samuel Benchetrit, la jazzy « Come Rain or Come Shine » ou encore « Nature Boy » de Nat King Cole. Des chansons d’amour, les choses sont dites simplement, c’est sublime. 

Est-ce que vous avez l’esprit de compétition ? 

Pas du tout et je pense que c’est lié à ma trajectoire. J’ai commencé par un succès, ce qui est rare. En général, on passe des années à le rechercher, à courir après la reconnaissance. Moi, du coup, j’ai plutôt recherché l’angle artistique, à être en accord avec moi-même, ne choisir que des chansons et des films qui me tiennent à cœur. C’est un privilège. Et j’ai conscience que ma position est confortable. Ceci étant dit, peut-être que ça aussi à voir avec mon éducation, ma personnalité. Je ne cherche jamais à avoir plus. Je cherche simplement à avoir bon, à avoir bien. 

Pensez-vous que votre carrière aurait été la même si vous n’aviez pas tourné Noce blanche ?
Très bonne question. Ce film constitue indiscutablement un point de bascule. C’était la première fois que j’avais de bonnes critiques, voire très bonnes. Il a aussi changé la perception que les gens du métier, les médias avaient de moi. La perception de moi en général, d’ailleurs. Mais c’était mon choix. Comme j’étais une chanteuse à succès, on me proposait pas mal de films mais c’est celui-là que j’ai choisi. Parce que je sentais d’instinct qu’il était fort et que j’avais quelque chose à défendre. 

Quels souvenirs gardez-vous du tournage ? 

Je n'avais jamais fait de film donc j’ignorais tout de la façon dont ça se passait. Et je me suis retrouvée face à un réalisateur autoritaire, impressionnant physiquement et oralement, qui pouvait facilement faire peur. Je me souviens de cette phrase qu’il n’avait de cesse de me répéter : “Si tu ne minaudes pas, tu iras loin.” Il avait une drôle de manière de me mettre en situation. J’étais maquillée, prête à tourner, et cinq minutes avant de rentrer sur le plateau pour jouer devant toute une équipe, il m’envoyait son assistante personnelle, en l’occurrence sa femme, pour me dire : “On a vu les rushes d’hier, tu étais très mauvaise, nulle même, tu as intérêt à faire mieux aujourd’hui.” Il brisait ma confiance en moi au moment où j’en avais le plus besoin. Par comparaison, je n’ai jamais tourné avec Pialat qui était réputé bourru, voire explosif, mais je l’ai rencontré et il était rempli de tendresse. Je n’ai jamais vu la tendresse de Brisseau. C’était dur, mais le film est là. 

Comment on tient le coup à 16 ans face à autant de pression ?
J’ai eu des parents extraordinaires. Une enfance de rêve, remplie d’amour, d’humour, d’intelligence, de protection sans tomber dans la surprotection. Je n’aurais sans doute pas tenu le coup sans ces deux êtres magnifiques. Ils relativisaient les événements, ne me mettaient aucune pression, me laissaient être moi- même à un âge charnière où l’on a juste envie de sauter dans l’âge adulte. Vous me demandiez si j’aurais eu la carrière que j’ai eue sans
Noce blanche, mais en fait je n’aurais pas eu cette carrière sans mes parents. Être surexposée comme je l’ai été fragilise, peut briser. On peut aussi perdre la tête, faire n’importe quoi. Moi, je savais que j’avais un endroit où me réfugier. Même s’ils étaient inquiets, mes parents ne me le montraient pas, ils me remettaient toujours sur le droit chemin, un chemin d’amour et de lumière. Et de priorités. Parce que ce ne sont pas les priorités qui vous cassent dans ce métier. Les priorités, c’est l’amour des vôtres et les choses concrètes que vous faites. Le blabla nocif autour prend beaucoup de place mais ce n’est pas une priorité. Au pire moment, ils m’ont dit une phrase qui m’a fait vachement de bien : “Tu n'es pas en prison, tu n’es pas obligée de faire ce métier. Si tu le fais, sois heureuse, tu verras que le temps fera les choses.” Et, effectivement, le temps a fait les choses. 

Vous vous êtes peu exprimée en public au sujet de #MeToo, du mouvement de libération de la parole des femmes contre les violences sexuelles et sexistes.
Je me suis peu exprimée car c’est un sujet qu’on ne peut pas aborder de manière anecdotique. La parole s’est libérée et c’est tant mieux mais, en même temps, elle se fait fracasser de tous les côtés. Je sais que ce que je dirai pourra être interprété, décontextualisé ou déformé, donc je suis vigilante pour protéger la parole de ce mouvement. Un mouvement primordial, salutaire, pour ne pas dire vital. J’ai été confrontée au sexisme, au patriarcat, j’ai eu la chance de ne pas croiser de monstres, je suis solidaire de la voix des femmes. Quand
Virginie Despentes s’exprime avec ferveur, elle est légitime au nom de ce qu’elle a vécu. Idem pour Adèle Haenel qui est prête à plier sa carrière. On ne peut pas critiquer, on ne peut qu’écouter, elles portent un traumatisme dans leur chair et c’est bouleversant. Après, il s’agit d’une révolution. Et comme dans toutes les révolutions, il y a des excès, des erreurs de jugement, de la casse. On a trop vite fait de crucifier, dans un camp comme dans l’autre, victimes et présumés coupables. Je suis pour qu’on puisse s’écouter, se tolérer, vivre et apprendre à réparer ensemble. Le féminisme que je défends est une émancipation, pas une revanche. 

Est-ce que le temps qui passe est une angoisse ? 

Ça peut peser parfois... Mais je ne peux pas dire que mon rapport au temps qui passe, à mon image m’angoisse. Et, quoi qu’il en soit, je travaille à m’en foutre. Et ce n’est pas gagné parce que je reste très “fifille”. J’espère que votre prochaine question ne concerne pas mon rapport à la chirurgie esthétique ? Parce que c’est toujours la même chose avec les actrices ou les chanteuses. C’est toujours le même refrain. Vous n’avez pas remarqué ? C’est soit : “Oh putain, qu’est-ce qu’elle a pris cher !” ou alors : “Oh putain, qu’est-ce qu’elle a fait ?” On ne peut plus imaginer une seconde que les choses puissent se faire de manière naturelle, avec les bonnes crèmes et les bons massages. En ce qui me concerne, je ressens davantage le temps qui passe au niveau de l’énergie. Quand on chante et on danse en arpentant la scène entre cour et jardin, qui plus est en fumant à côté, ça passe moins facilement qu’avant, et ça je le constate. J’aimerais être comme Mick Jagger à 80 ans, mais il ne fume pas, ne boit pas et fait du sport plusieurs heures par jour. Moi, j’ai du mal avec la discipline, j’aime trop les plaisirs de la vie pour arrêter les clopes et le verre de vin. La clope, j’arrêterai un jour, mais pas pour me sentir belle, juste pour me sentir bien. Après, si ça peut faire les deux, ce n’est pas plus mal... 

Êtes-vous frappée par votre ressemblance avec votre fille Lily-Rose ?
Parfois oui, et c’est émouvant. Surtout parce que cette ressemblance lui plaît. J’adore qu’elle continue à me piquer mes vêtements. 

Quelle mère êtes-vous ? 

Je suis folle de mes enfants et maintenant qu’ils sont adultes, je les regarde vivre, je suis admirative. On a des relations normales, on est très soudés, on se parle tout le temps. De tout, y compris du métier, je leur donne des conseils, ils m’en donnent également. Je n’hésite pas à leur demander leur avis. 

Un célèbre critique de cinéma américain a dit à propos d’Isabelle Adjani : “On pourrait faire la plus belle filmographie d’actrice à partir des films qu’elle a refusés.” Parce qu’elle était tout occupée à vivre. Vous comprenez les artistes qui font passer la vie avant leur carrière ? 

Complètement. J’ai moi-même refusé de très beaux rôles, consciente de passer sans doute à côté de grands films parce que je voulais rester près de l’homme que j’aimais et de mes enfants. Rien n’était plus important à ce moment-là que la vie. 

Si je vous demande de résumer vos trente-cinq ans de carrière en quelques flashs fondateurs, qu’est-ce qui vous vient à l’esprit ?
Spontanément, « Joe le taxi », donc
Franck Langolff et Étienne Roda-Gil ; Gainsbourg. Jean-Baptiste Mondino, très important. J’ai commencé à travailler avec lui à 16 ans et il a fait basculer mon image. Grâce à lui, je suis passé de l’état d’adolescente en jean troué à la jeune femme plus forte, féminine, pour ne pas dire sexuée. Jean-Baptiste fait partie de ma famille. Il y a bien sûr Kravitz, on en a parlé, Noce blanche, et aussi La Fille sur le pont. Patrice Leconte est le premier réalisateur avec lequel j’ai trouvé l’entente parfaite sur un plateau. On s’est découvert une tendresse, un humour commun, c’est délicieux dans le travail. Ça emmène très loin. J’ai une admiration totale pour lui. 

Il y a ma rencontre avec Matthieu Chedid, cruciale affectivement et professionnellement. Et évidemment Samuel Benchetrit. On a fait deux films ensemble, il a participé à mon dernier album et par-dessus tout, il m’a fait passer le cap du théâtre. Ça ne m’avait jamais attirée, j’avais peur de m’ennuyer. J’ai découvert grâce à lui une expérience d’une puissance de feu, d’une liberté folle. Samuel m’a offert un texte dans le dur du féminisme qui me parle. J’étais bouleversée d’avoir la chance de dire ces mots-là, d’incarner ce cœur qui saigne chaque soir devant le public. C’est un homme et un artiste complet. J’aime tellement sa façon de penser, son écriture. Il est vrai. 

Quel est votre plus gros défaut, Vanessa ? 

L’inquiétude, depuis toujours. Et ce n’est pas bon. J’essaie de refouler, de ne pas saouler mon monde avec ça mais c’est plus fort que moi. Le pire étant que l’inquiétude peut surgir pour des raisons concrètes mais aussi par pure imagination. C’est sans fin. 

Et votre plus belle qualité ? 

La simplicité je crois, et je sais qu’on n’attend pas forcément ça de moi. J’ai les pieds sur terre, j’aime les choses et les rapports simples, quitte à être un peu cash parfois... 

Enfin, dernière question, qu’est-ce que le public ignore et n’imagine pas à propos de Vanessa Paradis ? Je vais vous donner une réponse pas très glamour mais très sincère. J’adore le Picon bière. 

Olivier Lalanne, 2023. (photo de David Sims)

ALICE SAPRITCH

1916 - 1990

Comédienne, Chanteuse


Alice Sapritch, de son vrai nom Alice Sapric, née le 29 juillet 1916 à Ortaköy dans l'Empire ottoman et décédée le 24 mars 1990 à Paris, est une actrice et chanteuse d'origine arménienne naturalisée française. 

Alice Sapritch passe son enfance à Istanbul. Elle quitte la Turquie avec sa famille à l’âge de 13 ans et poursuit ses études à Bruxelles avant d’aller seule Paris. 

À la fin de l'occupation, elle rencontre Robert Brasillach dont elle fut amoureuse et qu’elle délaisse pour Guillaume Hanoteau, un des protagonistes de l’assassinat de Robert Denoël, qu'elle épousera en 1950 et dont elle divorcera en 1970. 

Elle enchaîne les petits rôles mais tout change, alors qu'elle a déjà une cinquantaine d'années, quand elle impressionne le public avec deux rôles la même année : un comique, dans La Folie des grandeurs, à l'occasion duquel elle exécute un strip-tease comique d'anthologie. L'autre rôle révèle son talent de tragédienne : celui de Folcoche, la mère indigne de Vipère au poing

Elle enchaîne ensuite les rôles dans différentes productions. En 1986, elle marque à nouveau les esprits en incarnant le rôle-titre dans L'Affaire Marie Besnard pour lequel elle reçoit un 7 d'or dans la même année. 

Son dernier rôle sera celui de Catherine de Médicis dans un téléfilm du même nom sorti en 1989. 

Elle enregistre un album en 1975 (réédité en 2003) et un 45 tours en 1986 : « Slowez moi ». Elle écrit plusieurs ouvrages autobiographiques (Alice, Mes dîners en ville, Femme-public Ma vérité et Mémoires inachevés) et un roman (Un amour menacé, 1973). Wikipedia 

Actrice et chanteuse arménienne naturalisée française, Alice Sapritch passe son enfance à Istanbul. Elle quitte la Turquie à l’âge de treize ans pour la Belgique, puis la France où elle entre au cours Simon, puis au Conservatoire. Après une période trouble durant l’Occupation, elle débute au cinéma en 1950. Elle passe les vingt années suivantes à enchaîner les petits rôles, aussi bien au cinéma qu’à la télévision ou encore au théâtre. On la voit notamment dans Le joueur (Autant-Lara, 1958), La menace (Oury, 1960), Tirez sur le pianiste (Truffaut, 1960), Sur un arbre perché (Korber, 1971). 

Elle rencontre finalement la notoriété sur le tard grâce à son rôle irrésistible dans La folie des grandeurs (Oury, 1971). La même année, elle impressionne beaucoup dans le téléfilm Vipère au poing (Cardinal, 1971) où elle incarne la redoutable Folcoche. 

Dès lors, Alice Sapritch enchaîne les rôles dans de nombreux nanars dont Le Führer en folie (Clair, 1973), Drôles de zèbres (Lux, 1978), Adam et Eve (Luret, 1984). Mais on la voit aussi dans Sœurs Brontë (Téchiné, 1979). Dans le même temps, elle sort quelques chansons et triomphe à nouveau à la télévision avec L’affaire Marie Besnard (Hubert, 1986) et Catherine de Médicis (Hubert, 1989). 

Alice Sapritch meurt d’un cancer en 1990. Virgile Dumez 

«Avant, j’étais moche, ma vie était un enfer. Je l’ai rencontré et il a tout changé : Jex Four. D’une main, je vaporise. Ça m’amuse. Un coup d’éponge, c’est propre. Jex Four, il agit à fond. C’est chouette la vie ! » Dans cette pub des eighties pour un produit nettoyant, l’actrice la plus injustement raillée de l’histoire du cinéma français apparaît gantée de doré. Voix de velours et élégance exagérée, elle vend son image de pas-belle-qui-assume. Ça met mal à l’aise et pas seulement parce que la totalité des clichés sexistes s’y retrouvent. 

Dingue de penser que cette femme au visage affirmé pourrait être aujourd’hui une référence en matière de style et d’attitude, de singularité et d’esprit décalé. Une personnalité comme ça dans les mains d’Instagram aurait complètement déchiré l’écran. Elle aurait pu être une Kardashian (elle aussi était d’origine arménienne), mais en mieux et en plus élégant. 

La petite fille issue d’une famille pas top aurait dû devenir une icône. Même avec un papa qui aimait le clinquant et claquait ses sous derrière le dos de maman. Même avec le souvenir d’un exil de Turquie vers Bruxelles et Paris. 

Elle n’était pas assez lisse, pas assez malléable, pas assez corvéable. Mais assez intéressante et sculpturale, cependant, pour devenir modèle de grands artistes, puis intégrer le Cours Simon, le Conservatoire, endosser des rôles classiques et encaisser les premières claques à propos de son physique. 

Une vie comme un roman, avec un sale type pour premier amour (Robert Brasillach, écrivain d’extrême droite fusillé en 1945), puis, heureusement, un gars bien pour lui tendre la main : l’avocat Guillaume Hanoteau. Il est à ses côtés quand elle enchaîne les belles collaborations, mais sans que soit illuminé son nom. On la voit avec Robert Hossein, Gérard Oury, Jean Cocteau, François Truffaut... On sent que le succès n’est jamais très loin, mais pourtant rien ne vient. Elle a bientôt 50 balais et pas de premiers rôles sur lesquels s’appuyer... 

Puis, tout à coup, ça y est ! En 1971, alors qu’elle a 55 ans, elle est enfin consacrée ! Le prix à payer : passer les seventies à jouer les cinglées aux côtés de partenaires tyranniques et trop burnés (Louis De Funès, Yves Montand...) dans des nanars aux noms improbables (« L’histoire très bonne et très joyeuse de Colinot trousse-chemise », « Le plumard en folie », « L’événement le plus important depuis que l’homme a marché sur la Lune », « Le Führer en folie »... Le bout). 

Dans les émissions de variétés de l’époque, elle est une bonne cliente. Un personnage de mangeuse d’hommes, affamée, sirupeuse, enrubannée et bijoutée comme une Castafiore que les « comiques » adorent imiter et ridiculiser. On la présente allongée, alanguie, clope à la main. On ne peut s’empêcher de penser à la chenille d’ « Alice au pays des merveilles ». Au début, elle se marre, en rajoute une couche. 

Son dedans est aussi humble et sage que l’extérieur brille. Puis ça commence à la gonfler. 

Elle explique lors d’une interview télévisée que tant que la moquerie à son égard était artisanale, elle trouvait encore ça sympa. Mais que là, c’est devenu industriel et qu’elle ne peut pas laisser passer ça. Elle parle de Thierry Le Luron (le fanfaron de l’époque, l’imitateur en chef) qui fait des gags sur son physique. Devant deux journalistes et quelques soutiens, elle a besoin d’expliquer qu’elle fait son métier avec sérieux, qu’elle n’aime pas qu’on se serve d’elle, menace à mot couvert de balancer quelques dossiers si on continue à la singer. Elle évoque la possibilité de porter plainte si ça devait continuer. On sent la femme blessée. 

Le type dit dans un sketch qu’avec toute la peau qu’elle s’était fait lifter, on pourrait faire des sacs à main. Elle est choquée, précise qu’en plus, elle n’a jamais été opérée. Elle a la classe de ne pas avoir l’air de se justifier. Mais pourtant, elle le fait. 

Le Botox n’existe pas, la chirurgie esthétique de ce temps-là est synonyme de boucherie ou de cata, elle a donc naturellement l’air d’avoir l’âge qu’elle a. Et apparemment, c’est très très marrant de se moquer de ça. 

Dans les archives de l’INA, on trouve des entretiens dans lesquels elle fait face à des présentateurs goguenards qui lui posent des questions absurdes. Par exemple, alors qu’elle s’apprête à partir en tournée sur le continent africain, Bouvard lui demande, avec un sourire à la con et une condescendance de compet’, si « le public de couleur connaît Sapritch ». 

Du gros foutage de gueule comme à peu près tout ce qui se fait en ce temps-là. On parle d’une époque ou les personnes de peau noire étaient présentées comme des sauvages avec des os dans le nez et les femmes comme des putes qui l’avaient bien cherché (le viol, la baffe...). Et ça ne faisait sourciller personne. Alors, traiter une femme de plus de 60 ans comme une vieille nympho périmée, qui ça allait inquiéter ? 

Sapritch, on la voit défendre son bout de gras, expliquer qu’elle n’est pas seulement cette actrice de cinéma aux rôles potaches, qu’elle a aussi une carrière dramatique. Qu’elle a fait, fait et fera d’autre chose qu’un strip-tease ridicule dans « La folie des grandeurs ». Et c’est vrai : c’est une actrice encensée, un monstre d’intensité. Et carrière faisant, c’est curieusement à la télé qu’on lui propose des personnages taillés à la hauteur de son immense talent (« L’affaire Marie Besnard », en 1986, fait tout oublier de ces anciens navets). Une grande dame dans un tout petit écran. 

Mais Alice fait de mauvais choix. On ne sait pas pourquoi, sans doute tiraillée entre tout arrêter pour ne se consacrer qu’à des projets à sa mesure, ou continuer à alimenter sa popularité. Tomber dans l’oubli ou continuer à être harcelée par des fans qui la sollicitent sans cesse. 

Elle fait le grand écart, joue fort et chante n’importe quoi. On lui colle dans la bouche un morceau : « Slowez-moi », classé aujourd’hui dans les plus grands bides des charts français. Pourtant le texte n’est pas mauvais. « Hooo ! Chéri, chéri ! Je me sens slowe ce soir. Si tu viens jouer à mon loto. J’improviserai sur ton saxslow. Au fond de moi, tout n’est qu’envie. Fais-moi craquer au slow du lit. Chéri, chéri ! hummmm ! Je me sens slowe ce soir. Chéri, chéri ! J’ai le sang slow ce soir ». Et là pareil : mauvais endroit, mauvais moment. 

Trop tôt pour être comprise par un public qui s’amuse et qui rit. La chanson serait reprise par Angèle cet été qu’on crierait au génie. Mais quand c’est une dame mure qui susurre, on ne voit qu’une vieille actrice too much qui ferait bien d’arrêter le tabac pour éclaircir sa voix... C’est donc en déesse déjà âgée qu’elle est et restera figée. Mais la justice est passée : Alice Sapritch est notre actrice démodée préférée. Juliette Debruxelles

Dans la mémoire des téléspectateurs des années 70/80, Alice Sapritch demeure la tête de truc favorite de Philippe Bouvard et Thierry le Luron. «Chéri chéri, arrête avec tes gugusseries ! » répétait-elle souvent, faussement fâchée, à un imitateur qui, sur scène, la caricaturait en assurant que dans sa carrière, elle avait eu plus de liftings que de rappels. 

Interviewée par Philippe Bouvard, en présence de Thierry, en 1980, dans un « Passez donc me voir », elle évoque Un clochard dans mon jardin, une comédie avec Pierre Doris, qu'elle s'apprête à aller jouer en Afrique. Elle précise toutefois avoir alterné, dans sa carrière, le rire et le sérieux. Elle a ainsi incarné la duègne dans La folie des grandeurs, face à De Funès et Montand, mais également accepté de participer à des comédies qualifiées de «nanars» par la critique. Parmi elles figurent Le Führer en folie, de Philippe Clair, - où, à la fin de la guerre, elle joue le rôle d'Eva Braun -, Gross Paris, de Gilles Grangier, et Drôles de zèbres, le seul film réalisé par Guy Lux. 

À cette filmographie, dont elle ne s'est jamais vraiment vantée , s'ajoutent des participations à des longs-métrages mis en scène par Claude Autant-Lara, Jean Cocteau et François Truffaut. Il y a aussi, et surtout, des dramatiques dont elle était beaucoup plus fière, et qui ont marqué l'histoire du petit écran : La cousine Bette et surtout son interprétation de Folcoche dans Vipère au poing d'après le roman d'Hervé Bazin. Il y a enfin L'affaire Marie Besnard qui, en 1986 , lui a rapporté le seul 7 d'Or d'une carrière qui était tout pour elle. 

«Ma vie a commencé avec la télévision» assurait-elle en ajoutant, mon enfance n'a rien à voir avec la femme que je suis devenue». Le visage fermé, elle précisait qu'elle n'acceptait pas de se souvenir de son passé, parce qu'elle n'aimait pas l'enfant qu'elle avait été. 

Ses jeunes années n'ont effectivement pas été heureuses. Née à Istanbul, elle a commencé par grandir dans une famille que les dettes de jeu de son père ont placée dans une situation financière dramatique. À six ans, elle est expédiée à Bruxelles, chez une grand-mère dont l'affection n'est pas la qualité première. Rêvant de devenir comédienne, elle décide, à 16 ans, de tenter sa chance à Paris. Elle entre au Cours Simon, puis poursuit son apprentissage au Conservatoire National Supérieur d'Art Dramatique, d'où elle sort avec un second accessit de tragédie. Son chemin est désormais tracé. En théorie... Après avoir interprété la reine Gertrude dans Hamlet de Shakespeare, elle enchaîne avec un rôle de pharmacienne, mais dans Le tampon du capiston, l'histoire d’un paysan, devenu le souffre-douleur de ses camarades de régiment. Cette comédie, totalement oubliée, a été écrite par Guillaume Hanoteau, qu'elle a épousé en 1950 et dont elle a divorcé en 1972. 

Dans les années 70/80, elle décide de jouer la carte de l'autodérision. Elle assure, dans un spot publicitaire qu'elle était moche avant d'utiliser les produits d'entretien Jex Four. Ce qui fera dire à Le Luron : « Elle a fait un succès avec un four !». 

Enfin, en 1975, elle enregistre un 33 tours qui n'obtient pas le succès espéré par ses producteurs. Un après-midi, au café de Flore, où elle a retrouvé Thierry le Luron et Jacques Chazot, un adolescent s'approche du trio et demande à Alice de lui dédicacer le disque qu'il vient d'acheter. Le Luron, encore lui, la regarde et lui dit, «Ah, c'est vous ?». Jacques Pessis

GINA LOLLOBRIGIDA  1927 - 2023

née Luigina Lollobrigida

Actrice, Productrice, Photographe


Elle débute en 1946 et acquiert la popularité avec Achtung, Banditi ! (1951) et Fanfan la Tulipe (1951). Elle tourne ensuite Belles de nuit (1952), Pain, amour et fantaisie (1953), Trapèze (1955), Notre-Dame de Paris (1956), Salomon et la reine de Saba (1959), Ce merveilleux automne (1969), Roi, Dame, Valet (1972). Dictionnaire du Cinéma, Larousse.


Après des études au lycée artistique de Rome, elle débute à Cinecittà comme figurante : l’Aigle noir (R. Freda, 1946) ; Lucia di Lammermoor (Piero Ballerini, id.) ; L’elisir d’amore (Mario Costa, 1947). La même année elle participe à des prix de beauté et obtient des petits rôles : A Man About the House/Vendetta new sole (L. Artliss et Giuseppe Amato, 1949) ; Il segreto di Don Giovanni (C. Mastrocinque, 1947) ; le Crime de Giovanni Episcopo (A. Lattuada, id.) ; la Danse de mort (M. Cravenne, 1948). Son physique pulpeux est mis en valeur dans des films populaires : Une nuit de folie à l’Opéra (Follie per l’opéra, Costa, id.), Paillasse, amour de clown (I. Pagliacci, id., 1949), Campane a martello (L. Zampa, id.). 


Elle accepte un contrat à Hollywood de Howard Hugues, mais revient bientôt en Italie, où elle interprète des films plus engagés à tous les niveaux : Cuori senza frontiere (Zampa, 1950) ; Dans les coulisses (Steno et M. Monicelli, id.) ; Traqué dans la ville (P. Germi, 1951) ; Achtung, Banditi ! (C. Lizzani, id.). C’est avec trois films qu’elle s’affirme en tant qu’actrice et diva internationale : Fanfan la Tulipe (Christian-Jaque, 1952), aux côtés de Gérard Philipe ; l’épisode Il processor di Frine de Heureuse Époque (A. Blasetti, 1952), où De Sica la définit officiellement comme « la majorée physique » - un cliché célèbre dont elle ne réussira pas à se libérer - et encore les Belles de nuit (R. Clair, id.), où elle retrouve Gérard Philipe et incarne une fantastique créature de rêve. Mario Soldati lui donne un grand rôle de Bovary moderne dans la Marchande d’amour (1953), d’après un roman de Moravia. Un autre rôle important dans les Infidèles (Steno et Monicelli, id.), mélodrame bourgeois où elle rivalise avec des actrices comme May Britt, Anna Maria Ferrero et Irene Papas


En cette même année, elle créé le personnage très populaire de Bersagliera dans Pain, Amour et Fantaisie de Comencini, comédie paysanne qui obtient un triomphe et qui est suivie avec bonheur par Pain, Amour et Jalousie (L. Comencini, 1954). John Huston lui offre une interprétation insolite dans sa comédie tournée en Italie : Plus fort que le diable (id.). Dans la Belle Romaine (Zampa, id.), elle crée une nouvelle fois une héroïne moravienne complexe. En France, elle est dirigée par Siodmak dans le Grand Jeu (id.), un mélodrame cosmopolite où elle est « doublement «  séductrice. Sa carrière internationale se poursuit avec des films imaginés pour elle afin de mettre en valeur sa sensuelle beauté : la Belle des belles (R. Z. Leonard, 1955), Trapèze (C. Reed, 1956), Notre-Dame de Paris (J. Delannoy, id.) et Anna di Brooklyn (Carlo Lastricati et Reginald Denham, 1958), dont elle est productrice. 


Elle retrouve un grand rôle dramatique dans la Loi (J. Dassin, id.), mais abandonne la production européenne pour des films hollywoodiens : Salomon et la Reine de Saba (K. Vidor, 1959) ; la Proie des vautours (J. Sturges, id.) ; Volupté (R. MacDougall, 1961) ; le Rendez-vous de septembre (R. Mulligan, id.). Revenue en Europe, elle interprète encore des personnages conçus à sa mesure : Vénus impériale (Delannoy, 1962) ; la Beauté d’Hippolyte (Giancarlo Zagni, id.) ; la Mer à boire (R. Castellani, 1963) ; la Femme de paille (B. Dearden, 1964). Mauro Bolognini, dans l’épisode Monsignor Cupido (les Poupées, 1963), lui donne l’occasion de caricaturer son cliché de femme fatale. 


Après des rôles plus ou moins stéréotypés (Étranges compagnons de lit, M. Frank, id. ; Hotel Paradiso, P. Glenville, 1966 ; les Sultans, Delannoy, id. ; la Marine en folie, F. Tashlin, 1968 ; Cervantes, V. Sherman, id. ; Buona sera Mrs Campbell, Frank, id. ; la Mort a pondu un œuf, Giulio Questi, id. ; le Cascadeur, M. Baldi, 1969), c’est de nouveau Bolognini qui lui confie un personnage de femme mûre et ambiguë dans Ce merveilleux automne (1969). Son apparition dans le rôle de la fée dans le feuilleton de TV les Aventures de Pinocchio (Comencini, 1972) fut très remarquée. 


Elle a pratiquement terminé sa carrière d’actrice avec Roi, Dame, Valet (J. Skolimowsky, id.), mais continue d’apparaître à la TV et dans des cérémonies publiques. Dans les années 70, elle s’est révélée photographe et reporter, et a publié et exposé des photos de qualité dans le monde entier. « La Lollo », comme on la nommait familièrement partout, reste un des mythes italiens les plus fascinants, qui a compté dans l’évolution des mœurs sexuelles, et dans l’affirmation nouvelle de la femme hors de ses rôles traditionnels. En 1988, elle accepte d’interpréter le rôle de la mère dans l’adaptation TV de son ancien succès La romana (G. Patroni Griffi). Lorenzo Codelli, 1995.


Véritable monument du septième art, Gina Lollobrigida s'est autant fait connaître pour ses prestations au cinéma que pour son vertigineux tour de poitrine. Fille d'un artisan, elle passe son enfance dans un petit village italien, puis entame des études de peinture et de sculpture. Après une brève carrière de modèle, elle participe à plusieurs concours de beauté et arrive troisième lors de la compétition de Miss Italie (ses deux rivales, Lucia Bose et Gianna Maria Canale, deviendront actrices elles aussi). Le cinéma italien ouvre les bras à la belle, qui y tourne une dizaine de films, ciné-romans et opéras filmés. Celle que l'on surnomme déjà " Lollo " en hommage à ses courbes généreuses devient la petite fiancée des français en jouant avec Gérard Philipe dans Fanfan la Tulipe en 1951 puis dans Les Belles de nuit deux ans plus tard. 

Sa popularité augmente alors qu'une carrière internationale lui tend les bras : les cinéastes se l'arrachent, de John Huston avec Plus fort que le Diable à Carol Reed avec Trapèze ou Jules Dassin avec La Loi. Elle n'oublie cependant pas le cinéma italien, puisqu'elle sera La Belle Romaine pour Luigi Zampa, et jouera à quatre reprises pour son compatriote Luigi Comencini (Pain, Amour et Fantaisie, Pain, Amour et Jalousie, Les Poupees, Les Aventures de Pinocchio). 

En 1956, Gina est l'inoubliable Esmeralda de Notre-Dame-de-Paris. Elle apparaît ensuite dans de nombreux genres et pour des metteurs en scène d'horizons différents : péplum chez King Vidor (Salomon et la reine de Saba), guerre chez John Sturges dans La Proie des vautours, mélodrame chez Robert Mulligan dans Le rendez-vous de septembre, et la comédie chez Frank Tashlin dans La Marine en folie, où elle se moque de son image de brune volcanique... 

Elle met sa carrière cinématographique entre parenthèses dans les années 70, pour se consacrer avec succès à la photographie, faisant poser des modèles aussi fameux que Paul Newman, Salvador Dali ou Fidel Castro

Gina s'implique dans le milieu de la mode et du maquillage. Puis elle apparaît sur une scène où on ne l'attendait pas : la politique. Participant à la vie politico-sociale de son Italie natale, elle prend aussi le temps de jouer dans le film-hommage d'Agnès Varda, Les Cent et une nuits, aux côtés d'une autre icône du cinéma italien, Marcello Mastroianni. L'acteur était déjà son partenaire de La Loi, tourné quelques quarante ans plus tôt. En 1997, elle joue dans son dernier film de fiction, XXL, porté par Gérard Depardieu et Michel Boujenah. AlloCiné.

KIM BASINGER  1953

Mannequin, Actrice


Lauréate d’un concours de beauté à dix-sept ans, elle devient mannequin. La télévision la révèle : elle apparaît en 1976 dans la série « Drôles de dames », avant de commencer une carrière cinématographique en 1980, où on la remarque dans Hard Country, de David Greene (1981). Elle tourne avec des réalisateurs souvent remarquables : Irvin Kershner, Blake Edwards, Robert Altman, Robert Benton. Son passé de mannequin semble encore faire obstacle à l’épanouissement d’une comédienne qui ne parvient pas toujours à faire oublier le statut de sex-symbol dans lequel on la cantonne trop souvent : Jamais plus jamais (I. Kershner, 1982), où elle est une James Bond girl, Neuf Semaines et demie (Adrian Lyne, 1984), porno soft, avec Mickey Rourke, Sans pitié (Richard Pearce, 1986), J’ai épousé une extra-terrestre (R. Benjamin, 1988) ou Batman (Tim Burton, 1989), Sang chaud pour meurtre de sang-froid (Final Analysis, Phil Joanou, 1991). Seuls, Robert Altman (Fool for Love, 1985) et surtout Blake Edwards (l’Homme qui aimait les femmes, 1983, et Boire et Déboires, 1986) se sont employés à varier son registre. Mais les producteurs manquent peut-être d’imagination et l’on trouve le réel talent de l’actrice gâché dans des productions routinières comme Guet-apens (The Getaway, Roger Donaldson, 1994). Heureusement un Robert Altman a bien vu ses possibilités et l’on est content de la voir, surprenante chroniqueuse de télévision au sourire de poupée et à la faconde inépuisable, dans Prêt-à-porter (1994). Michel Sineux, 1995.


Ravissante blonde aux mensurations idéales, Kim Basinger est l'une des rares James Bond girls ayant prouvé qu'elle est aussi une véritable comédienne, capable d'affronter sans problème des stars comme Sean Connery, Richard Gere, Robert Redford, Michael Rourke ou encore Sam Shepard. Son strip-tease dans Neuf Semaines et demi (1984), d'Adrian Lyne, l'a consacrée sex-symbol de l'époque.

Enfant, elle écrit des poèmes et rêve de devenir médecin. C'est sans compter sur son physique, qui lui rapporte un prix de beauté à l'âge de dix-sept ans et lui ouvre la voie du mannequinat. Remarquée, elle accepte de travailler pour la télévision (dans la série Drôles de dames), puis pour le cinéma. Elle apparaît dans Hard Country (1981), de David Greene, un comédien britannique devenu réalisateur. En 1983, elle incarne la belle Domino dans Jamais plus jamais, d'Irvin Kershner, face à Sean Connery et Klaus Maria Brandauer. Critiqué pour son caractère pornographique, Neuf Semaines et demi, dans lequel le public peut longuement admirer son anatomie dans les bras musclés de Michael Rourke, lui apporte la consécration. Si son image de fille sexy la cantonne trop souvent dans un même style de rôle, certains réalisateurs comprennent qu'elle peut changer de registre. Elle tourne ainsi avec Blake Edwards, l'Homme à femmes (1984), où elle a pour partenaires Burt Reynolds et Julie Andrews, et Boire et Déboires (1987), dans lequel elle avale un verre de trop au côté de Bruce Willis ; avec Robert Altman, elle donne la réplique à Sam Shepard dans Fool for Love (1986) ; et enfin, elle est Vicki Vale dans la belle adaptation de la célèbre bande dessinée Batman (1989), de Tim Burton, avec Michael Keaton dans le rôle-titre et Jack Nicholson en Joker.

Disparaissant quelque temps des écrans (elle a comme épigones Nicole Kidman, Michelle Pfeiffer et Sharon Stone...), elle réapparaît dans Prêt-à-porter (1994), de Robert Altman, puis en femme fatale dans un excellent film policier reconstituant le Los Angeles des années 1950, L.A. Confidential (1997), inspiré d'un roman noir de James Ellroy. En 1999, elle est dirigée par Hugh Hudson dans I Dreamed of Africa, avant d'interpréter le rôle principal dans une histoire fantastique : Bless the Child (2000), réalisé par Chuck Russell. Dictionnaire du Cinéma, Larousse.


C'est pour combattre sa timidité jugée maladive par son père que Kim Basinger s'inscrit enfant à des cours de danse. Remportant plus tard de nombreux prix dans des concours de Miss Junior, elle rejoint à son adolescence l'agence Ford et devient rapidement une des plus célèbres mannequins de la firme. Cinq ans plus tard, la jeune femme décide de tenter une carrière d'actrice et apparaît régulièrement à la télévision, que ce soit occasionnellement dans les séries Vegas, Drôles de dames et L’homme qui valait trois milliards ou dans un rôle récurrent pour Dog and Cat. Le téléfilm Tant qu'il y aura des hommes lui permet d'affirmer son potentiel, et sur grand écran la comédienne commence à marquer les esprits en s'illustrant aux côtés de Jan Michael Vincent dans Hard Country en 1981 et en incarnant deux ans après une séduisante James Bond Girl dans Jamais plus jamais. Elle donne aussi la réplique à Charlton Heston dans La Fièvre de l’or en 1982. Sa nomination au Golden Globe en 1984, pour son rôle dans Le Meilleur aux côtés de Robert Redford, lui permet d’être révélée au grand public.

Malheureusement, sa carrière ne décolle véritablement qu'en 1986 grâce à sa prestation torride dans 9 semaines 1/2 face à Mickey Rourke. De peur de se voir cantonnée à de simples rôles de séductrices, celle qu'on hisse au rang de sex symbol opte dès l'année suivante pour la comédie, avec deux films où elle apparaît tour à tour sous les traits d'une jeune femme ne supportant pas l'alcool dans Boire et Déboires (1987) puis d'un alien candide et sexy dans J'ai épousé une extra-terrestre (1988). Après le désistement de Sean Young pour le Batman de Tim Burton, elle devient en 1989 la première « Batgirl » de l'histoire du cinéma. En 1991, elle rencontre sur le plateau de La Chanteuse et le milliardaire son futur mari en la personne d'Alec Baldwin, acteur à qui elle donnera la réplique deux ans plus tard dans le remake du polar Guet-apens

Toujours aussi troublante dans le thriller Sang chaud pour meurtre de sang-froid (1992) et L'Affaire Karen McCoy (1993), elle joue l'élément pivot de l'impressionnant casting de Prêt-à-porter (1994) sous la direction de Robert Altman. S'accordant une pause de trois ans pour se consacrer à sa vie de famille, Kim Basinger refait à nouveau sensation en remportant en 1998 l'Oscar du Meilleur second rôle féminin pour sa performance de femme fatale dans le film noir L.A. Confidential. Ses apparitions à l'écran se font ensuite plus timides et ne sont pas toujours des plus convaincantes (Je rêvais de l'Afrique, L'Elue, Cellular ou encore The Sentinel), mais elle peut compter sur les cinéastes Curtis Hanson (8 Mile où elle interprète la mère paumée d'Eminem) et Guillermo Arriaga (Loin de la terre brûlée, 2008) pour retrouver des rôles à la mesure de son talent. En 2010, elle retrouve Mickey Rourke vingt-quatre ans après 9 semaines 1/2, pour Informers de Gregor Jordan, dans lequel elle joue les seconds rôles. La même année, elle incarne la mère de Zac Efron dans Le Secret de Charlie de Burr Steers. 2016 marque son retour au cinéma, elle est à l’affiche de The Nice Guy aux côtés de Ryan Gosling et Russell Crowe, et entame le tournage de Cinquante nuances plus sombres avec Dakota Johnson et Jamie Dornan. AlloCiné / Gala / Elle.

JEANNE MOREAU  1928 - 2017 

actrice, réalisatrice


Sortie du Conservatoire, ayant séjourné à la Comédie-Française, s'étant rodée au théâtre de boulevard, Jeanne Moreau est une actrice de formation très classique. Ses premiers rôles lui font affronter des acteurs comme Fernandel  (Meurtres, R. Pottier, 1950) ou Jean Gabin (Touchez pas au grisbi, J. Becker, 1954), et prouvent son aisance dans la comédie légère (Julietta, M. Allégret, 1953), autant que l'impact de son incontestable érotisme (la Reine Margot, J. Dréville, 1954), terrain sur lequel elle bat même Martine Carol

Puis, brusquement, deux films de Louis Malle (Ascenseur pour l'échafaud, 1958 ; les Amants, id.) révèlent une actrice différente : s'ils ont plutôt mal vieilli, le modernisme du jeu de Moreau reste. Elle y faisait admettre une sensualité vraie qui n'était plus érotisme fabriqué, et surtout son jeu au bord du faux pratiquait un curieux décalage, qu'elle rattrapait par des intuitions étonnantes, donnant à ses créations une vérité inconnue jusqu'alors en France. Des films difficiles (la Nuit, M. Antonioni, 1961) ou audacieux (Jules et Jim, F. Truffaut, 1962) contribuent à faire de Jeanne Moreau un phénomène étrange : une star admirée, encensée, mais jamais réellement « aimée » à cause de cette distance qu'elle maintient entre le public et elle. 

Joseph Losey (Eva, 1962) et Jacques Demy (la Baie des Anges, 1963) l'ont amenée à se surpasser, à donner le meilleur d'elle-même dans deux visages contradictoires (l'un blanc, l'autre noir) d'une même féminité. Dès lors, Jeanne Moreau tourne avec Peter Brook (Moderato cantabile, 1960), Orson Welles (le Procès, 1966 ; Une histoire immortelle, 1968), Luis Buñuel (le Journal d'une femme de chambre, 1964), Jean Renoir (le Petit Théâtre de Jean Renoir, 1971), Bertrand Blier (les Valseuses, 1974), André Téchiné (Souvenirs d'en France, 1975), mai aussi Elia Kazan (le Dernier Nabab, 1976), Joseph Losey, 1982), Theo Angelopoulos (le Pas suspendu de la cigogne, 1991). Elle peut aussi bien tenir un film entier sur ses épaules (La mariée était en noir, F. Truffaut, 1968) que se contenter de la marge (Querelle, R. Fassbinder, 1982), voire de l'apparition (Monsieur Klein, J. Losey, 1976). Elle apporte à la fois sa présence et sa caution aux causes et aux œuvres qu'elle croit justes ; on la retrouve ainsi sous la direction d’Agnès Varda (les Cent et Une Nuits, 1995), de Michelangelo Antonioni (Par-delà les nuages, id.), de François Ozon (Le temps qui reste, 2005) ou encore d’Amos Gitaï (Désengagement, 2007 ; Plus tard tu comprendras, 2008). 

 Jeanne Moreau s'est essayée à la réalisation, et si elle échoue dans l'Adolescente (1979) à recréer la vie campagnarde à travers le prisme du souvenir, Lumière (1976), film d'actrice sur les actrices, lui ressemble comme deux gouttes d'eau : à la fois élégant et vrai, superficiel et troublant jusqu'à l'émotion contenue. Au théâtre, elle s'est notamment illustrée dans le Récit de la servante Zerline (1986) et dans la Célestine (1989). Christian Viviani.

ELEANOR PARKER  1922 - 2013


C’est dans les troupes scolaires qu’Eleanor Parker fait son apprentissage du métier d’actrice et qu’elle est découverte. En 1941, elle vient à Hollywood avec un contrat de la Warner Bros. C’est dans Mission to Moskow (M. Curtiz, 1943) qu’elle se fait remarquer pour la première fois et dans la Route des ténèbres (D. Daves, 1945) qu’elle affirme une certaine sensibilité dans le rôle de la fiancée du GI aveugle joué par John Garfield. L’année suivante, dans Of Human Bondage (E. Goulding, 1946), elle créait un personnage de garce sans nuance. Par la suite, Eleanor Parker a pu être à loisir charmante ou redoutable. Charmante quand, jouant de son tempérament et du feu de sa chevelure, elle incarne les belles agressives (ou les belles sur la défensive), mais de toute manière combatives : la soubrette de théâtre de Scaramouche (G. Sidney, 1952) ou l’épouse par procuration de Quand la Marabunta gronde (B. Haskin, 1954) sont ce qu’elle accomplit de mieux dans ce registre. Mais Eleanor Parker veut aussi quelquefois, avec un acharnement excessif, faire complet étalage de ses capacités dramatiques. Elle réussit dans Femmes en cage (J. Cromwell, 1950) ou dans Celui par qui le scandale arrive (V. Minnelli, 1960), mais le résultat est moins probant dans l’Homme au bras d’or (O. Preminger, 1955), où elle se dépense dans tous les sens, avec une énergie sidérante, en vain pourtant, dans un rôle d’épouse hystérique et faussement paralytique. La comédie, paradoxalement, lui sied et elle est excellente dans le Roi et quatre reines (R. Walsh, 1956), dans Un trou dans la tête (F. Capra, 1959), dans des rôles encore qui équilibraient son charme et sa combativité. L’une des dernières fois où on l’a vue au cinéma, ce fut dans les Griffes de la peur (Eye of the Cat, David Lowell Rich, 1969), où elle était, à nouveau excessive et paralytique. À partir des années 70, elle se consacre essentiellement à la télévision, n’apparaissant plus qu’en de très rares occasions au cinéma (Sunburn, R. Sarafian, 1979). Christian Viviani, 1995.


Eleanor Parker est remarquée par les studios Warner qui lui confient très vite des rôles de personnages ténébreux. Femme fatale ou victime, parfois hésitant entre les deux, elle marque ses rôles de sa forte personnalité, trouvant sa place au sein d’une génération de comédiennes aussi brillantes que Gene Tierney ou Ida Lupino. Elle marque ainsi Femmes en cage (John Cromwell, 1950), qui lui vaut la première de ses trois nominations à l’Oscar et le prix d’interprétation au Festival de Venise. Parmi ses nombreux autres films, on peut citer Histoire de détective (William Wyler, 1951), Scaramouche (George Sidney, 1952), Celui par qui le scandale arrive (Vincente Minnelli, 1960), ou La mélodie du bonheur (Robert Wise, 1965). Mais sa plus mémorable prestation est sans doute celle de l’épouse infirme et manipulatrice de Frank Sinatra dans L’homme au bras d’or (Otto Preminger, 1955). Eleanor Parker aura marqué l’âge d’or d’un certain cinéma hollywoodien tout en ayant été la partenaire d’interprètes aussi prestigieux que John Garfield, Kirk Douglas, Stewart Granger, Errol Flynn, William Holden, Charlton Heston ou Robert Mitchum. 2013.

MARIA SCHNEIDER  1952 - 2011


Fille de l’acteur Daniel Gélin, elle paraît au cinéma en 1971, dans de petits rôles, et est révélée l’année suivante par Bernardo Bertolucci dans Le Dernier tango à Paris, où elle partage la vedette avec Marlon Brando. Après ce film, dont la crudité érotique provoque un véritable scandale et dont le succès est immense, elle tourne sous la direction de Michelangelo Antonioni, Profession : reporter (1975). Elle a joué également dans La Vieille fille (Jean-Pierre Blanc, 1972), la Babysitter (R. Clément, 1975), Violenta (D. Schnmid, 1978), la Dérobade (Daniel Duval, 1979), l’Imposteur (L. Comencini, 1981), Balles perdues (Jean-Louis Comolli, 1983), Au pays des Juliets (M. Charef, 1992). Fabien Laboureur, 1994.


L'actrice Maria Schneider est décédée le jeudi 3 février 2011, dans un hôtel parisien, des suites d'un cancer. 

L'actrice française est révélée par Bernardo Bertolucci en 1972, qui lui offre le rôle de Jeanne, cette jeune femme entamant une relation charnelle empreinte de passion et de douleur avec un quadragénaire américain (Marlon Brando), détruit par le suicide de son épouse. Un film puissant en proie aux tourments du féminisme émergent post-68. Par la suite, elle sera dirigée par Michelangelo Antonioni dans Profession : reporter (1974), Merry Go-Round de Jacques Rivette ou encore Les Nuits fauves de Cyril Collard. Marie Piot, 2011.

Clap de fin. Maria Schneider est la fille du mannequin Marie-Christine Schneider et de l'acteur Daniel Gélin (qui ne l'a jamais reconnue). L'actrice avait 19 ans quand elle a tourné le film de Bertolucci dont l'action se passait dans un appartement près du pont de Bir- Hakeim, à Paris. 

Dans cette «aventure» relatée par Serge July dans un documentaire intitulé Il était une fois... le Dernier Tango à Paris, une grande partie de l'équipe du film se souvient d'un tournage éprouvant, d'une expérience folle et douloureuse, dont personne n'est sorti indemne. L'actrice reprochait au réalisateur italien cette scène de relation sexuelle forcée avec Brando

Selon elle, ni Brando ni le metteur en scène ne l'avait prévenue de l'usage du beurre – destiné à faciliter une scène de sodomie qui l'a traumatisée. «Je me suis sentie violentée. Oui, mes larmes étaient vraies», a-t-elle déclaré à plusieurs reprises. «J'étais jeune, innocente, je ne comprenais pas ce que je faisais. Aujourd'hui, je refuserais. Tout ce tapage autour de moi m'a déboussolée», confiait- elle dix ans plus tard. Elle avouait alors avoir «perdu sept ans de (sa) vie» entre cocaïne, héroïne et dégoût de soi. À repousser des rôles directement inspirés de celui de Jeanne. 

En 2001, alors qu'un hommage lui était rendu par le Festival du film de femmes, à Créteil, Maria Schneider confiait à Libération avoir revu le Tango deux ans auparavant et l'avoir trouvé daté. Et, en passant, tacle le réalisateur en affirmant que c'est Brando qui a réalisé une bonne part de la mise en scène, «dictant à un Bertolucci soumis ce qu'il devait faire». 

Bernardo Bertolucci a affirmé qu'il aurait «voulu demander pardon» à Maria Schneider. «Sa mort est arrivée trop tôt. Avant que je ne puisse l'embrasser tendrement, lui dire que je me sentais liée à elle comme au premier jour, et, au moins pour une fois, lui demander pardon», a déclaré le réalisateur à l'agence italienne Ansa. 

«Maria m'accusait d'avoir volé sa jeunesse et aujourd'hui seulement je me demande si ce n'était pas en partie vrai. En réalité, elle était trop jeune pour pouvoir soutenir l'impact qu'a eu le succès imprévisible et brutal du film. Marlon s'était réfugié dans sa vie privée impénétrable et tout le poids de la promotion du film est retombé sur Maria et moi», a-t-il ajouté. 

Le film sortit en salles en Italie le 15 décembre 1972, mais fut d’abord interdit puis, après de nombreuses péripéties judiciaires, condamné purement et simplement à la destruction – toutefois quelques copies sont conservées à la Cinémathèque nationale italienne. 

Outre le Dernier Tango à Paris, Maria Schneider a joué dans Profession: Reporter de Michelangelo Antonioni (1973), Merry Go- Round de Jacques Rivette (1977), Voyage au jardin des morts de Philippe Garrel (1976) ou encore les Nuits fauves de Cyril Collard (1992). 

Maria Schneider fait ses débuts au théâtre alors qu'elle n'a encore que 15 ans, sans jamais avoir suivi de cours auparavant. Deux ans plus tard, elle décroche son premier rôle sur grand écran dans L'Arbre de Noël de Terence Young, suivie immédiatement d'une apparition dans Madly avec Alain Delon

Rapidement, Maria Schneider multiplie les rôles dans des productions françaises, mais aussi allemandes ou italiennes. C'est donc tout naturellement qu'elle décide de passer un casting pour un projet de Bernardo Bertolucci

Sélectionnée par le metteur en scène lui- même parmi une centaine de candidates, l'actrice partage l'affiche avec Marlon Brando dans le film qui lui apporte la consécration : Le Dernier Tango a Paris. En plus de la célébrité, ce film lui donne l'image d'une femme libertine, une image qui jalonnera toute sa carrière. Pendant les années 70, elle aura d'autres prestigieux partenaires comme Jack Nicholson dans Profession : reporter de Michelangelo Antonioni, David Bowie dans Just a gigolo ou Gérard Depardieu dans Violanta. Elle est nommée pour le César du Meilleur second rôle féminin en 1980 pour son rôle dans La Dérobade, où elle joue une prostituée dans un contexte violent et malsain. 

Maria poursuit sa carrière en Europe pendant les années 80, mais les rôles se font moins nombreux, elle privilégie donc la télévision. Durant les années 90, elle fait quelques apparitions au cinéma dans Les Nuits fauves et Jane Eyre. Mais c'est dans Les Acteurs qu'elle réapparait dans un rôle semi- autobiographique d'actrice maudite, s'estimant "très heureuse de revenir au cinéma." (Libération). En 2002, Laetitia Masson fait appel à la comédienne pour La Repentie, où elle joue à nouveau de son image sulfureuse. AlloCiné.

ANNIE GIRARDOT  1931 - 2011


Après une enfance difficile partagée entre Paris et la Normandie, elle suit des cours d’art dramatique, entre au Conservatoire, puis à la Comédie-Française (1954-1957). À l’issue de la générale de sa Machine à écrire, Jean Cocteau la salue : « Tu as le plus beau tempérament dramatique de l’après-guerre ! » Parallèlement, elle se produit dans les cabarets de la Rive gauche et débute au cinéma (dans Treize à table, d’André Hunebelle, en 1956). En 1957, elle quitte le Théâtre-Français en adressant une lettre de démission retentissante à Pierre Descaves. Elle tourne à cette époque un grand nombre de films populaires, dans le goût « Série Noire » qui prévaut avant la Nouvelle Vague : le Rouge est mis (G. Grangier, 1957), Maigret tend un piège (J. Delannoy, 1958), l’un et l’autre avec Jean Gabin.

Après un début de carrière dans des productions très populaires, elle s’engage dans une autre direction grâce à Luchino Visconti (il l’a déjà dirigée au théâtre dans Deux sur la balançoire, avec Jean Marais), qui fait appel à elle pour le rôle de Nadia dans Rocco et ses frères (1960). Elle tourne énormément, en France et en Italie (elle a épousé Renato Salvatore, un de ses partenaires dans Rocco), des films médiocres et des grands films, sans discernement, jusqu’à une crise qui la chasse presque complètement des écrans en 1965-66.

Elle reparaît à la fin des années 60, et pendant une décennie elle est l’une des stars les plus populaires du cinéma français - la seule comédienne après 70 dont le nom suffise pour permettre le « montage » financier d’un film. Elle passe sans heurt de ce cinéma facile (sous la direction de Michel Audiard, de Claude Lelouch, d’André Cayatte) à des films plus ambitieux comme Dillinger est mort ou Il seme dell’uomo, réalisés en 1969 en Italie par Marco Ferreri. Vers 1975, Annie Girardot sait être Madame Tout-le-Monde, une vedette populaire plutôt qu’une star, sympathique, drôle ou pathétique, désirable naturellement, aussi crédible en chauffeur de taxi qu’en juge d’instruction, aussi à l’aise dans la bouffonnerie que dans le drame. Elle s’impose logiquement dans ce temps où le féminisme accrédite une promotion, toute relative, de la femme adulte. Elle endosse les personnages nouveaux et en tempère l’audace par la familiarité qu’elle entretient avec le public populaire. Jean-Pierre Jeancolas, 1995.


Triste nouvelle que l'annonce du décès aujourd'hui de la comédienne Annie Girardot. Elle avait 79 ans et était atteinte de la maladie d'Alzheimer. 

L'actrice française Annie Girardot fut une figure incontournable du cinéma français depuis ses débuts dans les années 1950, notamment chez Marcel Carné (pour Le pays d'où je viens). Elle joua également devant la caméra de Luchino Visconti, et ce à plusieurs occasions. La plus notable étant bien entendu Rocco et ses frères. On la retrouva par la suite chez Claude Lelouch (La vie, l'amour, la mort), chez Michel Audiard ou dans des rôles plus populaires (Les Bidochon en 1996). Une carrière qu'on ne pourrait résumer, entre télévision, théâtre et cinéma, dans plus d'une centaine de films. Ses derniers grands rôles lui avaient été offerts par Michael Haneke (Caché) ou par son amie Jane Birkin (Boxes). Hugues Derolez, 2011.

MUSIDORA  1889 - 1957

(Jeanne Roques, dite), écrivain, peintre, actrice et cinéaste française.


Elle se produit au cabaret avant de débuter à l’écran en 1913 dans les Misères de l’aiguille, que tourne Raphael Clamour pour la coopérative de production le Cinéma du peuple. Première vamp du cinéma français, elle tourne plusieurs films sous la direction de Louis Feuillade, dont les célèbres serials : les Vampires (1915), où elle est Irma Vep (anagramme de « vampire »), et Judex (1917), où elle est la femme maléfique, un des rôles majeurs du film. Son maillot et sa cagoule de soir noire impressionnennt fortement le public et les artistes de son temps. Le vif intérêt qu’elle porte au cinéma la conduit, d’une part, à collaborer aux scénarios d’un certain nombre de films qu’elle interprète et, d’autre part, à passer à la mise en scène, avec notamment Vicenta (1918) et la Tierra de los toros (1924). Sur un scénario de son amie Colette, elle co-réalise avec Roger Lion la Flamme cachée (1920). Avec Jacques Lasseyne, elle signe Pour Don Carlos (1921) et Soleil et Ombre (1922). Son succès de comédienne va s’amenuisant, et le prestige dont elle jouissait à ses débuts s’évanouit avant l’arrivée du parlant. Elle ne réapparaîtra au cinéma qu’en 1951, dans la Magique Image, film de montage d’anciennes bandes inédites. Elle a publié un livre de souvenirs, la Vie d’une vamp, ainsi que de nombreux articles, deux romans et une pièce de théâtre. Elle consacra les dernières années de sa vie à l’histoire du cinéma, elle était en effet attachée à la Commission des recherches historiques de la Cinémathèque française. Fabien Laboureur.


Films : - INT et RÉ : la Vagabonde (1918) ; Musidora en Espagne (1922) ; INT seule : Severo Torelli (Feullade, 1914) ; le Calvaire (film teinté, id., 1914) ; l’Union sacrée (id., 1915) ; Celui qui reste (id., 1915) ; dans la série des Vampires de Feuillade, on doit citer le Cryptogramme rouge (1915) , le Spectre (1916) ; l’Évasion de mort (id.) ; les Yeux qui fascinent (id.) ; Satanas (id.)… Puis des mélos : les Chacals (André Hugon, 1917) ; la Geôle (Gaston Ravel, 1921), une « enquête » sociale : la Jeune fille la plus méritante de France (Germaine Dulac, 1922) ; une « composition biblique » : les Ombres du passé (Fred Leroy-Granville, 1926) qui semble être son dernier rôle, aux cotés de Gabriel Signoret et de Charles Vanel.


CAROLE LAURE 1948


En quelques années, la jeune institutrice québécoise est devenue une comédienne internationale. Après avoir joué dans des courts métrages de Jean Chabot (Mon enfance à Montréal, 1970), c’est par la Mort d’un bucheron (1973) que débute sa fructueuse collaboration avec le cinéaste Gilles Carle : les Corps célestes (id.) ; la Tête de Normande Saint-Onge (1975) ; l’Ange et la femme (1977) ; Maria Chapdelaine (1983) ; Fantastica (1980), qui révèle son talent de chanteuse, confirmé dans un disque et un spectacle avec Lewis Furey (sous la direction duquel elle tourne Night Magic en 1984). Impulsive et instinctive, elle choisit néanmoins avec soin ses films, plus encore depuis Sweet Movie (D. Makavejev, 1974). Après la Menace (A. Corneau, 1977), son premier film français, elle jouera notamment dans Préparez vos mouchoirs (Bertrand Blier, 1978), À nous la victoire (J. Huston, 1981), Croque la vie (J.Ch. de Tachella, id.), À mort l’arbitre (J.-P. Mocky, 1984), Drôle de samedi (Bay Okan, 1985), Sauve-toi Lola (M. Drach, 1986), Sweet Country (M. Cacoyannis, 1987), Elles ne pensent qu’à ça (Charlotte Dubreuil, 1994). Paul Chevillard, 1995.


BIOGRAPHIE

De son vrai nom Carole Champagne, Carole Laure, enfant adoptée, poursuit sa scolarité dans une école religieuse et développe une passion pour le piano. Si elle songe à devenir institutrice, elle décide très tôt de se consacrer à la comédie. Après des débuts sur les planches, elle apparaît à l'écran en 1971 dans Mon enfance à Montréal de Chabot et prend part aux rocambolesques aventures de l'agent Ixe-13 dans le pastiche de Jacques Godbout.  


Carole Laure est révélée en 1973 par La Mort d’un bûcheron, dans lequel elle incarne une jeune femme partie à Montréal à la recherche de ses origines. Présenté au Festival de Cannes, le film marque le début d'une fructueuse collaboration avec le réalisateur Gilles Carle : l'actrice tourne notamment dans la chronique rurale Maria Chapdelaine et dans Fantastica, comédie musicale adaptée d'un spectacle de son époux Lewis Furey. Carole Laure mènera une jolie carrière de chanteuse en compagnie de ce musicien et chorégraphe rencontré en 1977. 


Cette année-là, Carole Laure tourne son premier film en France, La Menace, un polar d’Alain Corneau. Volontiers provocatrice - son apparition, nue dans une baignoire de chocolat, dans Sweet Movie en 1974, a marqué les esprits-, elle est choisie par le sulfureux Bertrand Blier pour incarner Solange, une femme amoureuse d'un enfant de 13 ans, dans Préparez vos mouchoirs, Oscar du Meilleur film étranger en 1978. Le public français tombe sous le charme de la mutine Canadienne, qu'il retrouvera ensuite chez Mocky (À mort l’arbitre !) et Tacchella (Croque la vie). 


Se consacrant essentiellement à la musique dans les années 90, Carole Laure se lance en 2001 un nouveau défi en passant derrière la caméra : avec Les Fils de Marie, puis Tout près du sol - dans lequel elle dirige sa fille, la jeune danseuse Clara Furey - la comédienne signe deux œuvres très personnelles, présentées au festival de Cannes dans le cadre de la Semaine de la Critique. Elle repasse devant la caméra en 2006 pour La Belle bête, réalisé par Karim Hussain, dans lequel elle interprète une veuve aux relations familiales conflictuelles. En 2007, elle tourne son troisième long métrage dont elle signe également le scénario, La Capture, un drame sur la violence familiale. AlloCiné


CAROLE BOUQUET  1957


Ancienne élève du Conservatoire, dans la classe d’Antoine Vitez, elle est remarquée par Luis Bunuel qui l’engage pour Cet obscur objet du désir en 1977. Sa beauté (qu’on dira froide), son regard grave et son allure élégante séduisent Bertrand Blier (Buffet froid, 1979), avant qu’elle devienne James Bond’s girl dans Rien que pour vos yeux (John Glen, 1981). Dès lors, elle enchaîne des rôles de beauté fatale et glacée, notamment dans Mystère (Carlo Vanzina, 1983), Nemo (Arnaud Sélignac, 1984) et Rive droite, rive gauche (PH. Labro, id.). Jean-François Stévenin lui donne, dans Double Messieurs (1986), l’occasion d’un personnage de femme plus imprévisible et passionnée que le stéréotype qu’elle incarne habituellement. Elle partage avec Depardieu et Josiane Balasko la tête d’affiche dans Trop belle pour toi (B. Blier, 1989), rôle qui lui vaut le César de la meilleure actrice. On la retrouve ensuite dans Donne con le gonne (Francesco Nuti, 1992), Grosse fatigue (M. Blanc, 1994), D’une femme à l’autre (A Business Affair, Charlotte Brandström, id.). Eric Kristy, 1995.


BIOGRAPHIE

Enfant solitaire, Carole Bouquet est élevée par un père centralien avant d'être envoyée, adolescente, chez les Dominicaines, avec sa soeur aînée. Lycéenne, elle préfère aller au musée, et surtout au cinéma, où elle découvre Bunuel et Fassbinder, qu'assister aux cours. Après le bac, elle s'inscrit en philo à la Sorbonne, mais intègre rapidement le Conservatoire Supérieur d'Art Dramatique de Paris. C'est là qu'elle est remarquée par Bunuel, qui la fait tourner dans Cet obscur objet du désir, variation sensuelle autour de La Femme et le pantin, dans lequel elle partage le rôle féminin principal avec Angela Molina. La comédienne à la beauté glacée restera longtemps identifiée à cette première apparition à l'écran.


James Bond girl dans Rien que pour vos yeux aux côtés de Roger Moore en 1981, Carole Bouquet incarne la Mort en personne dans  Buffet froid de Bertrand Blier. La jeune actrice exerce ainsi un fort pouvoir de fascination, qu'elle met au service des oeuvres les plus singulières, comme Le Jour des idiots de l'Allemand Schroeter, Double Messieurs, deuxième opus du comédien Jean-François Stévenin ou encore le futuriste Bunker Palace Hotel de Bilal. En 1985, elle est nommée au César du Meilleur second rôle pour Rive droite, rive gauche avec Gérard Depardieu. Dans Trop belle pour toi, film au postulat provocateur dans lequel elle retrouve Depardieu, Blier offre à l'égérie de Chanel le rôle d'une épouse modèle que son mari trompe avec une secrétaire incarnée par Josiane Balasko. Entre profondeur et autodérision, cette prestation lui vaut le César de la Meilleure actrice en 1989.


Refusant d'être uniquement perçue comme une icône, Carole Bouquet prend désormais part à des comédies acides telles que Tango de Leconte, Grosse fatigue et Embrassez qui vous voudrez de Michel Blanc, ou encore Blanche, qui la voit manier avec gourmandise la langue verte de Bernie Bonvoisin. Mais, loin de se limiter à ce registre, l'actrice incarne une grande figure de la Résistance dans Lucie Aubrac de Berri (1997), une héroïne romantique dans Un pont entre deux rives, film co-réalisé par Depardieu (devenu son compagnon à la ville), une épouse inquiète dans le thriller Feux rouges (2004) mais aussi une mère protectrice dans Les Fautes d’orthographe. En 2005, celle qui mène depuis longtemps un combat pour la protection de l'enfant campe une avocate au grand cœur dans le loufoque Travaux… et une Occidentale qui part adopter un bébé en Argentine dans Nordeste. L'année suivante la comédienne est choisie pour présider la 31 cérémonie de remise des César avant de tenir le haut de l'affiche d’Aurore, le conte dansé de Nils Tavernier. 


En 2007, elle est la tête d'affiche de la comédie romantique Si c’était lui… aux côtés de Marc Lavoine, suivi par le film d'aventures Les Enfants de Timpelbach, produit par son fils, Dimitri Rassam, avant de tourner pour le premier film de la romancière Amanda Sthers, Je vais te manquer. L'année suivante, on la découvre en escort girl prête à échanger sa vie avec une femme au foyer, interprétée par Julie Depardieu, dans Libre échange de Serge Gisquière. En 2011, André Téchiné la met en scène face à André Dussolier, dans un drame amoureux et familial intitulé Impardonnables. 


Pas loin de trois ans plus tard, la présidente du jury Jane Campion s'entoure de Carole Bouquet pour la 67ème édition du festival de Cannes.


Assez rare sur les écrans dans les années 2010, la comédienne retrouve Clavier et Leconte pour la comédie Une heure de tranquillité puis Michel Blanc pour Voyez comme on danse. En 2020, elle joue, dans Boutchou, une grand-mère prête-à-tout pour gagner l’exclusivité de son petit-fils. Parallèlement, elle est à l'affiche de Grand Hôtel, la nouvelle série événement de TF1 adaptée du programme espagnol du même nom. AlloCiné


JOAN FONTAINE  1917 - 2013


Sœur cadette d’Olivia de Havilland, elle prend d’abord le pseudonyme de Joan Burfield puis adopte dès 1937 (Pour un baiser, G. Stevens) celui qu’elle rendra célèbre. Sauf pour Une demoiselle en détresse et Gunga Din, la RKO la maintiendra dans des films à petit budget jusqu’à 1939. Mais elle joue une scène d’une bouleversante sensibilité dans Femmes et interprète de 1940 à 1944 plusieurs grands rôles. Soupçons lui vaut même l’Oscar. Menée sans doute avec quelque nonchalance, sa carrière, après la guerre, manque de relief : elle figure élégamment dans des films à costumes ou joue des dames distinguées, inquiètes, parfois jusqu’à la névrose. De ce déclin, on exceptera la Lettre d’une inconnue et l’Invraisemblable vérité. Les échotiers, entre-temps, ne se lassent pas de conter les détails de la rivalité avec sa sœur.


Mince et élégante, la silhouette de Joan Fontaine, légèrement voutée, garde toujours une part de maladresse. Mieux : une hésitation. Cette incertitude, dans sa tournure adolescente, explique le charme d’Une demoiselle en détresse, retrouvé dans la première partie de Lettre d’une inconnue. Plus tard, elle prendra l’aspect d’un malaise : accentué par son aspect fragile, cet air instable deviendra pour Hitchcock la meilleure traduction de l’anxiété. Quand Jane Eyre l’oppose à la stature autoritaire d’Orson Welles, l’image de Joan Fontaine révèle son manque d’assise. L’acte même de l’expression semble pour elle un tourment, ce qui fait d’elle une comédienne à la fois discrète et convaincante. Lang a parfaitement utilisé ce recul devant la déclaration ; Cukor et Ophuls ont compris au contraire quelle rayonnante douceur cette retenue pouvait conférer au rare moment de l’aveu. Quand le regard s’arrête, quand toute torsion et toute agitation ont abandonné le corps, la pudeur fait subsister une tension, merveilleuse messagère de la passion. Elle a écrit son autobiographie (No Bed of Roses, 1978). Alain Masson, 1995.


BIOGRAPHIE

Ayant vécu au Japon avec ses parents d'origine anglaise Joan Fontaine arrive aux Etats-Unis vers l'âge de deux ans en compagnie de sa grande sœur Olivia de Havilland. D'une santé fragile, Joan se révèle pourtant d'une exceptionnelle intelligence, atteignant un score de 160 lors d'un test de QI passé à trois ans. Les débuts de carrière des deux jeunes filles sont d'une troublante similarité. Toutes deux étudient en Californie dans un couvent catholique. Tout comme sa sœur Joan débute sur les planches. Mais dans un premier temps c'est Olivia qui rencontre le plus de succès, décidant Joan à ne plus utiliser le même nom de famille. Après avoir joué au théâtre dans Une journée de printemps, Joan trouve son premier rôle au cinéma pour la MGM en 1935 dans No more ladies sous le nom de Joan Burfield. Née Joan de Beauvoir de Havilland, elle adopte définitivement le nom de Joan Fontaine lorsqu'elle rejoint la RKO pour qui elle tourne Une demoiselle en détresse (1937) de George Stevens, son premier vrai succès.

Pendant quelque temps elle joue les utilités dans des films mineurs du studio. C'est en 1940 que sa carrière décolle vraiment lorsque le producteur David O. Selznick et le metteur en scène Alfred Hitchcock la choisissent après six mois d'essais pour interpréter le rôle principal de Rebecca, pour lequel elle sera nominée à l'Oscar. C'est un an plus tard et toujours chez Alfred Hitchcock qu'elle remporte finalement la statuette avec Soupçons, film dans lequel Cary Grant traumatisera une génération entière de buveurs de lait. Il est à noter qu'elle est la seule parmi tous les interprètes d’Alfred Hitchcock à avoir remporté cette récompense pour un film du cinéaste.

Au fait de sa popularité, Joan Fontaine choisit méticuleusement les projets et les metteurs en scène avec qui elle travaille. Si on la voit à l'affiche de mélodrames et adaptations de classiques de la littérature (Jane Eyre en 1944, Ivanhoe en 1952), elle précise aussi ses collaborations. On peut ainsi la retrouver chez des cinéastes aussi divers que Billy Wilder (La Valse de l’empereur, 1947) ou Max Ophüls (Lettre d’une inconnue, 1948). Autant sa sœur Olivia de Havilland refusera en 1951 le rôle principal d’Un tramway nommé désir en le jugeant immoral, autant Joan décide de plus en plus de briser cette image de jeune femme sage et rêveuse à laquelle elle était réduite à ses débuts. Des apparitions remarquables s'enchaînent, notamment dans un des premiers films de Nicholas Ray (Born to be Bad, 1950) ou dans un des derniers de Fritz Lang (L’Invraisemblable vérité, 1956).

Ayant visiblement laissé les rôles de jeune fille naïve loin derrière elle, c'est dans un film d'horreur produit par la Hammer, Les Sorcières (1966), que Joan Fontaine fait pour la dernière fois son apparition au cinéma. En 1978 elle publie une autobiographie intitulée « No bed of roses ». Étant une des dernières stars du fameux Âge d'or des studios hollywoodiens, Joan Fontaine se consacre désormais au théâtre et à l'écriture. AlloCiné


CATHERINE DENEUVE  1943


Issue d’une famille de comédiens français (son père Maurice Dorléac, sa sœur Françoise Dorléac), elle débute à l’écran à treize ans, prenant le nom de sa mère, qui avait été également comédienne. Lancée par Roger Vadim, Pygmalion des stars féminines, elle ne fait que pâle impression dans une adaptation contemporaine de la Justine de Sade. Elle est remarquée par Jacques Demy, qui l’impose grâce au succès stupéfiant des Parapluies de Cherbourg (1964), mais valorise l’aspect le moins intéressant de sa personnalité : la belle, lisse et pure jeune fille, aspect qui sera ultérieurement surexploité. Plusieurs productions contribuent néanmoins à pérenniser cette image trompeuse d’une comédienne aux ressources plus diverses et plus riches, comme le montrera, pour la première fois, Roman Polanski, avec Répulsion (1965), où elle incarne avec une vérité terrifiante une schizophrène frigide, multipliant les meurtres les plus sanguinaires. Aussi la reprise ultérieure par Michel Deville (Benjamin, 1968) du rôle de la vierge ingénue prend-il une résonance nouvelle.


Avec Polanski et Deville, peintres et analystes aigus de la Psychée féminine, Luis Bunuel, en deux films (Belle de jour, 1967, et Tristana, 1970), développe encore les virtualités de l’actrice et la hausse au niveau du mythe. Jamais plus, dans la suite de son abondante carrière, elle ne retrouvera cette plénitude. Mais il n’est pas douteux qu’elle a incarné, dans les années 60, un avatar de l’éternel féminin. N’offrant apparemment aucune prise, inaltérable et insoupçonnable, marmoréenne, elle appelle en quelque sorte le ciseau du sculpteur-réalisateur qui lui insufflera la vie et l’expression, qui dévoilera des abysses troubles cachées sous une limpidité de surface.


Après ces rencontres fabuleuses, c’est malheureusement à l’extériorité la plus superficielle de son personnage que l’on fit appel (Peau d’âne ; la Femme aux bottes rouges ; Mayerling), avant de la recycler, la maturité venant, dans un registre de fantaisie voulant faire référence à la comédie américaine, ce qui peut paraître en contradiction avec sa nature, qui est d’être plutôt que de faire, d’incarner plutôt que d’interpréter.


Toutefois, cette nouvelle orientation compte des réussites (la Vie de château ; les Demoiselles de Rochefort ; le Sauvage), mais aussi des ratages (Zig Zig ; l’Agression). Les années 70 la voient alterner rôles comiques et dramatiques, ayant renoncé aux emplois « décoratifs » (Mayerling), qui risquaient de la reléguer dans l’insignifiance. La tentative d’ouverture vers une carrière américaine ne donna pas les effets escomptés chez une comédienne qui aurait pu, pourtant, être un parfait équivalant de l’héroïne hitchcockienne. Au cours des années 80, François Truffaut dans le Dernier métro, André Téchiné dans Hôtel des Amériques et le Lieu du crime, Alain Corneau dans le Choix des armes et François Dupeyron dans Drôle d’endroit pour une rencontre lui offrent ses meilleurs rôles. Deneuve demeure l’une des actrices française les plus expérimentées, l’une des rares capables d’enflammer un personnage qui de prime abord pourrait être perçu par les spectateurs comme froid, détaché, voire indifférent. Michel Sineux.


BIOGRAPHIE

Issue d'une famille de comédiens - une grand-mère souffleuse à l'Odéon, une mère actrice de théâtre et un père directeur de doublage à la Paramount, la petite Catherine ne rêve pourtant pas d'une carrière dans le cinéma, contrairement à sa sœur aînée Françoise. Elle fait cependant sa première apparition à l'écran dès 1957 dans Les Collégiennes puis tourne, alors qu'elle est encore lycéenne, Les Portes claquent. À 19 ans, celle qui s'appelle désormais Deneuve - le nom de jeune fille de sa mère - quitte le foyer familial pour vivre avec Roger Vadim, de quinze ans son aîné. Père de son fils Christian, le cinéaste lui offre un rôle dans Le Vice et la vertu en 1963.


En 1964, Catherine Deneuve est l'héroïne des Parapluies de Cherbourg, le mélo en-chanté de Demy, succès public et Palme d'or à Cannes. Désormais, elle prend son métier d'actrice au sérieux, et fait des choix qui témoignent d'un goût très sûr et d'une certaine audace. Loin de son image de jeune fille romantique, que favorisent sa beauté classique et ses cheveux blonds, elle incarne une schizophrène dans Répulsion de Polanski, puis une épouse sage devenue pensionnaire d'une maison close dans Belle de jour (1966) de señor Buñuel, avec qui elle tournera le non moins troublant Tristana. Dans La Vie de château puis Le Sauvage, Rappeneau exploite sa fantaisie et son sens du rythme, qualités qu'on retrouve dans Les Demoiselles de Rochefort, comédie musicale qui la voit donner la réplique à sa sœur Françoise, quelques mois avant le décès accidentel de celle-ci en 1967. 


Hollywood fait alors les yeux doux à Catherine Deneuve, qui tourne aux côtés de Jack Lemmon et Burt Reynolds et devient l'image de Chanel aux États-Unis. Dirigée par de grands Italiens comme Bolognini et Ferreri (Liza avec Marcello Mastroianni, père de sa fille Chiara), l'actrice rencontre en 1969 François Truffaut, qui fait d'elle sa Sirène du Mississipi. Cette adaptation d'un polar d'Irish déconcerte le public, mais le cinéaste qui aimait les femmes offre en 1980 à Deneuve un de ses plus beaux rôles, celui d'une comédienne au tempérament passionné dans Le Dernier Métro. Le film est un triomphe et vaut à l'actrice un César en 1981. La même année, dans Hôtel des Amériques, elle est Hélène, premier des cinq personnages de femmes à la fois volontaires et vulnérables que lui écrira Téchiné, son nouveau réalisateur-fétiche (Ma saison préférée, Les Temps qui changent).


Au fil des décennies suivantes, Catherine Deneuve, choisie en 1985 comme modèle pour le buste de Marianne, continue d'occuper une place centrale dans le paysage cinématographique français. Sa participation à de grandes fresques populaires, comme Indochine de Wargnier (avec à la clé un nouveau César en 1992) et à une comédie comme Belle maman asseoit son statut de star, mais la cinéphile Deneuve travaille aussi avec les talents les plus singuliers du cinéma français, de Carax à Desplechin en passant par Ozon (8 femmes en 2002), et même international (Oliveira, von Trier). Mettant régulièrement à mal son image de femme sophistiquée, elle campe l'héroïne suicidaire du Vent de la nuit de Garrel, et celle, alcoolique, de Place Vendôme, une prestation qui lui vaut le Prix d'interprétation à Venise en 1998, année au cours de laquelle elle reçoit à Berlin un Ours d'Or d'honneur pour l'ensemble de sa carrière. 


Loin de se reposer sur les lauriers, Catherine Deneuve prend part aux projets les plus variés : du film choral et glamour à la française (Le Héros de la famille) au dessin animé novateur (elle prête sa voix à la mère de l'héroïne de Persepolis en 2007), de la comédie décalée (Palais royal ! en 2004, Cyprien) au film conceptuel (Je veux voir, tourné dans un Liban en ruines), du jeune cinéma d'auteur (elle porte de bout en bout Après lui de Gaël Morel) à la superproduction (Le Concile de pierre). Au fil d'un parcours riche en nouvelles rencontres, elle retrouve régulièrement des cinéastes repères, comme André Téchiné (La Fille du RER en 2009, L’Homme qu’on aimait trop en 2014) ou Arnaud Desplechin (Un Conte de Noël). Elle s'assoit sur l'un des Bancs publics (Versailles rive droite) de Bruno Podalydès, et campe la mère de Marina Hands dans Mères et filles (2009) avant de jouer celle de substitution de Romain Duris, dans L’Homme qui voulait vivre sa vie.  


En 2010, elle retrouve l’œil avisé de François Ozon qui la métamorphose dans Potiche, comédie de boulevard dans laquelle elle interprète une épouse effacée, muée en femme d'affaires plus combative que jamais. La même année, elle est à l'affiche du drame Les Yeux de sa mère, dans lequel elle y interprète une journaliste star de la télé, aux côtés de Géraldine Pailhas et Nicolas Duvauchelle. En 2011, Christophe Honoré lui offre la possibilité de jouer avec sa fille, Chiara Mastroianni, dans son film musical Les Bien-aimés, aux côtés de Ludivigne Sagnier, qui interprète son personnage jeune ; en 2014, c'est Benoît Jacquot qui lui offre de nouveau cette possibilité dans 3 cœurs


Après avoir une nouvelle fois prouvé son sens de l'auto-dérision en incarnant la Reine d'Angleterre face à Astérix et Obélix, puis dans Le Tout Nouveau Testament, Catherine Deneuve fait une nouvelle rencontre de cinéma en la personne d’Emmanuelle Bercot, qui la dirige à deux reprises dans Elle s’en va puis La Tête haute, film d'ouverture du Festival de Cannes 2015. Elle forme ensuite un tandem surprenant avec Gustave Kerven dans la cour, l'histoire de deux êtres au tournant de leur vie. Tandis qu'elle se frotte à son passé dans Le Cancre et Sage Femme, elle apparaît dans plusieurs comédies comme Bonne pomme, pour laquelle elle retrouve Gérard Depardieu, mais aussi Mauvaises herbes et Terrible jungle


Elle côtoie également le rappeur-acteur Nekfeu pour Tout nous sépare, participe à la Fête de famille de Cédric Kahn et reste fidèle à André Téchiné pour L’Adieu à la nuit. En 2019, elle rejoint la distribution de La vérité de Hirokazu Koreeda et tourne à nouveau pour Emmanuelle Bercot pour De son vivant, dans lequel elle incarne une femme incapacitée par la maladie. AlloCiné


SUZY DELAIR  1916 - 2020


Chanteuse légère remarquable, cette actrice pleine d’entrain et d’abattage s’est imposée dans le tour de chant, les revues, l’opérette. Ses débuts au cinéma sont difficiles, et on l’aperçoit dans certains films de l’avant-guerre, noyée dans la figuration (Dédé, René Guissard, 1934 ; la Crise est finie, R. Siodmak, id. ; Prends la route, Jean Boyer, 1937). Sa rencontre avec Clouzot, alors scénariste, est déterminante. Dans le Dernier des six (G. Lacombe, 1941), elle ravit sans coup férir la vedette à l’actrice principale. L’assassin habite au 21 (H-G. Clouzot, 1942), où elle reprend le même personnage, accroît son succès. Dans la Vie de bohème (M. Lherbier, 1945 ; RÉ 1943), elle campe avec esprit une grisette. Dans Copie conforme (J. Dreville, 1947), elle est fasciné par Jouvet. En 1947, elle remporte un triomphe en interprétant le rôle de la chanteuse de music-hall dans Quai des Orfèvres (H-G. Clouzot), où elle passe du rire aux larmes, du drame à la comédie, avec une aisance souveraine. Ses rôles dans Pattes blanches (J. Grémillon, 1949) et Rocco et ses frères (L. Visconti, 1960) confirment son autorité et son âpreté à défendre des personnages ambigus. Malheureusement, trop souvent délaissée, oubliée ou chargée d’apparitions sans relief, elle ne trouve plus guère que dans Gervaise (R. Clément, 1956) l’occasion de se faire remarquer, après avoir beaucoup fait rire dans Souvenirs perdus (Christian-Jaque, 1950). Pour son unique tentative de réalisateur, Henri Jeanson lui avait écrit Lady Paname (id.), rôle de gouaille et d’émotion à fleur de peau, mais le film fut un échec. Raymond Chirat.


BIOGRAPHIE

Ses parents, de modestes artisans, souhaitaient qu’elle devienne sage-femme, mais dès son plus jeune âge, la petite Suzanne Delair se passionne pour le théâtre et rêve de monter sur les planches. Elle apprend ainsi le métier de modiste dans un atelier parisien puis le quitte pour faire de la figuration dans le film Un Caprice de la Pompadour, tourné par Willi Wolf et Joe Hamman en 1930. Elle fait ensuite des apparitions anonymes pendant 10 ans, dans des œuvres diverses et variées tournées par des réalisateurs de renom : La Dame de chez Maxim’s (1932) d’Alexander Korda, Poliche d’Abel Gance et La Crise est finie de Robert Siodmak en 1934, ou encore Prends la route de Jean Boyer en 1936.


Parallèlement à sa carrière de comédienne, elle s’essaie également à la chanson, se produisant aux Bouffes-Parisiennes ou aux Folies-Bergères, entre autres lieux de music-hall. Elle se fait ainsi remarquer par Suzy Solidor, chanteuse française très connue à l’époque et obtient un juteux contrat en vue d'effectuer des prestations musicales sur différentes scènes de prestige de la ville parisienne. Après ce premier tournant dans sa vie professionnelle, Suzy Delair se distingue enfin pour ses performances vocales: l’un de ses admirateurs se nomme Henri-Georges Clouzot. Il la recrute pour jouer aux côtés de Pierre Fresnay dans Le Dernier des six, dont il écrit le scénario. Dirigé par Georges Lacombe, ce long métrage permet à Delair d’être enfin considérée à sa juste valeur sur grand écran, dans le rôle d’une parisienne spontanée, gouailleuse, râleuse et surtout empoisonnante. Le film connaît une suite, cette fois dirigée par Clouzot : dans le désormais classique L’Assassin habite au 21, Suzy Delair reprend son personnage de Mila-Malou. L’actrice devient la compagne de Clouzot, lequel la redirige dans un autre de ses plus célèbres films, Quai des orfèvres, où elle interprète une jeune chanteuse manipulatrice. Elle y tient tête à Louis Jouvet et à Bernard Blier. 


Mêlant les registres et proposant tantôt des prestations comiques, tantôt dramatiques, Suzy Delair est également au générique de La Vie de bohème (1945) tourné par Marcel Lherbier, de Copie conforme (1947) de Jean Dréville, de Pattes blanches (1949) de Jean Grémillon et de Souvenirs perdus (1950) de Christian-Jaque, le mari de Suzy Solidor. On la voit aussi dans Atoll K (1950) dirigé par Leo Joannon et John Berry, film qui raconte l’histoire de 4 naufragés (parmi lesquels Stan Laurel et Oliver Hardy) qui ont échoué sur une île contenant du plutonium. En 1956, Suzy Delair ajoute son nom à l’immense casting de Si Paris nous était conté où les plus célèbres acteurs français de l’époque (Jean Marais, Danielle Darrieux, Michèle Morgan, Gérard Philipe, Louis de Funès pour ne citer qu’eux) se réunissent pour une grande fresque historique autour de la première ville de France, le tout sous la direction de Sacha Guitry. René Clément la fait jouer dans Gervaise l’année suivante. Dans cette adaptation de « L’Assommoir » d'Emile Zola, elle interprète une modeste blanchisseuse au pathétique destin. Sa bouleversante prestation marque la mémoire des spectateurs de l'époque. Une séquence du film est restée célèbre, celle où son personnage se prend une fessée par Maria Schell. En 1960, elle rejoint le tournage de Rocco et ses frères du réalisateur italien Luchino Visconti, où elle croise Alain Delon et Annie Girardot. Elle retrouve René Clément pour une reconstitution de la Libération de Paris en 1944, Paris brûle-t-il ?, mais n’y joue qu’un tout petit rôle. 


A côté du cinéma, Suzy Delair participe régulièrement à des opérettes inspirées de Jacques Offenbach (La Vie Parisienne), ou d’Oscar et Johann Strauss (Les Trois valses). Elle poursuit également son activité de chanteuse et obtiendra le Grand Prix du disque. Après 1962, elle se fait très rare à l’écran, privilégiant le théâtre et montant régulièrement sur les planches. A noter toutefois son bref retour pour  Les Aventures de Rabbi Jacob de Gérard Oury en 1973 (où elle interprète la femme du faux rabbi que Louis de Funès incarne avec brio), Oublie-moi, Mandoline de Michel Wyn en 1975 et À nous deux de Claude Lelouch en 1979, qui constituent ses trois derniers rôles au cinéma. Elle continuera néanmoins à apparaître de temps en temps à la télévision dans différents feuilletons. Suzy Delair a été décorée de l’Ordre national du Mérite, en février 2000, puis a obtenu le grade d’officier de l’Ordre national de la Légion d’honneur en juillet 2006. Louis Daubresse, AlloCiné.


BRIGITTE BARDOT  1934

Actrice, Mannequin, Danseuse, Chanteuse, Écrivain, Militante des droits des animaux


Issue de la « bonne bourgeoisie » (ce qui lui sera reproché quand elle effarouchera sa classe d’origine), elle étudie la danse dès l’enfance et fait un peu de théâtre. Ayant posé pour des journaux féminins (1950), elle débute à l’écran en vedette dès son deuxième film, dont l’audience est aussi modeste que le budget. Mais, remarquée par Marc Allégret et le producteur Raoul Lévy, elle devient une valeur commerciale : en 1956, quand Et Dieu créa la femme (premier film de Vadim, son premier mari) provoque un scandale et la rend célèbre. C’est la fulgurante apparition d’une sensualité juvénile et sans complexes. D’entrée de jeu, « B. B. » (comme on l’appelle déjà) occupe, nue et bronzée, toute la longueur du Scope.


En fait, elle a été invitée en Italie et en Grande-Bretagne avant même d’être fameuse en France. Ses coiffures sauvages, sa moue, son sourire et son allure lui ont drainé un public disparate, où les lycéens côtoient les intellectuels chevronnés : Jean Cocteau, Simone de Beauvoir, Marguerite Duras lui consacrent des articles. Sa renommée mondiale bouleverse les canons reçus à l’époque en matière de séduction. Son indépendance de comportement y ajoute une aura de perversité qu’elle n’a pas cherchée. Incarnation sans vrai précédent de la femme-enfant, elle suscite des hargnes égales aux admirations, mais ses imitatrices sont inombrables. Pendant une dizaine d’années, le mot bardolâtrie ne sera pas excessif pour désigner cet état d’esprit diffus, non sans oppositions, aggravées du fait que la foule fait peur à cette antivamp. Elle essaie de se réconcilier avec la « morale » (Babette), et Louis Malle tente de démythifier son ascension (Vie privée) : c’est peine perdue. La comédienne connaît ses limites : souvent touchante (par instinct), peu douée pour le drame, elle ne manque ni de fantaisie ni d’humour, et sa grâce éclaire encore ses films les plus médiocres. Dans d’autres conditions de production, elle aurait sans doute pu déployer un abattage dont ses shows à la TV ont témoigné. Trop fréquemment dirigée par des cinéastes qu’elle n’inspirait pas (sauf Vadim, quelquefois Boisrond, plus tard Deville), elle a visiblement préféré son existence à sa carrière. 


Elle a su prendre en 1973 une retraite bien calculée (après Don Juan 73, où elle incarne… Don Juan, et Colinot Trousse-Chemise) et elle n’y a mis aucune prétention. Elle a proposé une nouvelle silhouette de la jeune femme vouée à l’air et au soleil, porteuse d’un érotisme candide dans sa provocation, où ce qui subsiste des anciens fétichismes se déleste d’une noirceur démodée. Cette libération de l’image a annoncé la libération des mœurs, même si les générations suivantes ne s’y sont pas reconnues. Il reste de ses films (seul Et Dieu créa la femme fait peut-être exception) des morceaux choisis narrant l’histoire d’un corps, d’un visage et donc d’une âme, qui sont ceux-là et nuls autres. Bien loin d’être, comme on l’a dit, un fantasme du supposé inconscient collectif (l’imagination populaire ne travaille de nos jours que sur un modèle déjà fourni), l’effigie à laquelle elle s’est absolument identifiée, quitte à l’abandonner ensuite, ne porte que son nom. Aussi survit-elle dans la mémoire non comme une star traditionnelle, ni comme le sex-symbol qu’en fit la publicité, mais comme un emblème très particulier de la fascination cinématographique. Gérard Legrand, 1995.


Issue d'une éducation stricte, Brigitte Bardot se destine à la danse classique et entre au Conservatoire de Paris. On la découvre dès l'âge de quinze ans en couverture du magazine féminin ELLE mais c'est la comédie qu'elle choisit finalement. Elle suit des leçons chez René Simon et apparaît pour la première fois à l'écran en 1952 aux côtés de Bourvil dans Le trou normand. Lors d'une audition sans lendemain pour un film de Marc Allégret, elle rencontre l'assistant de Simon, Roger Vadim, qui deviendra son compagnon. 

Le rôle de Lucie dans Les Grandes Manœuvres de René Clair lui offre quelques apparitions entre Gérard Philipe et Michèle Morgan en 1955. A dix huit ans, elle épouse Roger Vadim qui la révèle en 1956 dans Et Dieu créa la femme. Elle y fait chavirer les cœurs dans le rôle de Juliette, et devient "BB", un « sex symbol » mondial. Bardot part ensuite tourner en Italie, notamment deux péplums : Les Week-ends de Néron réalisé par Steno en 1956, qui la place aux côtés d'Alberto Sordi et Vittorio De Sica et Hélène de Troie de Robert Wise. Sa beauté fait des miracles, elle est propulsée star, et les propositions pleuvent. 

Les films à succès s'enchaînent pour Brigitte Bardot, d'abord la comédie Une Parisienne de Michel Boisrond puis le drame En cas de Malheur, deux films importants pour la carrière de la star. Le premier la montre en fille de bonne famille prête à tout pour rendre jaloux Henri Vidal, et le second en cambrioleuse dont l'avocat Jean Gabin tombe amoureux. En cas de Malheur fait scandale. Les jambes et la jupe trop courte de BB bousculent une France, très coincée en matière d'érotisme à l'écran. S'ensuivent un film troupier sans conséquence mais au succès marquant Babette s'en va-t-en guerre et surtout, en 1960, La Vérité d'Henri-Georges Clouzot, où Bardot est accusée du meurtre de son petit ami. Dans la scène finale du film, un plaidoyer vibrant, l'actrice montre son talent de tragédienne, et est encensée par la critique. 

Dès lors, Bardot commence à intéresser Jean-Luc Godard, qui la veut pour jouer dans Le Mépris, le mal qui ronge le couple qu'elle forme pour l'occasion avec Michel Piccoli. La critique est divisée, le film est un des plus grands succès du réalisateur, mais une petite réussite pour Bardot, habituée aux triomphes populaires. Par la suite, elle apparait souvent à l'affiche avec des partenaires féminines, pour des duos de charme. En chanteuse de Cancan avec Jeanne Moreau dans le western révolutionnaire Viva Maria !, en nonne dans Les Novices avec Annie Girardot ou en femme fatale dans Les Pétroleuses avec Claudia Cardinale

Après avoir joué les femmes candides dans L'Ours et la poupée, elle joue une séduisante starlette des années 20 face au bourru Lino Ventura dans la comédie d'aventure Boulevard du rhum, qui sort en 1971. Les deux films remplissent les salles. Ce n'est pas le cas de Shalako, un western d'Edward Dmytryk avec Sean Connery, ni de Don Juan 73, de Roger Vadim, qui transforme Don Juan en femme. Résolument libérée, et incarnant l'icône populaire de la femme enfant, B.B. achève sa carrière cinématographique en 1973 auprès du débutant Francis Huster dans L' Histoire très bonne et très joyeuse de Colinot trousse-chemise

Brigitte Bardot a toujours refusé de faire carrière aux États-Unis, malgré les ponts d'or et les offres prometteuses. Elle préféra jouer de son image dans le cinéma national, chanter et servir de modèle pour le buste de Marianne. Depuis sa décision d'arrêter le cinéma, elle se consacre exclusivement à la protection des animaux, en particulier des bébé phoques. Corentin Palanchini 

Actrice incontournable du cinéma français avec plus de 45 films à son actif, figure de mode ayant été tour à tour mannequin et égérie et icône la chanson avec ses 70 titres, Brigitte Bardot est sans aucun doute l'une des stars françaises les plus emblématiques. En quelle année est-elle née ? Combien de fois a-t-elle été mariée ? Vit-elle toujours à La Madrague ? Voici ce qu'il faut connaître à son sujet. 

Née le 28 septembre 1934 à Paris, Brigitte Bardot est la fille d'un industriel, Louis Bardot et d'Anne-Marie Mucel, mère au foyer. Elle a une soeur cadette, Marie-Jeanne, née en mai 1938. Les deux petites filles reçoivent une éducation sévère et évoluent dans un univers artistique. Elles pratiquent la danse classique, déambulent devant la caméra de leur père, passionné de cinéma et voient défiler dans l'appartement familial le Tout- Paris. Marie-Jeanne, brillante élève, est souvent préférée par ses parents à Brigitte, au tempérament plus effronté. En 1948, celle-ci est reçue au concours d'entrée du Conservatoire de danse de Paris. Malgré son amblyopie (elle ne voit que d'un œil), la jeune fille se mue en ravissante adolescente rapidement remarquée par Hélène Lazareff, directrice du magazine ELLE et grande amie de sa mère. À 15 ans, Brigitte Bardot fait de nombreuses fois la une de l'hebdomadaire. Le réalisateur Marc Allégret remarque ce nouveau visage et l'auditionne pour Les lauriers sont coupés. Le film tombe aux oubliettes mais elle fait la connaissance de l'assistant de Marc Allégret, le jeune Roger Vadim. Ses parents, d'abord opposés à leur relation, lui demandent d'attendre ses 18 ans pour l'épouser. 

La jolie blonde continue de faire des photos de mode pour le magazine ELLE et, par l'intermédiaire de Roger Vadim, elle côtoie de nombreux metteurs en scène. Elle décroche son premier rôle en 1952 dans le film de Jean Boyer, Le trou normand, aux côtés de Bourvil. Dorénavant guidée par un manager, Olga Horstig, elle tourne plusieurs films en 1955 (Les grandes manœuvres, Cette sacrée gamine, La lumière d'en face). L'année suivante, pour le Festival de Cannes, elle décide d'éclaircir sa chevelure... le blond doré qu'elle affiche sur la croisette attire tous les regards et permet d'obtenir un financement pour le film de Roger Vadim. Et dieu...créa la femme sort quelques mois plus tard et fait d'elle une star internationale (premier film français à se classer au box-office américain) et contribue à lancer le mythe B.B. Dès lors elle enchaîne les tournages, Babette s'en va en guerre de Jacques Charrier, En cas de malheur où elle donne la réplique à Jean Gabin, La Vérité de Raoul Lévy, Le Mépris de Jean-Luc Godard...En 1963, elle accepte un tournage à Londres aux côtés d'Anthony Perkins, Une ravissante idiote, d'Edouard Molinaro. La même année, Jacques Rozier consacre un documentaire à Bardot, intitulé Paparazzi : il y décrit le déchaînement de la presse autour de la star qui apparaît alors comme une proie traquée. Le duo qu'elle forme avec Jeanne Moreau dans Viva Maria ! en 1966 est un nouveau succès mondial. 

Parallèlement, elle devient la muse de Serge Gainsbourg qui lui compose plusieurs célèbres titres (Harley Davidson, Bonnie & Clyde, Je t'aime moi non plus, Comic Strip). En 1968, elle accepte de prêter ses traits à Marianne (représentée sous les traits d'une anonyme jusqu'alors) et son buste, sculpté par Aslan, vient orner toutes les mairies de France. En 1970, l'actrice retrouve les plateaux de cinéma et rejoint le casting du film de Michel Melville, L'Ours et la poupée, avec Jean-Pierre Cassel. La même année, sur le tournage des Novices elle rencontre Annie Girardot qui devient une amie fidèle. Après Les Pétroleuses (1971) aux côtés de Claudia Cardinale, et Boulevard du rhum avec Lino Ventura, elle retrouve Roger Vadim pour lequel elle tourne Don Juan 73 (1972) mais le film est un flop. Suite à son apparition dans L'histoire très bonne et très joyeuse de Colinot trousse-chemise de Nina Companeez (1973), Brigitte Bardot annonce qu'elle met un terme à sa carrière cinématographique. 

Brigitte Bardot entame alors une nouvelle vie, loin de l'agitation médiatique dont elle a souffert durant sa carrière, et se consacre depuis exclusivement à la défense des animaux. D'abord porte-parole de la SPA, elle lance en 1977 une vaste campagne médiatique au large des glaces polaires du Canada pour dénoncer le massacre d'animaux et le commerce de la fourrure. En 1986, elle crée son association, la Fondation Brigitte Bardot, pour mener à bien ses combats; lutte contre la chasse aux phoques, à la baleine, commercialisation de la fourrure...Elle est l'auteur de plusieurs ouvrages : ses mémoires, publiées en deux tomes – Initiales B.B (1996) et Le carré de Pluton (1999) – Un cri dans le silence (2003), et Pourquoi ? (2006). 

Côté vie privée, à 18 ans, Brigitte Bardot épouse Roger Vadim le 20 décembre 1952. Leur divorce est prononcé cinq ans plus tard le 6 décembre 1957. Après une idylle avec Jean-Louis Trintignant puis Gilbert Bécaud, elle rencontre Jacques Charrier sur le tournage de Babette s'en va en guerre et l'épouse le 18 juin 1959. Le 11 janvier 1960, naît leur fils unique, Nicolas. Après une liaison avec Sami Frey, le divorce avec Jacques Charrier est prononcé en 1962. Durant l'été 1966, l'actrice tombe sous le charme du milliardaire Günther Sachs, leur mariage est célébré à Las Vegas le 14 juillet 1966. Le troisième divorce de l'actrice est prononcé le 1er octobre 1969. En 1977, elle fait la connaissance d'Allain Bougrain-Dubourg et partage sa vie pendant sept ans. Brigitte Bardot est aujourd'hui mariée à Bernard d'Ormale qu'elle a épousé le 16 août 1992 quelques mois après leur rencontre. Elle a deux petites-filles, Théa Joséphine et Anna Camilla, et une arrière petite-fille. Depuis la fin des années 1950, elle vit à La Madrague, son havre de paix à Saint-Tropez. 

Outre son amblyopie, la santé de Brigtte Bardot vacille en 1984, lorsqu'on lui diagnostique un cancer du sein à l’âge de 49 ans. Dans un premier temps, l’actrice refuse de se soigner et de se soumettre à une chimiothérapie. Son amie et actrice Marina Vlady parvient tout de même à la convaincre de faire de la radiothérapie. La star a aussi tenté de se suicider à deux reprises : d'abord à ses 16 ans suite au refus de ses parents de la laisser épouser Roger Vadim, puis le 28 septembre 1960, jour de son anniversaire. Elle est retrouvée inconsciente dans une bergerie aux alentours de Menton, ayant avalé des barbituriques et s'étant tranché les veines des poignets. Elle est transportée d’urgence à Nice, où elle est hospitalisée, et où elle reprend connaissance deux jours plus tard. Gala.

FRANÇOISE DORLÉAC  1942 - 1967


Fille du comédien Maurice Dorléac et sœur ainée de Catherine Deneuve, elle débute à dix-huit ans dans les Loups dans la bergerie, d’Hervé Bromberger (1960). La même année, Michel Deville lui propose un rôle plus conforme à sa personnalité dans Ce soir ou jamais (avec Anna Karina et Claude Rich), où elle est éblouissante de fantaisie. Ses films suivants manquent d’intérêt, même Tout l’or du monde, de René Clair (1961). Il lui faut attendre 1962 et la Gamberge, de Norbert Carbonnaux (avec Jean-Pierre Cassel et Arletty), pour pouvoir donner sa mesure. Son registre, c’est la fantaisie, et elle le prouve dans Arsène Lupin contre Arsène Lupin, d’Édouard Molinaro (1962) et l’Homme de Rio, de Philippe de Broca (1963). François Truffaut lui offre un rôle dramatique dans la Peau douce (1964, avec Jean Desailly) où elle démontre qu’elle est une comédienne complète, ce que confirme, plus que la Chasse à l’homme, de Molinaro (1964), Cul-de-sac de Roman Polanski (1966). Elle chante et danse avec Catherine Deneuve dans la comédie musicale de Jacques Demy et Michel Legrand, les Demoiselles de Rochefort (1967). Elle s’est fait une place bien à elle dans le cinéma français quand elle se tue, le 27 juin 1967, dans un accident de la route. Dominique Rabourdin, 1995.


MYLÈNE DEMONGEOT  1935 - 2022


Elle débute au cinéma en 1953. D’abord cantonnée dans des rôles de pin-up (les Enfants de l’amour, L. Moguy, 1953 ; Futures vedettes, M. Allégret, 1955), elle s’adapte ensuite avec aisance à différents emplois, qu’il s’agisse de fantaisie (Bonjour tristesse, O. Preminger, 1958 ; Faibles femmes, M. Boisrond, id. ; ou la série de Fantômas, A. Hunebelle, 1964-1967), de drames (les Sorcières de Salem, R. Rouleau, 1957), ou de péplums italiens (la Bataille de Marathon, J. Tourneur, 1959 ; l’Enlèvement des Sabines, R. Pottier, 1961). On la retrouve plus tard dans les Noces de porcelaine (R. Coggio, 1975), le Bâtard (B. Van Effenterre, 1983) ou dans les films de son mari Marc Simenon : Par le sang des autres (1974) ou Signé Furax (1981). Fabien Laboureur.


BIOGRAPHIE

De son vrai prénom Marie-Hélène, Mylène Demongeot a 13 ans lorsque sa famille s'installe à Paris. Elle y suit les cours d'art dramatique de René Simon et Marie Ventura, avant d'entamer une carrière de mannequin. La jeune cover-girl n'a que dix-sept ans lorsqu'elle apparaît dans son premier film, Les Enfants de l’amour (1953).


Repérée par Marc Allégret, qui la dirige dans Futures vedettes, elle acquiert effectivement un statut de star avec le rôle d'Abigail dans Les Sorcières de Salem (un drame tiré du roman d’Arthur Miller), aux côtés d’Yves Montand et de Simone Signoret. Elle figure ensuite au générique d'une nouvelle adaptation, de Françoise Sagan cette fois-ci, avec Bonjour tristesse d’Otto Preminger. 


Sex-symbol des années 50-60, la blonde incendiaire se spécialise dans des films le plus souvent légers, populaires et prête sa plastique avantageuse au personnage d'Hélène dans la série des Fantômas, ainsi qu'à quelques héroïnes de péplums (La Bataille de Marathon, L’Enlèvement des Sabines où elle partage l'affiche avec Roger Moore alias Romulus).


Sa rencontre avec Marc Simenon, metteur en scène et fils du romancier, va marquer un tournant. Elle se lance alors avec son mari dans la production, et espace de plus en plus ses apparitions au cinéma, jusqu'à ne plus tourner qu'épisodiquement (Signé Furax, réalisé par son mari, Tenue de soirée, de Bertrand Blier). Parallèlement, elle poursuit sa carrière d'actrice sur les planches et à la télévision. Après une éclipse de dix ans, elle signe son retour sur grand écran en 2004 avec deux films, Victoire et le polar 36 quai des orfèvres. Sa carrière au cinéma redémarre puisqu'elle fait partie de deux aventures sous le soleil, d'abord au Camping puis en Californie


Mylène Demongeot privilégie désormais les seconds rôles voire les brèves apparitions dans des films très différents, de la comédie légère (Tricheuse, Camping 2) au drame (Les toits de Paris, Oscar et la dame rose), en passant par le cinéma d'auteur (Si tu meurs, je te tue, Elle s’en va) ou la télévision (Les mauvaises têtes, Des roses en hiver). Fidèle à Fabien Onteniente, elle repart en Camping pour la troisième fois en 2016 et retrouve Franck Dubosc, Claude Brasseur et  Antoine Duléry. 


En 2018 et 2019, elle apparaît dans la série À l'intérieur, mais aussi Capitaine Marleau ou Infidèle. Sous la direction de Thomas Gilou, elle tourne dans la comédie Maison de retraite, dans laquelle elle côtoie à nouveau Gérard Depardieu et Antoine Duléry et pour la première fois Kev Adams. AlloCiné


       Pas de chance ! Marie-Hélène Demongeot, qui se choisit un prénom de cinéma plus accrocheur – Mylène ! – a la gouaille de Martine Carol, mais, au milieu des années 1950, ce n’est plus à la mode. Elle a aussi la blondeur et la sensualité de Brigitte Bardot qui, elle, l’est bien trop. La star numéro 1, en France et à l’étranger, c’est B.B. Et Mylène, aussi talentueuse soit-elle, n’est, pour les professionnels de la profession, que sa superbe doublure. 

Après un beau succès personnel, face à Yves Montand et à Simone Signoret, dans Les Sorcières de Salem (Raymond Rouleau, 1957), elle tente une carrière internationale : en Amérique (Bonjour tristesse, d’Otto Preminger, où elle séduit David Niven d’un coup de prunelle). En Italie (le superbe Les Garçons, de Mauro Bolognini, avec Laurent Terzieff). En Angleterre (l’étrange Cavalier noir, de Roy Ward Baker, où elle devient l’otage d’un bandit, plus ou moins amoureux, comme elle, d’un prêtre de village qui leur résiste !)... 

C’est Michel Deville qui met le mieux en valeur sa fraîcheur et sa fantaisie, surtout dans À cause, à cause d’une femme (1963), comédie policière féminine (sinon féministe...) où toutes les héroïnes (elles sont cinq ou six...) s’allient pour sauver des griffes de la police le Don Juan qu’elles ont la faiblesse d’aimer... Mylène Demongeot y est drôle, subtile, inventive : elle porte et embrase le film. C’est son plus beau rôle... 

Il faut dire qu’elle tourne un peu n’importe quoi (L’Enlèvement des Sabines, de Richard Pottier, 1961, Furia à Bahia pour OSS 117, d’André Hunebelle, 1965, Retenez-moi... ou je fais un malheur !, de Michel Gérard, 1984). Mais, entre deux navets, elle a l’intelligence de faire partie de quelques triomphes qui, vu leurs rediffusions constantes sur toutes les chaînes possibles et imaginables, l’auront rendue extrêmement populaire jusqu’à sa mort : les trois Fantômas avec Jean Marais et Louis de Funès (de 1964 à 1967). Et, bien sûr, les deux Camping de Fabien Onteniente (2006 et 2010). 

Elle interrompra (longtemps) sa carrière par amour pour Marc Simenon, le fils de l’écrivain. « J’avais envie de le voir bouger, de lui faire faire des films », dira-t-elle. Et elle décrira dans un récit autobiographique (L’Amour fou, en 2019) sa lutte, hélas vaine, pour le guérir de son alcoolisme. Marc Simenon se tue accidentellement, en 1999. 

Elle réapparaît alors dans quelques rôles mélancoliques et douloureux : Les Toits de Paris (2007) et Si tu meurs, je te tue, de Hiner Saleem (2011), Elle s’en va, d’Emmanuelle Bercot, avec Catherine Deneuve (2013). Deux d’entre eux – et ce sera, pour elle, une revanche – lui valent une nomination aux César : 36, quai des Orfèvres, d’Olivier Marchal (2004), et La Californie, de Jacques Fieschi (2006). Mylène Demongeot est morte le 1er décembre 2022, elle avait 87 ans. Pierre Murat, 2022.

        Formée au cours Simon, Mylène (née Marie-Hélène) Demongeot débute au cinéma en 1953. Raymond Rouleau lui permet de percer avec le personnage d’Abigail dans son film Les sorcières de Salem (1957), aux côtés de Simone Signoret et Yves Montand. L’année suivante, il la dirige au théâtre dans Virage dangereux de John Boynton Priestley. Au cinéma, Mylène Demongeot est sollicitée par des réalisateurs étrangers, tels Otto Preminger (Bonjour tristesse, 1959), Mauro Bolognini (Les garçons, 1959) ou Dino Risi (L’inassouvie, 1960). Vedette de cinéma des années 1960, elle est souvent à l’affiche de coproductions franco-italiennes, comme L’or des Césars (1963) d’André de Toth ou Tendre voyou (1966) de Jean Becker. Elle tourne aussi à deux reprises pour Michel Deville (À cause, à cause d’une femme et L’appartement des filles, 1963). Mais l’actrice est le plus souvent cantonnée à des films commerciaux, des Fantômas (1964-67), où elle partage l’affiche avec Louis de Funès et Jean Marais, au redoutable Furia à Bahia pour OSS 117, tous réalisés par André Hunebelle. Mylène Demongeot se fait plus rare dans les années 70-90. On la voit toutefois dans une vingtaine de films, dont Signé Furax (1981) de Marc Simenon (qui fut son époux) et Tenue de soirée (1986) de Bertrand Blier. Dans les années 2000, Mylène Demongeot effectue un retour remarqué. Elle est nommée au César de la meilleure actrice dans un second rôle pour 36, quai des Orfèvres (2004) d’Olivier Marchal et La Californie (2006) de Jacques Fieschi. Elle reste sur la brèche avec les trois Camping de Fabien Oneniente. On la retrouve en amie de Catherine Deneuve dans Elle s’en va (2013) d’Emmanuelle Bercot et Sage femme (2017) de Martin Provost. Mylène Demongeot est décédée le 1er décembre 2022 à l’âge de 87 ans. avoir-alire, 2022.

SIMONE SIGNORET  1921 - 1985


« Je suis née (…) un soir de mars 1941 sur une banquette du Café de Flore »… La première rencontre, décisive, en effet, dans une vie que ni le milieu familial bourgeois ni l’éducation classique reçue à Neuilly ne semblent destiner aux planches, c’est à vingt ans celle d’amis chaleureux issus du fameux groupe « Octobre ». Grâce à eux, elle obtient durant l’Occupation - et en dépit de son ascendance demi-juive qui l’oblige à changer de nom - quelques emplois de figuration dans une dizaine de films, parmi lesquels les Visiteurs du soir (Marcel Carné, 1942) et Adieu… Léonard ! (P. Prévert, 1943). La seconde est celle d’Yves Allégret, alors jeune réalisateur inconnu, dont elle partage la vie pendant six ans et qui lui confie ses premiers rôles importants, dans les Démons de l’aube (1946) qui la font remarquer, puis dans les rôles principaux de Dédé d’Anvers (1948, une fille à matelots veule et fataliste) et Manèges (1950, l’épouse calculatrice et amorale de Bernard Blier). Elle semble, à trente ans, condamnée aux rôles de prostituées et de garces et c’est encore cette image qu’exploite avec une élégante ironie Max Ophuls dans la Ronde (id.) ou que détourne avec tendresse Jacques Becker dans un des plus beaux fleurons du cinéma français : Casque d’or (1952), où Simone Signoret, frémissante d’amour, de vie et de noblesse, trouve aux cotés de Serge Reggiani la plus belle création de sa carrière.


Elle a fait entretemps sa troisième rencontre décisive, celle du chanteur et acteur Yves Montand, qu’elle épouse en 1951. Après le rôle-titre du film de Marcel Carné : Thérèse Raquin (1953) et une composition très « noire » dans les Diaboliques de Clouzot en 1955, elle débute au théâtre aux cotés de Montand dans la pièce antimaccarthyste d’Arthur Miller « les Sorcières de Salem » (1954-55), qui obtient un triomphe et qu’ils reprendront à l’écran en 1957, dans les mêmes studios de Berlin-Est où elle jouait, l’année précédente, la putain française dans une version filmée par Wolfgang Staudte de la pièce de Brecht Mère Courage, hélas demeurée inachevée. De ses études secondaires, Simone Signoret a conservé une excellente connaissance de l’anglais (elle interprétera Macbeth à Londres en 1966, face à Alec Guinness). En 1958, elle tient en Grande-Bretagne le rôle d’Alice Aisgill, la femme du monde mal mariée des Chemins de la haute ville (J. Clayton), qui lui permettra de remporter un Oscar. Remarquable en femme vieillissante dans les Mauvais Coups (F. Leterrier, 1960) et en bourgeoise qui s’éveille à la conscience politique dans le Jour et l’heure (R. Clément, 1963), elle tient plusieurs rôles importants aux États-Unis de 1965 à 1968 (parmi lesquels la Nef des fous, S. Kramer, 1965, et la Mouette, S. Lumet, 1968). De retour en France, elle se consacre de plus en plus exclusivement à des films « d’amitié et de conviction » qu’elle choisit avec une rare rigueur. De l’Aveu (Costa-Gavras, 1970), sur les purges staliniennes, à Judith Therpauve (P. Chéreau, 1978), un plaidoyer pour la liberté de la presse, en passant par l’exploration d’un imaginaire populaire aliéné qu’est Rude journée pour la reine (R. Allio, 1973), l’itinéraire témoigne de son exigence. Il faut citer aussi l’Américain (M. Bozzuffi, 1969), un beau film méconnu sur l’amitié et la fidélité aux idéaux, le Chat (P. Garnier-Deferre, 1971), qui l’oppose pour la première fois à Jean Gabin, et la Vie devant soi (Moshe Mizrahi, 1977), où sa madame Rosa - encore une prostituée ! - pleine d’humanité et de tendresse lui vaut un César. Elle a également adapté et interprété au théâtre les Petits Renards (1962) de Lilian Hellman, et écrit un beau livre de souvenirs, « La nostalgie n’est plus ce qu’elle était » (1977), puis « Le lendemain, elle était souriante » (1979) et un roman (« Adieu Volodia », 1984). Sa fille, Catherine Allégret, est également comédienne ; son frère, Alain Kaminker (1930-1958) a été réalisateur de courts métrages. Jean-Pierre Berthomé, 1995.


MARIE DUBOIS  1937 - 2014


Elle suit la filière habituelle des comédiennes : Conservatoire, tournées théâtrales, scènes parisiennes, dramatiques télévisées. Un bout d’essai réussi et François Truffaut lui confie le rôle principal de son deuxième long métrage, Tirez sur le pianiste (1960, avec Charles Aznavour). C’est pour la circonstance qu’elle devient Marie Dubois, du titre d’un roman d’Audiberti, écrivain cher à Truffaut. Ses débuts au cinéma se placent donc sous l’égide de la Nouvelle Vague puisqu’elle tourne avec Eric Rohmer (le Signe du lion, 1959), Jean-Luc Godard (Une femme est une femme, 1961) et qu’elle retrouve Truffaut en 1961 pour Jules et Jim. Malgré son physique de jeune fille bien sage, ses cheveux blonds et ses yeux bleus, elle va interpréter, en règle générale, des personnages extrêmement décidés et souvent plus complexes qu’il n’y paraît.


Sa carrière va se dérouler avec une grande régularité. À quelques rares exceptions près, elle tourne dans des films ambitieux et estimables, n’hésitant pas à donner leur chance à de jeunes cinéastes (comme Serge Moati pour Nuit d’or, en 1977 ou le cinéaste suisse Michel Soutter pour les Arpenteurs, en 1972), ou à tenir des emplois qui comportent quelques risques (Bof, C. Faraldo, 1971). La Maison des Bories (J. Doniol-Valcroze, 1970) est un de ses plus grands succès personnels. Elle a réussi à dépasser le stade de la jeune première, et à donner beaucoup de poids à des personnages difficiles : Vincent, François, Paul et les autres (C. Sautet, 1974) ; Il y a longtemps que je t’aime (J-Ch. Tachella, 1979) ; Mon oncle d’Amérique (A. Resnais, 1980) ; l’Ami de Vincent (P. Granier-Deferre, 1983) ; Garçon ! (Sautet, id.) ; l’Intrus (Irène Jouannet, 1984) ; Grand Guignol (J. Marbeuf, 1987). Dominique Rabourdin.


BIOGRAPHIE

De son véritable nom Claudine Huzé, Marie Dubois fait ses armes à l’École de la rue Blanche (ENSATT) et poursuit sa formation en suivant les cours bd’Henri Rollan au Conservatoire. Apprenant aussi bien le théâtre classique que la comédie moderne, l’actrice fait ses débuts sur les planches dans les pièces Hyménée, Le Misanthrope, Les Sorcières de Salem ou encore Boeing-Boeing. Elle est remarquée par François Truffaut lors de ses apparitions dans les séries télévisées La Caméra explore le temps et Les Cinq dernières minutes. Le metteur en scène l’engage alors pour son second long métrage Tirez sur le pianiste, une sorte d’hommage aux films noirs des années 40. C’est d’ailleurs François Truffaut qui offre à la comédienne son pseudonyme, Marie Dubois, en référence à l’héroïne du roman éponyme de Jacques Audiberti (1952). C’est lors du tournage de ce premier long métrage que les premiers symptômes de la sclérose en plaque font leurs apparitions. 


La comédienne découvre sa maladie mais décide de se consacrer à sa carrière. Elle tourne donc, en 1961, sous la direction de Jean-Luc Godard dans Une Femme est une femme, premier film en couleurs du réalisateur, où elle donne, pour la première fois, la réplique à Jean-Paul Belmondo, avec lequel elle tournera à 4 reprises. Marie Dubois enchaîne ensuite son second film sous la direction de François Truffaut, Jules et Jim. Poursuivant avec les jeunes réalisateurs de la Nouvelle Vague la comédienne entre dans La Ronde de Roger Vadim sans pour autant oublier le théâtre et les téléfilms. 


En 1961, Marie Dubois épouse le comédien et agent (co-fondateur de l’agence Artmedia, plus grosse agence de comédiens en France) Serge Rousseau. L’actrice poursuit avec des films plus populaires tels que le Monocle noir de Georges Lautner, Week-end à Zuydcoote d’Henri Verneuil (pour lequel elle retrouve Belmondo) ou encore la Chasse à l’homme d’Edouard Molinaro. Récompensée en 1963 par le prix Suzanne Bianchetti, elle incarne l’année suivante la fille de Jean Gabin dans l’Âge ingrat de Gilles Grangier et est la seule figure féminine des Grandes gueules de Robert Enrico dans lequel elle fait face à Lino Ventura et Bourvil. Sa fraîcheur et son jeu, d’une justesse incroyable, en font une actrice incontournable des années 1960.


Alternant brillamment films populaires et longs métrages issus de la Nouvelle Vague, elle est, en 1965, à l’affiche des Fêtes galantes de René Clair, du téléfilm de Marie Curie - Une certaine jeune fille et du Voleur de Louis Malle avec Jean-Paul Belmondo. Adapté du roman de Georges Darien, auteur anarchique dont les œuvres sont grandement marquées par un sentiment de révolte contre l'ordre établi, ce film est une véritable réflexion sur l'argent et le pouvoir qu'il confère. La même année Marie Dubois apparaît au casting de La Grande vadrouille de Gérard Oury aux côtés de Bourvil et Louis de Funès, le film totalise 17 267 000 entrées, et se place en tête du box-office français jusqu’en 1998 (et les 20 millions d’entrées de Titanic).


Rendue populaire grâce au film d’Oury, elle poursuit avec la Maison des Bories de Jacques Doniol-Valcroze-Valcroze dans lequel elle trompe son mari (Maurice Garrel) avec le jeune Mathieu Carrière, puis reçoit le prix d'interprétation de l'Académie Nationale du cinéma pour son rôle dans les Arpenteurs de Michel Soutter, qu’elle retrouvera deux ans plus tard pour L’Escapade. En 1969 elle fait partie du casting international de Gonflés à bloc aux côtés de Tony Curtis. La comédienne participe ensuite au tournage du film de Claude Sautet, Vincent, François, Paul et les autres, elle y incarne Lucie, la femme de Michel Piccoli et partage l’affiche avec Yves Montand, Serge Reggiani, Gérard Depardieu et Stéphane Audran. En 1976, Luchino Visconti en fait la princesse de son long métrage L’Innocent. L’année suivante Alain Corneau lui offre le rôle de la femme jalouse et dépressive d’Yves Montand dans La Menace. Un rôle pour lequel la comédienne remporte le César du Meilleur second rôle féminin. 


Mais plus de vingt ans après les premiers symptômes, sa maladie la rattrape, Marie Dubois est obligée de ralentir ses activités. La comédienne n’apparait alors plus que dans des seconds rôles : L’Ami de Vincent de Pierre Garnier-Deferre, Mon Oncle d’Amérique (Alain Resnais), Garçon ! de Claude Sautet pour lequel elle retrouve Yves Montand, dans lequel elle héberge chez elle le jeune Richard Anconina et participe au Grand Guignol de Jean Marbeuf. En 1986, elle est nommée au César de la Meilleure actrice dans un second rôle pour Descente aux enfers de Francis Girod. Elle tourne sous la direction de Claude Chabrol pour Rien ne va plus en 1997 et s’engage, quatre ans plus tard, dans la lutte contre la sclérose en plaques dans une campagne de prévention réalisée par Alain Corneau. Marie Dubois est décédée le 15 octobre 2014 à l'âge de 77 ans. AlloCiné


LESLIE CARON  1931


C’est comme danseuse classique qu’elle fait partie, en 1949, de la troupe de Roland Petit. Gene Kelly la découvre, et Vincente Minelli fait d’elle l’héroïne de son Américain à Paris (1951). Elle y danse à ravir, ce qui lui vaut une célébrité immédiate. Son contrat à la MGM ne lui permet de tourner que des musicals, à quelques rares exceptions près : la Ruelle du péché, de Raoul Walsh, où elle réussit tout de même à danser (1952), et Mademoiselle, l’épisode d’Histoire de trois amours (1953) dirigé par Minelli. Charles Walters utilise très subtilement une personnalité plus complexe qu’il n’y paraît dans Lili (id.), qui lui fait incarner une adolescente un peu naïve et pleine de charme, et dans la Pantoufle de verre (1955), où elle est Cendrillon. Mais ses deux moments de gloire (avec Un Américain à Paris, bien sûr) sont Papa longues jambes de Jean Negulesco (1955), dans lequel elle danse avec Fred Astaire, et Gigi (1958) : elle y retrouve Vincente Minelli, et les costumes de Cecil Beaton la font plus belle que jamais. Après un dernier musical, Fanny, de Joshua Logan (1961), sa carrière devient à la fois plus intermittente et plus désordonnée. À signaler toutefois : ses rôles dans la Chambre indiscrète (B. Forbes, 1962), Jeux d’adultes (N. Loy, 1967), l’Homme qui aimait les femmes (F. Truffaut, 1977), le Contrat (K. Zanussi, 1980), l’Impératif (id., 1982), la Diagonale du fou (Richard Dembo, 1984), Guerriers et captives (E. Cozarinsky, 1989), Fatale (L. Malle, 1992), Funny Bones (Peter Chelson, 1995). Au théâtre, elle fut choisie par Jean Renoir pour être Orvet (1955). Dominique Rabourdin.


BIOGRAPHIE

Française par son père et américaine par sa mère, Leslie Caron commence des études de danse à l'âge de 11 ans. Entrée à 16 ans dans la troupe du Ballet des Champs-Élysées de Roland Petit, elle tient, en 1948, le rôle du sphinx dans le ballet de David Lichine "La rencontre" où elle est découverte par Gene Kelly qui l'a fait tourner avec lui dans Un Américain à Paris de Vicente Minelli.

L'énorme succès public et critique de cette comédie musicale lui ouvre les portes d'Hollywood. Placée sous contrat avec la MGM, elle y tourne notamment
Papa longues jambes de Jean Negulesco, où elle danse avec Fred Astaire, et Gigi une nouvelle fois sous la direction de Minelli où elle croise Maurice Chevalier. 


En 1953, elle incarne Lili, une jeune orpheline sans le sou qui rencontre une troupe de forains et s'intéresse aux marionnettes et se rapproche de celui qui les manipule, pourtant un homme assez asocial. Il en résultera une nomination à l'Oscar de la Meilleure actrice. La première avant celle pour la Chambre indiscrète de Bryan Forbes en 1964.

Après un dernier musical,
Fanny, tourné en 1961, la comédienne s'éloigne progressivement du grand écran, apparaissant occasionnellement dans quelques superproductions, comme Paris brûle-t-il ? de René Clément, en 1966, ou dans des films plus intimistes, comme l’Homme qui aimait les femmes de  François Truffaut, en 1977.

A l'affiche du
Chocolat de Lasse Hallström aux côtés de Juliette Binoche, en 2001, Leslie Caron rejoint l'année suivante le casting choral du Divorce de  James Ivory. Après être apparue irrégulièrement dans la série la Folle aventure des Durrell, elle tourne en 2020 le téléfilm Written on Water, signé Pontus Lidberg. AlloCiné


MARTINE CAROL  1920 - 1967


Elle débute au théâtre sous le pseudonyme de Maryse Arley. En 1946, elle joue au théâtre de la Renaissance dans la Route du tabac. À l’écran, elle tient de petits rôles dans la Ferme aux loups (Richard Pottier, 1943) et Voyage surprise (P. Prévert, 1947). Mais c’’est grâce à un coup d ‘éclat publicitaire (elle se jette dans la Seine du pont de l’Alma, feignant un désespoir d’amour), une opération de chirurgie esthétique (redressement de son nez) et surtout un rôle quasiment écrit pour elle, celui de Caroline chérie (1951, roman de Cécil Saint-Laurent porté à l’écran par Richard Pottier), qu’elle accède au rang de vedette. Le film, où elle dévoile généreusement son anatomie, sera suivi en 1953 d’Un caprice de Caroline, de Jean Devaivre. C’est le début d’une série de films pseudo-historiques, pimentés d’érotisme aimable : Lucrèce Borgia (1953), Lysistrata (épisode de Destinées, 1954), Madame du Barry (id.), Nana (1955), tous réalisés par son second mari, Christian-Jaque. Elle tourne aussi avec René Clair (les Belles de nuit, 1952), et, en, Italie, Alberto Lattuada (la Pensionnaire, 1954). En 1955, c’est le couronnement de sa brève carrière, né peut-être d’un malentendu (les producteurs voulant exploiter son personnage de femme fatale, que le metteur en scène entendait au contraire exorciser) : Lola Montès, de Max Ophuls. L’insuccès commercial retentissant du film stoppe net la carrière de Martine Carol, qui ira ensuite d’échecs flagrants (Scandale à Milan, V. Sherman, 1956 ; les Noces vénitiennes, A. Calvacanti, 1959) en come-back sans lendemain (Nathalie, agent secret, Henri Decoin, 1959 ; Austerlitz, A. Gance, 1960 (elle est Joséphine) ; Vanina Vanini, R. Rossellini, 1961) et de dépressions nerveuses en divorces successifs. Son quatrième mari, le milliardaire anglais Mike Eland, la découvrira morte, en 1967, dans sa chambre d’hôtel : abus de médicaments ou crise cardiaque, on ne le sut jamais. Claude Beylie.


ISABELLA ROSSELLINI  1952


Fille d’Ingrid Bergman et de Roberto Rossellini, elle travaille d’abord comme habilleuse sur les films de son père, puis elle est engagée à la R.A.I. (où elle devient notamment l’une des vedettes de l’émission comique hebdomadaire L’altro domenico). Après avoir interprété auprès de sa mère un rôle dans Nina (V. Minelli, 1976), elle commence une carrière prestigieuse de mannequin. Ses rôles grandissent au cinéma à partir de 1985 : Soleil de nuit (Taylor Hackford, 1985), Blue Velvet (D. Lynch, 1986), Les vrais durs ne dansent pas (Norman Mailer, 1987), Little Red Riding Hood (Adam Brooks, id.), Siesta (Mary Lambert, 1988), Zelly and me (Tina Rathbone, id.), Cousins (Joel Schumacher, 1989), Sailor et Lula (Lynch, 1990), Dames galantes (J.C. Tacchela, id.), L’assedio du Venezia (Giorgio Ferrara, 1991), la Mort vous va si bien (R. Zemeckis, 1992), The Innocent (J. Schlesinger, 1993), État second (P. Weir, id.), Wyatt Earp (L. Kasdan, 1994), Immortal Beloved (Bernard Rose, id.). 


Jean-Loup PASSEK, 1995.


BIOGRAPHIE

Fille de Roberto Rossellini et d’Ingrid Bergman, Isabella Rossellini commence sa carrière en tant qu'habilleuse sur les films de son père pour bientôt apparaître sur la RAI, chaîne de télévision italienne où elle devient vedette d'une émission comique. Elle mène en parallèle une carrière de mannequin en devenant l'égérie de la marque Lancôme.


Elle débute au cinéma à l'âge de 20 ans en tournant dans des longs métrages italiens (Le Pré et Il Pap’occhio), mais elle est surtout révélée au grand public dans des films américains comme Soleil de nuit, et surtout Blue Velvet de David Lynch. Son interprétation de la chanteuse sadomasochiste Dorothy Valens lui permet de gagner des rôles de femmes torturées à la beauté glaciale. Des rôles de femmes atypiques qu'on retrouve aussi bien dans Cousins, Dames galantes, La Mort vous va si bien et même dans le sulfureux Sailor et Lula du même David Lynch où elle interprète une belle Mexicaine aguicheuse.


Dans son propre rôle, le temps d'un épisode de la saison 3 de Friends, elle devient le fantasme de Ross, lui faisant même oublier Jennifer Aniston ! Durant les années 90, sa carrière se partage entre des films américains et italiens (Le Diable à quatre, Ludwig Van B., Nos funérailles, etc.).


Elle accumule en outre les seconds rôles dans des productions qui ne rencontrent guère de succès (Les imposteurs, Empire, Un mari de trop, etc.) tout en se diversifiant dans des séries populaires comme Alias, Chicago Hope ou encore 30 rock où elle incarne l'ex-femme complètement déjantée d’Alec Baldwin.  


En 2007, elle joue dans Scandaleusement célèbre, nouveau biopic consacré au célèbre auteur Truman Capote déjà immortalisé à l'écran par Philip Seymour Hoffman l'année précédente. Après des apparitions chez James Gray (Two Lovers), Julie Gavras (3 fois 20 ans), Marjane Satrapi (Poulet aux prunes), elle retrouve en 2012 le réalisateur indépendant Guy Maddin, avec qui elle avait tourné The Saddest Music in the World et Des trous dans la tête, pour Ulysse, souviens-toi !, un récit mystérieux sur un homme confronté à son passé.


En 2013, la comédienne incarne la mère de Jake Gyllenhaal dans le mystérieux thriller Enemy de Denis Villeneuve. La même année, elle réalise et interprète une série de courts métrages sur le thème de la maternité, Mammas, avant de jouer dans un épisode de la série policière Blacklist aux côtés de James Spader. 


Le Festival de Cannes met la belle Isabella à l'honneur en 2015 en la choisissant pour présider le jury de la sélection Un Certain Regard. C'est d'autant plus symbolique que le Festival rend hommage à sa mère, Ingrid Bergman, égérie de cette nouvelle édition du rendez-vous incontournable du cinéma mondial. AlloCiné


ROMY SCHNEIDER  1938 - 1982


Elle est l’exemple parfait - et rare - de l’actrice ayant forgé son propre destin, passant, à force d’énergie et de conscience professionnelle, du statut de produit manufacturé et impersonnel à celui de star.


Née de parents comédiens de théâtre et de cinéma (sa mère, Magda Schneider, fut notamment la vedette de Liebelei de Max Ophuls, 1933), elle paraît à l’écran en 1953 dans les Lilas blancs (Hans Deppe, 1953), et reste cantonnée, sept ans durant, dans des rôles d’impératrice chamarrée et capricieuse (Sissi, Victoria…), de favorite romantique (Katia) ou d’ingénue perverse (Éva), parfaitement insipides. C’est à peine si l’on sauvera Monpti, un mélodrame acide d’Helmut Käutner. Le fond est atteint avec Christine (1958), affligeant remake de Liebelei, dont le seul intérêt est de lui faire rencontrer Alain Delon, un partenaire qui aura sur elle une influence décisive. Leur idylle sera brève, assez tapageuse, mais en fin de compte profitable à la « petite fiancée de l’Europe ». En 1961, ils jouent ensemble au théâtre, à Paris, Dommage qu’elle soit une putain, sous la direction de Luchino Visconti. La même année, celui-ci emploie Romy dans un sketch de Boccace 70 : un rôle qui la sort des conventions d’opérette et la pare d’un érotisme ambigu, profondément moderne. Elle affinera ce registre dans le Procès (O. Welles, 1962), l’Enfer (H.G. Clouzot, film malheureusement inachevé) et la Piscine (J. Deray, 1968, où elle retrouve Alain Delon). Un pas de plus est franchi grâce à Claude Sautet : des Choses de la vie à Max et les ferrailleurs et de César et Rosalie à Une histoire simple, elle exprime, avec un courage tranquille lié à une bouleversante vulnérabilité, la difficulté d’être femme dans un environnement de petit drames quotidiens et de chipotages bourgeois. Elle met le même accent, d’un vibrato suraigu, assez froid, dans des films signés Pierre Granier-Deferre (le Train), Michel Deville (le Mouton enragé), à nouveau Visconti (le Crépuscule des dieux), Andrzej Zulawski (le tumultueux L’important c’est d’aimer) ou Bertrand Tavernier (la Mort en direct), vivant chaque fois une « histoire d’amour professionnelle » avec ses metteurs en scène. Quoi d’étonnant à ce qu’elle ait fini par se brûler les ailes à ce jeu dangereux ? Une grave opération, puis la mort affreuse de son premier fils ont été les épisodes déterminants qui, sans doute, la conduisirent à se donner la mort, une nuit de mai.


C’était, comme le dit Claude Sautet, une actrice qui « dépassait le quotidien ». Peu auront franchi aussi vite qu’elle les étapes qui mènent du vaudeville à la tragédie. Pour certains, elle a l’aura d’une Louise Brooks, d’une Marlene Dietrich, d’une Lucia Bosè… 


Claude Beylie, 1995.


ANOUK AIMÉE  1932


Fille de comédiens, elle étudie le théâtre et la danse en France et en Angleterre. Son premier grand rôle est une occasion manquée : la Fleur de l’âge (M. Carné, 1947), qui ne sera jamais achevé, mais Jacques Prévert lui offre une nouvelle première chance avec les Amants de Vérone (A. Cayatte, 1949), qui fait d’elle une vedette. Le Rideau cramoisi (A. Astruc, 1953), les Mauvaises rencontres (id., 1955), Montparnasse 19 (J. Becker, 1958), la Tête contre les murs (G. Franju, 1959) ou les Dragueurs (J-P. Mocky, id.) imposent d’elle une image quasi immatérielle, celle d’un amour idéal, fragile et obstiné. La Dolce Vita (F. Fellini, 1960) et Lola (J. Demy, 1961) révèlent une Anouk Aimée différente, en qui s’incarnent aussi bien la sensualité blasée que la confiance aveugle dans le Destin. Les années qui suivent la trouvent en Italie, où elle interprète l’épouse névrosée dans Huit et demi (Fellini, 1963). Après son immense succès dans Un homme et une femme (C. Lelouch, 1966) et un rôle énigmatique dans Un soir un train (A. Delvaux, 1968), sa carrière chaotique se transporte aux États-Unis, où elle interprète le Rendez-vous (S. Lumet, 1969), Justine (G. Cukor, id.) et Model Shop (J. Demy, id.), retrouvant dans ce dernier film son personnage de Lola, vieilli et désabusé. Après une absence des écrans de sept ans, elle change à nouveau d’image de marque, en particulier dans le Saut dans le vide (M. Bellochio, 1979), où elle incarne les frustrations d’une vieille fille toute vouée à son frère, et dans la Tragédie d’un homme ridicule de Bertolucci (1981), où elle est l’épouse d’Ugo Tognazzi. En 1983, elle interprète le Général de l’armée morte (L. Tovoli) puis, de Claude Lelouch Viva la vie (1984) et Un homme et une femme : vingt ans déjà (1986). On la retrouve ensuite fugitivement dans Ruptures (Christine Citti, 1993), les Marmottes (Elie Chouraqui, 1993) et Prêt-à-porter (R. Altman, 1994). Elle a été notamment l’épouse de Nico Papatakis, Pierre Barouh et Albert Finney


Jean-Pierre Berthomé, 1995.


BIOGRAPHIE

    Fille de comédiens, Françoise Dreyfus n'a que 13 ans lorsque, se promenant dans la rue avec sa mère, elle se voit proposer un rôle dans La Maison sous la mer de Henri Calef sorti en 1947. Son personnage dans le film s'appelle Anouk, un prénom qu'elle conservera. Si la jeune fille poursuit un temps ses études secondaires en Angleterre, elle s'inscrit bientôt au cours de théâtre Bauer-Thérond et prend des leçons de danse. 


Après son premier tournage, la comédienne est contactée par Marcel Carné pour jouer dans la Fleur de l’âge. Le projet n'aboutira pas, mais sera pour elle l'occasion d'une rencontre déterminante avec le scénariste Jacques Prévert, qui lui suggère d'adopter le nom d'"Aimée", et écrit pour elle les Amants de Vérone de Cayatte, un film à succès qui impose la jeune actrice en héroïne romantique aux côtés de Serge Reggiani en 1949.


Prêtant sa voix à la Bergère et le ramoneur, dessin animé de Grimault - écrit par l'ami Prévert-, elle tourne alors avec Duvivier (Pot Bouille), Becker (Montparnasse 19), et dans les premiers longs-métrages de Franju (la Tête contre les murs) et Astruc (les Mauvaises rencontres). 


En 1960, Federico Fellini offre à la comédienne un rôle de femme riche et désoeuvrée dans la Dolce Vita. Anouk Aimée confiera que c'est au contact du maestro, qui la dirigera à nouveau trois ans plus tard dans Huit et demi, qu'elle commence à prendre au sérieux son métier d'actrice.


Au cours de la riche décennie qui suit, elle papillonne avec grâce dans Lola de Demy et tourne aux côtés de Jean-Louis Trintignant le triomphal Un homme et une femme de Lelouch, qui lui vaut en 1967 le Golden Globe de la Meilleure actrice - ces deux films marquants donneront lieu à des suites, Model Shop et Un homme et une femme : vingt ans déjà


S'installant quelques années en Italie, elle y tourne avec Lattuada, Bertolucci et Bellochio : sœur de Piccoli dans le Saut dans le vide, elle obtient, comme son partenaire, le Prix d'interprétation à Cannes en 1980. 


Par la suite, Anouk Aimée se fait moins présente sur les écrans français, si on excepte ses fréquentes retrouvailles avec Lelouch (Viva la vie, 1983, Hommes, femmes : mode d’emploi, 1996, Une pour toutes, 1999, ...) et ses rôles dans les films d’Elie Chouraqui (Qu’est-ce qui fait courir David ?, 1981, les Marmottes, 1993, ...).


En 2003, elle sera cependant l'héroïne de la Petite prairie aux bouleaux, œuvre singulière sur le souvenir de la déportation. Loin de toute stratégie, Anouk Aimée, qui a toujours été une comédienne voyageuse, travaille ainsi de part le monde avec le Belge André Delvaux (Un soir un train, 1968), le Polonais Jerzy Skolimowski et les Américains Cukor (Justine, 1969), Lumet (le Rendez-vous, id.) et Altman (Prêt-à-porter en 1994).


Incarnation d'un glamour à l'européenne, l'actrice reçoit en 2002 un César d'honneur, et l'année suivante un Ours d'or à Berlin, pour l'ensemble de sa carrière.


De retour au cinéma français au début des années 2000, Anouk Aimée joue la mère d’Yvan Attal dans sa comédie Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants (2004). A l'affiche de la comédie dramatique De particulier à particulier en 2006, elle retrouve trois ans plus tard les plateaux de Claude Lelouch, à l'occasion de son film-fresque, Ces amours-là


L'année d'après, l'actrice se glisse dans la peau d'une malade en soins palliatifs, pour les besoins de la comédie de Philippe Claudel, Tous les soleils. En 2019, elle retrouve Claude Lelouch pour les Plus belles années d’une vie, la suite d'Un homme et une femme. AlloCiné.


VICTORIA ABRIL  1959


    Depuis son apparition mémorable en baigneuse nue dans la Fille à la culotte d’or (V. Aranda, 1979), elle n’a cessé d’incarner à l’écran les brunes brûlantes et désirables (la Hora Bruja, J. de Arminan, 1985 ; Attache-moi, P. Almodovar, 1990). Mais, outre sa sensualité naturelle, qu’elle sait bien mettre en valeur, elle possède l’étoffe d’une comédienne sensible, particulièrement douée pour les rôles dramatiques (Mater amatisima, Josep A. Salgot, 1980). Grande vedette en Espagne (Padre nuestro, Francisco Regueiro, 1985 ; La noche mas hermosa, M. Gutiérrez Aragon, 1985 ; Amantes, V. Aranda, 1991 ; Talons aiguilles, Pedro Almodovar, 1991 ; Kika, P. Almodovar, 1993), elle tourne aussi régulièrement en France (la Lune dans le caniveau, J-J Beineix, 1983 ; Une époque formidable, G. Jugnot, 1991 ; Casque bleu, G. Jugnot, 1994 ; Gazon maudit, Josiane Balasko, 1995). Abbas Fahdel, critique de cinéma, 1995.


Elevée par une mère infirmière, Victoria Merida grandit à Malaga puis à Madrid. Sa vocation première est la danse classique, qu'elle pratique avec ardeur jusqu'à l'adolescence. Encouragée par son professeur, elle accepte néanmoins son premier rôle au cinéma dans Obsession (1975). Celle qui s'appelle désormais Abril incarne, à 16 ans, la reine Isabelle aux côtés de Sean Connery et Audrey Hepburn  dans La Rose et la flèche, puis tient le rôle périlleux d'un homme qui devient femme dans Cambio de sexo (1977), première étape d'une longue collaboration avec Vicente Aranda, cinéaste qui permettra à l'actrice d'obtenir un Prix d'interprétation à Venise en 1991 pour Amants


Venue, par amour, s'installer à Paris au début des années 80, Victoria Abril tourne dans La Lune dans le caniveau et L’Addition, décrochant pour ces deux compositions de femme passionnée une nomination au César du Second rôle en 1984 et 1985. Elle donne la réplique à David Carradine (On the line) et tourne avec Oshima (Max mon amour), mais c'est dans son pays natal qu'elle trouve les rôles les plus intéressants, en particulier grâce à Almodovar. Après un rendez-vous manqué (Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ?, qu'elle refusa) et une brève apparition dans La Loi du désir, elle est en 1990 l'héroïne d’Attache-moi !, une star du X séquestrée par Antonio Banderas. Pour le pape de la movida, elle incarne aussi la fille de Marisa Paredes (le mélo) Talons aiguilles (1992) puis la redoutable "Andréa la balafrée" (Kika).  


Proche de Balasko et Jugnot depuis qu'elle a joué dans Nuit d'ivresse (pièce écrite par la première et interprétée par le second), Victoria Abril ne tarde pas à devenir, grâce à ces deux acteurs-réalisateurs, aussi populaire de ce côté-ci des Pyrénées. Ces piliers du Splendid la dirigent dans leurs comédies à succès : Une époque formidable… (Jugnot, 1991) et Gazon maudit (Balasko, 1995), dans lequel elle campe une femme mariée qui se découvre des penchants homosexuels. 


Appréciée pour son mélange de fantaisie, d'énergie et de sex-appeal, qu'on retrouve dans 101 Reykjavik ou encore Cause toujours ! de Jeanne Labrune, Victoria Abril tourne en Espagne dans des œuvres sombres (Personne ne parlera de nous quand nous serons mortes, qui lui vaut un Goya en 1996, le thriller Entre les jambes ou Le 7ème jour de Saura). En France, dans les années 2000, elle multiplie les rôles comiques, le plus souvent écrits par des femmes, de Charlotte de Turckheim à Florence Quentin (Leur morale… et la nôtre, 2008). AlloCiné.


ISABELLE HUPPERT


    Après des études au Conservatoire de Versailles puis de Paris, elle travaille au théâtre avec Antoine Vitez et Robert Hossein. Au cinéma, après des petits rôles parfois remarqués, elle obtient le prix Suzanne-Bianchetti (révélation de l’année) pour sa prestation dans Le Juge et l’assassin (Tavernier, 1976). Elle conquiert la notoriété avec La Dentellière (Goretta, 1977) et Violette Nozière (Chabrol, 1978), qui lui vaut le prix d’interprétation à Cannes : elle a désormais fait la preuve d’un talent à multiples facettes qui lui permet d’incarner, avec autant de grâce que de force, les personnages les plus divers. Elle s’impose à nouveau dans la Porte du Paradis (Cimino, 1980), Loulou (Pialat, 1980), Sauve qui peut (la vie) (Godard, 1980), Coup de torchon (Tavernier, 1981), Passion (Godard, 1982), la Truite (Losey, 1982), Coup de foudre (Diane Kurys, 1983), l’Histoire de Piera (Ferreri, 1983) et la Garce (Christine Pascal, 1984), montrant dans toutes ces créations de l’intelligence et de la ferveur. En 1986, elle tourne en Australie Cactus, de Paul Cox, et, aux États-Unis, The Bedroom Window, de Curtis Hanson.


De retour en France, on la retrouve dans Milan noir (Ronald Chaman, 1988), mais surtout dans les Possédés (Wajda, 1988) où elle interprète le rôle de Marie Chatov, Une affaire de femmes (Chabrol, 1988) où plus anti-star que jamais, elle incarne une jeune mère, à la fois naïve et révoltée, condamnée en tant que femme par une époque rigoriste et réactionnaire, celle du Maréchal Pétain, la Vengeance d’une femme (Doillon, 1989) où elle affronte avec brio sa partenaire Béatrice Dalle et la grande fresque d’Aleksandar Petrovic Migrations (1989). En 1991, elle est la Madame Bovary de Claude Chabrol et la Malina de Werner Schroeter. Elle interprète ensuite Après l’amour (Kurys, 1992), la Séparation (Christian Vincent, 1994), l’Inondation (Igor Minaiev, 1994), Amateur (Hartley, 1994), la Cérémonie (Chabrol, 1995). Marcel Martin, Dictionnaire du cinéma, Larousse.


Les années 2000 confirment l'ensemble de ces tendances. En 2001, Isabelle Huppert connaît un grand succès au théâtre avec Médée et trouve l'un de ses plus grands rôles au cinéma avec La Pianiste, qui ouvre le début de sa fructueuse collaboration avec Michael Haneke. Pour ce film dans lequel elle incarne une professeur de musique frustrée, enfermée dans une relation quasi incestueuse avec sa mère et bloquée sur l'attente d'une relation sado-masochiste, elle remporte pour la seconde fois de sa carrière le prix d’interprétation féminine au Festival de Cannes, en 2001.  Son compagnon, le metteur en scène Ronald Chammah, a fondé la société Les Films du Camélia. Cette société lui a permis de financer certains films dont elle tient le haut de l'affiche comme La Vie moderne de Laurence Ferreira-Barbosa, Comédie de l’innocence de Raoul Ruiz ou encore Ma mère de Christophe Honoré et même d'acheter les droits d'exploitation de Wanda de Barbara Loden, actrice et cinéaste qui fut l'une des épouses d’Elia Kazan, disparue prématurément d'un cancer en 1980. Grâce à son acharnement, cet unique film d'une artiste d'exception put ressortir en salles en 2003. L'année suivante, Isabelle Huppert fait partie de la distribution prestigieuse de Huit femmes de François Ozon. Ce retour à la comédie ne doit pas faire oublier qu'elle n'a pas tourné que des films dits « dramatiques » mais aussi occasionnellement des comédies. Dans ses incursions comiques, elle prend plaisir à jouer des femmes antipathiques, frustrées et aigries au risque de n'être identifiée qu'à ce registre. Elle fait appel à un répertoire de mimiques, de postures ou d'intonations contradictoires : d'une manifestation outrancière et tonitruante (l'hystérique et hypocondriaque tante Augustine des Huit femmes où elle se livre à un numéro de transformation à la fois physique et scénique) à une forme expressive plus distanciée et intérieure à l'instar des Sœurs fâchées où elle campe une bourgeoise délaissée par son mari, malheureuse, frigide et envieuse du succès de sa sœur.

Le public l'identifie de plus en plus avec des personnages de bourgeoises citadines, pas forcément très sympathiques, qu'elle interprète beaucoup, elle cherche pourtant à casser cette image. Isabelle Huppert n'hésite pas à prendre des risques en tournant de plus en plus dans des premiers ou seconds films ; ou en participant à des productions à très petit budget. Fait intéressant, dans la seconde moitié de la décennie 2000, elle tourne coup sur coup une série de films très proches les uns des autres. Ils évoquent tous l'histoire d'une femme, mère, liée par un sentiment d'appartenance très fort à l'endroit où elle vit (une maison au bord d'une autoroute, une propriété en Afrique ou en Indochine) et l'influence que l'extérieur va avoir sur cette relation particulière.

Avec Christine Pascal et Isabelle Adjani, Isabelle Huppert formait un trio complice. Elles ont été colocataires, un temps, dans leur jeunesse. Plus tard, Isabelle Huppert tiendra d'ailleurs le rôle-titre de La Garce, réalisé par Christine Pascal, après avoir donné la réplique, quelques années plus tôt, à Isabelle Adjani dans Les Sœurs Brontë d’André Téchiné. Adjani explique  avoir mal vécu le fait d'être mise à l'écart de certains projets, au début des années 1980, en raison du producteur Daniel Toscan du Plantier, directeur de la Gaumont, qui aurait tenté d'imposer Isabelle Huppert, sa compagne d'alors, comme nouvelle grande vedette du cinéma français. André Téchiné a reconnu que la relation très tendue entre les deux comédiennes a compliqué son travail sur le tournage des Sœurs Brontë. Interrogée sur cette comparaison en 2009, Adjani a affirmé se placer, en tant que comédienne, dans une attitude d'empathie pour ses personnages, plus que ne le fait Huppert, en retrait et à distance. Néanmoins, cette dernière a répondu que le regard d'un film ne dépendait que du metteur en scène et qu'il lui semblait dangereux qu'un acteur idéalisât son rôle. 

C'est l'une des actrices les plus prolifiques de l’Hexagone (deux ou trois films par an en moyenne) et l'une des rares interprètes françaises dont la filmographie est véritablement internationale : sa carrière exigeante et reconnue l'amène en effet à tourner aux États-Unis (sous la direction de David O. Russel ou encore Otto Preminger), en Italie (avec les frères Taviani, Marco Bellocchio), en Russie, en Europe centrale (avec l'Autrichien Michael Haneke, la Suissesse Ursula Meier, la Hongroise Marta Meszaros), et même sur le continent asiatique (avec le Coréen Hong Sang-soo, le Philippin Brillante Mendoza ou le Franco-Cambodgien Rithy Panh). 

Cette filmographie, qu'elle s'attache à développer patiemment, au gré des opportunités et des envies, lui vaut un grand respect. Déjà Jérôme Garcin écrivait en 1995 : « D'une juvénile curiosité, moins occupée à travailler sa légende que ses personnages successifs, ignorée par les paparazzi, oubliée des Césars, Isabelle la rousse se contente d'être comédienne. La meilleure au monde. La plus audacieuse. La plus obstinée. La moins prévisible. Une croisée moderne de Leopoldo Fregoli, prince italien de la métamorphose, et de la chétive Mlle Rachel, dont Alfred de Musset disait : « Sa voix est pénétrante. Elle ne déclame point, elle parle ».

En 2009, elle est présidente du jury de la 62e édition du Festival de Cannes. Son jury a attribué la Palme d’or au Ruban blanc de Michael Haneke, l'un de ses réalisateurs favoris. Au Festival de Cannes, Isabelle Huppert a présenté 20 films en sélection officielle (record absolu). Depuis 2010, Isabelle Huppert tourne de plus en plus de films, souvent remarqués, aussi bien comme premier rôle que comme rôle secondaire, parfois même comme simple participation. En 2012, Nicole Kidman a dit qu'elle « aimait sa manière de se mettre constamment en danger » et qu'elle représentait, pour elle, un modèle à suivre pour ses choix futurs. Elle réitère ses propos admiratifs cinq ans plus tard, déclarant qu'Huppert avait « joué le rôle le plus époustouflant qu'elle connaisse » dans Elle et parlant d'elle comme de « quelqu'un d'extraordinaire qui a donné sa vie à son métier » et qui a « montré le chemin » aux autres comédiennes. À l'instar de Kidman, Jessica Chastain déclare qu'elle est, de très loin, son actrice préférée et qu'elle est même pour elle une « idole absolue ». De son côté, Julianne Moore parle d'elle comme d'une « actrice fabuleuse », qu'elle « admire profondément ».

En 2016, son interprétation de femme violée qui se lance à la poursuite de son agresseur dans Elle de Paul Verhoeven obtient des critiques massivement laudatives en Europe et aux États-Unis. Pressenti pour une récompense au Festival de Cannes 2017, le producteur Saïd Ben Saïd l'entoure de deux conseillers en image en vue des Oscars. Elle débute une longue tournée promotionnelle aux Etats-Unis et reçoit, pour sa prestation, de nombreux prix décernés par les associations de la critique cinématographique américaine, puis un Golden Globe, un second César, un Independant Spirit Award et une première nomination à l’Oscar de la meilleure actrice. Ce film, tout comme La Pianiste, peut être vu comme la quintessence du jeu d'actrice d'Isabelle Huppert : une interprétation qui joue beaucoup sur le retrait, la réduction des expressions à d'infimes détails, les sous-entendus, un contour psychologique trouble ou indéfinissable, la subtilité d'un regard et d'un geste esquissé capables de rendre en un même mouvement des émotions contraires ou encore une certaine distance entre le personnage et les événements auxquels il est confronté.

Elle a atteint une stature particulière dans le cinéma français contemporain. Jean-Michel Frodon, dans les Cahiers du cinéma, dit d'elle : « Isabelle Huppert est une excellente actrice, elle a joué remarquablement dans plus de grands films qu’aucune autre actrice européenne ». En octobre 2021 elle est présidente du jury de la compétition officielle du 34e Festival international du film de Tokyo. En février 2022, elle reçoit un Ours d’honneur pour l'ensemble de sa carrière, à la Berlinale 2022, dans la section Berlinale Special Gala.Wikipédia.

ARLETTY  1898 - 1992


    D’origine auvergnate et populaire (père mineur en Auvergne, puis ajusteur dans la région parisienne), elle exerce divers métiers (secrétaire, mannequin, girl de revue) avant de débuter au théâtre en 1920 comme actrice comique, puis au cinéma en 1930, et de mener parallèlement ces deux activités jusque dans les années 60. Ses premiers films sont des comédies légères ou des adaptations de comédies de boulevard. Elle tournera ainsi une soixantaine de films dont beaucoup sont, à juste titre, depuis longtemps oubliés, mais aussi trois films de Sacha Guitry : Faisons un rêve (1937), Les Perles de la couronne (1937) et Désiré (1937). Dans ces films, elle se signale par son dynamisme et sa verve, créant des caractères populaires plein de truculence, mais exempt de vulgarité, qui lui vaudront, sous la plume d’un critique, le qualificatif ambigu d’ « impératrice des faubourgs », hommage sincère à l’espèce de noblesse altière et à la liberté souveraine qu’elle confère à tous ses personnages.


Pension Momosas (Jacques Feyder, 1935) est le premier film important dans lequel elle apparaît, mais c’est avec Hôtel du Nord (Marcel carné, 1938) qu’elle s’impose définitivement dans le personnage inoubliable de la péripatéticienne amie de Louis Jouvet : prenant « atmosphère » pour une injure, elle lance, grâce à Henri Jeanson, une réplique qui vaut tout autant par son accent marigot que par le talent du dialoguiste, et qui est certainement la plus fameuse et la plus souvent citée de l’histoire du cinéma. Dans Le Jour se lève (Marcel Carné, 1939), elle est la collaboratrice écœurée et révoltée du sadique dresseur de chiens Jules Berry et l’héroïne d’une brève liaison avec l’ouvrier Jean Gabin. Avec ces deux œuvres majeures, elle a définitivement campé son personnage spécifique, celui d’une femme libre et forte, qui ne croit ni à Dieu ni à Diable, et encore moins aux hommes, mais qui se trouve entrainée dans leurs histoires et leurs drames par son insatiable besoin d’amour, amour pur ou vénal. Pourtant, elle garde au cœur un coté fleur bleue qui la fait se donner à qui lui plaît sans réticence ni fausse honte ; c’est ainsi qu’elle raille « ceux qui parlent tellement de l’amour qu’ils n’ont pas le temps de le faire ». Et sa silhouette fait désormais partie du décor, avec ses étroites jupes fendues sur la cuisse et ses impossibles bibis ou son célèbre boa d’Hôtel du Nord. Parmi ses derniers films de l’avant-guerre figurent aussi deux œuvres mineures mais qui ne sont pas moins savoureuses par leur drôlerie débridée (avec, en prime, la truculente présence de Michel Simon) : Fric-Frac (Maurice Lehman, 1939), d’après la pièce d’Édouard Bourdet, dans laquelle elle venait de faire un triomphe au théatre, et Circonstances atténuantes (Jean Boyer, 1939), deux films où elle peut épanouir sans contrainte sa ravageuse désinvolture et sa verve gouailleuse, tout comme dans Madame Sans-Gêne (Roger Richebé, 1941).


La grande comédienne qui sommeille en elle va se réveiller dans ses deux personnages les plus accomplis, imaginés par Jacques Prévert et animés par Marcel Carné, Dominique des Visiteurs du soir (1942) et Garance des Enfants du Paradis (1945) : si jamais l’expression beauté du diable a pu s’appliquer à une actrice, c’est bien à elle dans son personnage de complice du démoniaque Jules Berry, figure séduisante et ambiguë qui sème le trouble dans le cœur des hommes et déclenche un drame tout en cherchant à prévenir les irrésistibles effets de son pouvoir maléfique. Quant à Garance, elle incarne la vérité toute nue, sans manières mais sans impudeur, tandis que son cœur bat en secret pour le mime Baptiste, qui ne sait pas saisir sa chance ; et le plan final de ce film est certainement la plus belle image d’elle que le cinéma ait jamais donnée. Ces deux personnages reflètent symboliquement les deux aspects complémentaires de sa personnalité de comédienne, et peut-être de femme : la séduction de la beauté physique et la limpidité é de l’âme.


À la Libération, ses imprudentes fréquentations allemandes pendant l’Occupation lui valent de sérieux ennuis : deux ans d’une sorte de résidence surveillée en province. Mais, dès 1947, elle fait partie de la distribution d’un film de Carné qui restera malheureusement inachevé, La Fleur de l’âge. Ce réalisateur lui reste encore fidèle en l’engageant pour l’Air de Paris (1954), qui sera le dernier film important d’une carrière dont la période d’après-guerre s’avère décevante par la banalité de la plupart des films où elle figure, parmi lesquels : Portrait d’un assassin (Bernard Roland, 1949), Le Père de Mademoiselle (Marcel Lherbier, 1953), Le Grand Jeu (R. Siodmak, 1954), Huit clos (J. Audry, 1954), Le Jour le plus long (1962), Le Voyage à Biarritz (G. Grangier, 1962), Tempo di Roma (Denis de La Patellière, 1963). EN 1962, elle a un accident oculaire qui la conduit à une quasi-cécité et met pratiquement fin à sa carrière. Marcel Martin. Dictionnaire du cinéma, Larousse.


MONICA VITTI  1931 - 2022


    Après avoir été diplômée du Conservatoire d'art dramatique de Rome en 1953, Monica Vitti débute sa carrière dans les théâtres et à la télévision. Après quelques années à tourner dans des petites productions, elle décroche son premier rôle au cinéma dans Le Dritte de Mario Amendola en 1959. 

L'année suivante, elle fait la rencontre de Michelangelo Antonioni qui lancera véritablement la comédienne en la faisant jouer dans la plupart de ses chefs d'oeuvres. Ainsi, dès 1960, sa beauté et son talent éclatent au grand jour dans des films comme L'AvventuraLa Nuit en 1961, L'Eclipse avec Alain Delon en 1962, ou encore Le Désert rouge en 1964. 

En 4 films, le réalisateur italien fait de la jeune comédienne son égérie. Ce qui lui ouvre également les portes d'autres plateaux, dirigés par les cinéastes Pier Paolo Pasolini pour Accatone et Ettore Scola pour Drame de la jalousie

Dans les années 70, sa carrière culmine, et les demandes de réalisateurs étrangers ne tardent pas à arriver : Joseph LoseyLuis Buñuel et André Cayatte la courtisent. Dès 1980, alors qu'elle termine Le Mystere d'Oberwald, son dernier film avec son mentor Michelangelo Antonioni, l'actrice se fait plus discrète. Elle reviendra au cinéma en 1990 mais en tant que réalisatrice avec Scandalo SegretoMonica Vitti reçoit en 1995 un Lion d'Or à Venise pour l'ensemble de son travail. Elle décède le 2 février 2022, à l'âge de 90 ans. (AlloCiné)

        Élève à l’Académie d’art dramatique, elle débute au théâtre par des tournées et dans des revues à petit spectacle. En 1955, elle apparaît dans Ridere, ridere, ridere (A. Bonucci) et Le dritte (M. Amendola, 1958). Puis c’est la rencontre avec Michelangelo Antonioni, qui en fait une vedette dans sa tétralogie : L’Avventura (1960), La Nuit (1961), où elle n’a pourtant que le second rôle, l’Éclipse (1962) et Le Désert rouge (1964). Cette célébrité, pleinement justifiée, est due au cinéaste qui a totalement transformé une actrice de comédie, voire de comédie légère, en interprète de ses interrogations sur la femme moderne (son sentiment de l’absurde, de l’incommunicabilité) ; Monica Vitti devient ainsi, surtout dans Le Désert rouge, un symbole de l’ennui et de l’angoisse, et vouée à un jeu statique. L’actrice ne tarde pas à reprendre le dessus, consacrant son professionnalisme, après sa subtile auto parodie dans un épisode du film Haute Infidélité (L. Salce, 1964, La Femme qui soupire), à l’exploitation de sa veine comique, qui s’étend du grotesque au satirique en passant par l’acidité brillante. Ces dernière années ont montré les limites de son talent dans des interprétations trop schématisées, mais elle a été l’excellente partenaire d’Alberto Sordi dans Poussière d’étoile (1973) et a fait preuve tour à tour d’émotions et de fantaisie dans Moi la femme (Dino Risi, 1971), où elle joue une dizaine de rôles successifs. Consacrant de plus en plus de temps au théâtre (Drôle de couple de Neil Simon en 1986 ; Prima pagina « The Front page » de Ben Hecht et MacArthur en 1988) et à la télévision, elle réalise cependant en 1990 son premier film Scandale Secret (Scandalo secreto) dont elle est également la principale protagoniste. Gérard Legrand, 1995.


BERNADETTE LAFONT  1938 - 2013 

    A la sortie du lycée, Bernadette Lafont décide de faire carrière dans la danse et entre à l'opéra de Nîmes. Elle rencontre l'acteur Gérard Blain qui l'épouse aussitôt et l'emmène à Paris. Là, elle fait la connaissance de François Truffaut qui lui offre le rôle féminin de son premier court-métrage, les Mistons (1957). 

L'insolente égérie des premiers pas de la Nouvelle Vague est devenue, avec les années, l'un des plus solides seconds rôles du cinéma français, sans rien perdre de sa verve et de sa liberté. En 1957, Bernadette Lafont est l'héroïne du Beau Serge de Claude Chabrol : elle campe une sorte de vamp villageoise, incarnant la séduction du retour à la terre. Déjà, son physique plantureux et son charme assurent sa renommée. Dans L'Eau à la bouche (1959) de Jacques Doniol-Valcroze, elle se montre naturelle en soubrette vive et spirituelle, dont la montée des escaliers ne laisse pas indifférent. 

Pendant les années 1960, elle oscille entre films commerciaux et réalisations de jeunes cinéastes, tournant notamment à nouveau pour Chabrol (Les Bonnes Femmes, 1960 ; Les Godelureaux, 1961). Elle se retire un temps à la campagne où elle met au monde ses trois enfants. Son retour à l'écran est signé de la réalisatrice Nelly Kaplan qui lui permet de renouer avec le succès grâce à La Fiancée du pirate (1969). Sauvageonne, Bernadette Lafont y brise les tabous en diffusant par magnétophone à l'église des confessions recueillies sur l'oreiller. Ce culot et ce goût de la liberté la font participer à l'aventure des Idoles (1968), la satire des milieux du spectacle signée Marc'O, où elle joue avec malice Sœur Hilarité. 

Symbole de la Nouvelle Vague, la bande des Cahiers du cinéma lui offre ses plus belles compositions. Jean Eustache lui donne ainsi le rôle de Marie dans La Maman et la Putain (1973) ; Truffaut la transforme dans Une belle fille comme moi (1972) en chanteuse de cabaret, manipulatrice et meurtrière ; Jacques Rivette la transforme en chef d'une bande de pirates dans Noroît (1976)... Tous exploitent à merveille son insolence sexuelle, son élégance plébéienne et son franc-parler, caractéristiques qu'elle déploie aussi avec générosité dans d'innombrables comédies populaires. 

L'actrice endosse avec talent des rôles très variés, passant par exemple de la femme d'avocat posée et discrète de Cap Canaille (1982) de Juliet Berto à la bonne fille maternelle qui coud les robes de Charlotte Gainsbourg en lui donnant des conseils dans L'Effrontée (1985) de Claude Miller. Ce rôle, qui lui vaut le César du meilleur second rôle, acte son nouveau statut dans le cinéma français, confirmé par Claude Chabrol qui la décolore pour la première fois dans Inspecteur Lavardin (1986), où elle incarne une femme nostalgique au regard perdu. 

Chabrol l'engage à nouveau pour Masques (1987), où elle est réjouissante en masseuse de l'odieux animateur télé incarné par Philippe Noiret. Entrée avec Le Pactole (1985) dans l'univers décapant de Jean-Pierre Mocky, elle retrouve le cinéaste pour Les Saisons du plaisir (1988), Une nuit à l'Assemblée Nationale (1988) et Ville à vendre (1992). 

Elle obtient le César d'honneur en 2003 au Césars du Cinéma Français. Toujours boulimique de travail, elle multiplie les apparitions le temps de quelques scènes, dans le tout-venant de la production française (Prisonnières, de Charlotte Silvera, 1989 ; Ripoux 3 de Claude Zidi, 2003 ; Les Aiguilles rouges de Jean-François Davy, 2006 ; la comédie à succès La Première Etoile de Lucien Jean-Baptiste, 2008...) comme chez quelques auteurs plus ambitieux. Raoul Ruiz (Généalogies d'un crime, 1997), Anne-Marie Miéville (Nous sommes tous encore ici, 1997), Pascal Bonitzer (Rien sur Robert, 1999), Luc Moullet (Le Prestige de la mort, 2006), Julie Delpy (Le Skylab, 2011) l'engagent. 

C'est aussi le cas de jeunes réalisateurs qui utilisent son inusable énergie, sa curiosité et son audace pour en faire l'héroïne de leurs singulières premières œuvres. Marion Vernoux (Personne ne m'aime, 1994), Patricia Plattner (Les Petites Couleurs, 2002 ; Bazar, 2010), Olivier Peyon (Les Petites Vacances, 2007) lui offrent de savoureux personnages, tout comme Jérôme Enrico (Paulette, 2012) qui en fait une vieille dame se livrant au trafic de drogue pour survivre. 

Si elle apparaît dès les années 60 à la télévision, ce n'est que deux décennies plus tard qu'elle devient une habituée du petit écran dans de nombreux téléfilms, retrouvant en particulier Nelly Kaplan pour Pattes de velours en 1987, ou collaborant au remake de Monsieur Ripois par Luc Béraud en 1993. Elle participe aussi à diverses séries (Maigret, Alice Nevers, le juge est une femme, Les Enquêtes d'Eloïse Rome, etc.). 

Si sa carrière théâtrale est tardive, elle débute par un coup d'éclat avec la création de La Tour de la défense de Copi, pièce provocatrice qui provoque un scandale en 1981. La comédienne y prend un si grand plaisir qu'elle se déclare prête à ne plus faire que de la scène. Elle remonte désormais régulièrement sur les planches, jouant Sacha Guitry (Désiré, 1984), Alan Ayckbourn (1 table pour 6, 1996), Alphonse Daudet (L'Arlésienne, 1997, face à Jean Marais), Eve Ensler (Les Monologues du vagin, 2002), Laurent Ruquier (Si c'était à refaire, 2006), Marcel Pagnol (La Femme du boulanger, 2010), lisant même Marcel Proust (A la recherche du temps perdu, 2009) ou jouant dans une opérette de Reynaldo Hahn mise en scène par Michel Fau, Ciboulette (2013). La Cinémathèque Française 

        Bernadette Lafont était la fiancée de la Nouvelle Vague, l’une des égéries principales, avec Anna Karina et Stéphane Audran, de ce vent de liberté et de jeunesse qui souffla sur le cinéma français à partir de la fin des années 50. 

Le début de la carrière de cette jolie nîmoise est intimement lié aux jeunes Turcs issus des « Cahiers du Cinéma » qu’elle fréquente lors de son arrivée à Paris et qui la font tourner dans leurs premiers courts et longs métrages. 

C’est en effet François Truffaut qui lui offre sa première apparition à l’écran dans son célèbre court métrage Les Mistons, tourné à Nîmes en 1957. Elle y joue la sensuelle jeune femme à bicyclette observée par les garnements du titre, aux côtés de Gérard Blain, nouveau visage du cinéma français (Voici le temps des assassins de Julien Duvivier avec Jean Gabin, sorti un an plus tôt) qu’elle vient d’épouser. 

Le mariage ne durera que deux ans mais le couple aura le temps de partager l’affiche d’un autre film important, Le Beau Serge (1958), premier long métrage de Claude Chabrol. Bernadette Lafont retrouve Chabrol pour Les Bonnes Femmes en 1960. C’est l’un des chefs-d’œuvre de son auteur, mais le film reçoit un accueil désastreux au moment de sa sortie (il sera jugé misogyne et même fasciste.) Bernadette Lafont, entourée de Stéphane Audran et Clotilde Joano y peaufine avec le rôle de la vendeuse Jane un personnage qui va longtemps lui coller à la peau : celui d’une jeune femme sexy, indolente et insolente. Cette brunette rigolote aux mensurations de pin-up et qui idolâtre Brigitte Bardot va paradoxalement devenir l’anti star par excellence. Comme Jean-Pierre Léaud son équivalent masculin qu’elle croisera à plusieurs reprises derrière la caméra Bernadette Lafont marque l’irruption d’un corps, d’une attitude et d’un phrasé résolument modernes dans le cinéma des années 60. La jeune femme revendique ce mélange précieux et explosif de bagout hérité des actrices françaises populaires des années 30, de rébellion anticonformiste et antibourgeoise, et n’a pas peur des incursions dans le cinéma intellectuel, poétique ou d’avant-garde qui fleurit à l’époque. 

Les cinéastes de la Nouvelle Vague resteront fidèles à Bernadette Lafont – et réciproquement – puisqu’elle continuera d’apparaître dans leurs films bien après la fin du mouvement. François Truffaut lui offre le rôle titre d’Une belle fille comme moi en 1972, elle participe un an plus tôt à l’aventure expérimentale de Out 1 (adaptation moderne de « L’Histoire des Treize » de Balzac par Jacques Rivette en un film partiellement improvisé de douze heures trente), retrouve Chabrol avec Violette Nozière, Inspecteur Lavardin, Masques

Bernadette Lafont, actrice intelligente et très cinéphile, aura été l’interprète de nombreux compagnons de route ou héritiers de la Nouvelle Vague, et surtout de ses deux plus talentueux fils spirituels : Philippe Garrel et son sublime Le Révélateur (1968), film poème muet de la période Zanzibar du réalisateur ; La Maman et la Putain (1973) de Jean Eustache, chef-d’œuvre définitif de la génération post-68. Familière des cimes du cinéma d’auteur français, versant grand public (L’Effrontée de Claude Miller) ou versant underground (par exemple Paul de Diourka Medveczky second mari de l’actrice), Bernadette Lafont dont le bagout comique et la fantaisie étaient intarissables ne rechignait pas non plus à fréquenter les productions populaires (où elle était très demandée jusqu’à sa disparition.) Elle obtiendra son plus grand succès personnel avec La Fiancée du pirate (1969) de Nelly Kaplan, comédie sociale aux accents anarchistes et féministes qui coïncident avec ses propres idées et sa personnalité. À la fin des années 70 et dans les années 80 sa filmographie « s’enrichit » de comédies farfelues à la mode du moment, assez oubliables mais aux titres qui fleurent bon le nanar : Le Trouble-fesses, Chaussette surprise, La Frisée aux lardons, Nous maigrirons ensemble, Arrête de ramer t’attaque la falaise, On n’est pas sorti de l’auberge... Ces monuments d’humour navrant n’entameront en rien sa crédibilité et sa cote d’amour auprès des spectateurs. 

Dans le registre de l’humour et de la farce c’est Jean-Pierre Mocky qui emploiera Bernadette Lafont avec le plus de talent, dans une série de comédies grinçantes, prétextes comme toujours chez Mocky à de réjouissants numéros d’acteurs : Le Pactole, Les Saisons du plaisir, Une nuit à l’assemblée nationale, Ville à vendre. Olivier Père, 2013.

        L'actrice révélée au moment de la Nouvelle Vague et présente dans bien des comédies françaises récentes, s'est éteinte aujourd'hui à l'âge de 74 ans des suites d'un malaise cardiaque. 

Elle aura été une présence unique du cinéma français depuis 1958, l'année où François Truffaut la révèle dans son court-métrage Les Mistons. Il lui donnera bien plus tard le premier rôle dans un long-métrage Une belle fille comme moi (1972) : celui d'une détenue accusée des meurtres de son mari et de son amant et qu'un professeur en sociologie (André Dussollier) vient interviewer en prison. 

Bernardette Lafont aura été dirigée par bien des réalisateurs de renom : Claude Chabrol (Le beau Serge, son premier rôle dans un long-métrage, Les bonnes femmes, Inspecteur Lavardin), Costa-Gavras (Compartiment tueurs), Georges Lautner (Les bons Vivants), Louis Malle (Le Voleur), Philippe Garrel (Le Révélateur), Raoul Ruiz (Généalogies d'un Crime) ou encore Claude Miller dans L'Effrontée, pour lequel elle remporte le César du meilleur second rôle en 1986. En 1969 elle tenait également le premier rôle dans La Fiancée du pirate de Nelly Kaplan présenté au festival de Venise. Sa filmographie comprend près de deux cents films, dont deux, Les Vacances du Petit Nicolas de Laurent Tirard et Attila Marcel de Sylvian Chomet, restent à sortir en salles. 

Parfois irrésistiblement drôle comme dans Prête-moi ta Main, souvent gouailleuse jusque dans le récent Paulette (elle part sur un joli succès de plus d'un million d'entrées), elle aura également su se faire mélancolique et touchante, comme dans ce qui restera certainement son film le plus important aux yeux de bien des cinéphiles, La Maman et la Putain de Jean Eustache. Gustave Shaïmi, 2013.

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