PERSONNALITÉS
ENNIO MORRICONE 1928 - 2020
Musicien
Élève de Goffredo Petrassi, il obtient le diplôme du conservatoire de Santa Cecilia de Rome, collabore à des émissions radiophoniques puis compose des chansons et des symphonies. La musique ironique de Mission ultra-secrète (L. Salce, 1961), puis plusieurs partitions pour des comédies de mœurs marquent ses débuts au cinéma. En collaboration avec le chanteur Gino Paoli, il compose la musique suggestive de Prima della revoluzione (B. Bertolucci, 1964). Sous le pseudonyme de « Don Savio », il signe les musiques mélancoliques du premier western de Sergio Leone, (Pour une poignée de dollars, 1964) : triomphe international qu’il exploitera dans une très longue série de westerns majeurs (tous ceux de Leone, et notamment le Bon, la Brute et le Truand, 1966 ; et Il était une fois dans l’Ouest, 1968) et mineurs. Il y utilise soit des instruments solistes, soit des rumeurs amplifiées, et crée des rythmes martelants et de grande efficacité - souvent mal imités par d’autres ou simplement répétés par lui-même. Son succès fait de lui un des musiciens les plus recherchés en Italie et à l’étranger : il aborde tous les genres et parvient à séduire des réalisateurs très différents : de Pier Paolo Pasolini (des Oiseaux petits et gros, 1966 ; Théorème, 1968 ; Salo, 1976), à Mario Bava (Diabolik, 1968), Alberto Lattuada (Fraulein Doktor, 1968), Gillo Pontecorvo (la Bataille d’Alger, 1966), Liliana Cavani (Galileo, 1969), Elio Petri (Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon, 1970). Sa veine féconde trouve, grâce à Hollywood, les moyens les plus aptes pour s’épanouir dans les compositions très remarquées pour l’Hérétique (J. Boorman, 1977) et pour les Moissons du ciel (T. Malick, 1978). Lorenzo Codelli, 1995.
Ennio Morricone s’est éteint le 6 juillet 2020 à Rome, sa ville natale. Il n’a pas attendu sa disparition pour entrer dans la légende. Sa dernière musique magistrale pour le cinéma restera celle des 8 Salopards (2015) de Quentin Tarantino. Pour la première fois de sa carrière, le DJ Tarantino renonce à son patchwork musical habituel. Il demande à Morricone de composer une musique originale pour son western de chambre, enseveli sous des montagnes de neige et des litres d’hémoglobine, après avoir pillé le répertoire du maestro dans Kill Bill et Inglorious Basterds. Ce dernier, malgré son aversion pour la violence, finit par accepter, et écrit une partition sépulcrale, en souvenir de deux autres chefs-d’œuvre enneigés, Le Grand Silence et The Thing. Les 8 Salopards permettra enfin à Morricone de remporter l’Oscar de la meilleure musique de film, après des décennies d’attente et d’espoirs déçus – il était largement favori pour décrocher la statuette l’année de Mission ou des Incorruptibles, et avait déjà reçu un Oscar d’honneur pour l’ensemble de son œuvre en 2007.
Ennio Morricone n’a pas seulement été le plus célèbre et adulé compositeur de musique de films de l’histoire du cinéma, devenu un monument national de son vivant. Son importance dans le paysage musical et cinématographique mondial (sa carrière américaine est loin d’être négligeable) ne s’est pas non plus limitée à son immense contribution, qualitative et quantitative, dans le domaine de la bande originale (plus de cinq cents titres entre 1961 et sa mort).
Morricone a sans doute été l’un des compositeurs les plus prolifiques du XXe siècle, et sa création s’étend dans les registres de la variété tout aussi bien que de la musique classique ou savante.
Morricone, fils de trompettiste, compose dès l’âge de six ans des airs de chasse inspirée par l’ouverture du « Freischutz » de Weber. Sa double vie artistique commence au conservatoire où il étudie le jour et joue le soir dans les cafés concerts. Au début des années 60, il accumule les activités clandestines et alimentaires dans le registre de la musique légère, et devient par la même occasion le père des arrangements modernes, révolutionnant la variété grâce à son érudition musicale. Il introduit par exemple le bruit d’une machine à écrire dans un morceau de pop italienne. « Se telefonando » chanté par Mina est un tube imparable où les éléments mélodiques sont pourtant réduits à quelques notes qui tournent sur elles-mêmes, une boucle dans laquelle les phrases s’enchaînent sans que les changements d’harmonie ne coïncident. C’est dans ce mariage de la musique savante et populaire que réside le succès de Morricone, qui va tout au long des années 60 et 70 appliquer cette recette aux musiques de cinéma, travaillant à la fois pour les plus grands auteurs et les pires tâcherons. Parallèlement à ses fameux thèmes de westerns, Morricone participe en 1965 aux recherches sonores du groupe « nuova consonanza », inspiré par John Cage. Le fruit de ses expérimentations dans le domaine de la musique concrète se retrouve dans ses bandes originales où il parvient à extirper aux instruments des sonorités inédites et utilise avec délectation bruits, cris et sifflements divers.
Ennio Morricone symbolise à lui seul la vitalité passionnante du cinéma italien des années 60-70, véritable passeur entre le divertissement et la poésie, le commerce et la politique, l’industrie et l’art. Morricone a accompagné les grands auteurs du nouveau cinéma italien, comme le démontrent ses collaborations régulières et fructueuses avec Pier Paolo Pasolini, Bernardo Bertolucci, Marco Bellocchio. Olivier Père, 2020.
RAY HARRYHAUSEN 1920 - 2013
Animateur, Technicien des effets spéciaux
Son nom au générique d’un film était la promesse de rêve, d’évasion et de fantaisie et il restera associé à quelques-unes des meilleures productions de cinéma d’aventures fantastiques et de science-fiction. Au-delà de sa participation essentielle à plusieurs classiques du genre dont il peut être considéré comme l’auteur à part entière davantage que leurs réalisateurs, Ray Harryhausen a inventé ou du moins perfectionné une technique, la « stop motion », méthode d’animation permettant de créer un mouvement à partir d’objets immobiles, soit l’animation image par image de marionnettes ou figurines de tailles et de matières diverses. Au cinéma cela débuta par les petits films d’Emile Cohl au début du siècle dernier puis par Ladislas Starévitch et son Roman de Renard dans les années 30.
Ce qui était au début une méthode artisanale pratiquée par des artistes solitaires à la patience et la méticulosité d’orfèvre sera adopté par les studios hollywoodiens. Elle se poursuivra en effet avec le même perfectionnisme mais davantage de moyens de l’autre côté de l’Atlantique avec un chef-d’œuvre aux images spectaculaires, violentes et poétiques qui va marquer les esprits et les sens de plusieurs générations de spectateurs et dont la vision provoque encore aujourd’hui un plaisir incomparable : King Kong (1933) de Merian C. Cooper et Ernest B. Schoedsack. Parmi les jeunes spectateurs qui découvrent ébahis King Kong au moment de sa sortie il y a Ray Harryhausen alors âgé de treize ans. Ce sera le début de sa vocation et de sa passion pour les effets spéciaux. Il ne cachera jamais sa dette envers le fabuleux travail de Willis O’Brien, responsable et créateur des marionnettes animées de King Kong, et dont il deviendra le premier technicien sur le tournage de Monsieur Joe (Mighty Joe Young, 1949) l’une des « suites » de King Kong. Dans les années 40 Ray Harryhausen travaille également avec un autre génie de l’animation, George Pal, qui l’engage sur sa série de courts métrages « Puppet Toons » après avoir vu ses travaux personnels, des dinosaures en pâte à modeler animés image par image (Harryhausen et son ami de jeunesse Ray Bradbury avaient une passion commune pour la préhistoire.) Harryhausen poursuit dans les films dont il assure lui-même les effets spéciaux les améliorations apportées par O’Brien au sujet de l’intégration de la « stop motion » dans des prises de vues réelles. Le Monstre des temps perdus (The Beast from 20.000 Fathoms, 1953) d’Eugène Lourié est considéré aujourd’hui comme un classique de la science-fiction, adapté d’une nouvelle de Ray Bradbury avec des trucages extraordinaires de Ray Harryhausen. Le film s’inscrit dans une certaine tendance de la science-fiction américaine où plane la menace atomique, puisque ce sont des tests nucléaires pratiqués dans l’océan Arctique qui réveillent un dinosaure carnivore qui va semer la terreur sur la côte Est.
En 1955, Harryhausen rencontre Charles H. Schneer. Leur collaboration durera plus de 25 ans, Schneer s’occupant de la production, Ray du scénario et des aspects techniques. Douze des quinze films que Ray Harryhausen va signer seront produits par Schneer avec quelquefois Harryhausen comme coproducteur. Les premiers films qu’ils font ensemble sont Le monstre vient de la mer (It Came from Beneath the Sea, 1955) de Robert Gordon, Les soucoupes volantes attaquent (Earth vs. The Flying Saucers, 1956) de Fred F. Sears et À des millions de kilomètres de la Terre (20 Milion Miles to Earth, 1957) de Nathan Juran.
Les deux hommes s’installent ensuite à Londres et c’est là que Harryhausen va vivre et travailler jusqu’à la vie de ses jours, bénéficiant des nombreuses facilités de production et des décors naturels offerts par les Iles britanniques. Débute alors un âge d’or pour le duo qui enchaîne dans un état de grâce plusieurs films d’aventures inspirés par les contes des 1001 nuits, la mythologie grecque ou les romans de Jules Verne, récits propices à l’invention d’un riche bestiaire fantastique peuplé de créatures animées avec amour par Ray Harryhausen. Le premier film de cette série est l’un des meilleurs du genre, petit classique à la réussite absolue qui bénéficie également d’une partition géniale de Bernard Herrmann : Le Septième Voyage de Sinbad (The 7th Voyage of Sinbad, 1956) de Nathan Juran, suivi de près par deux autres films extraordinaires, L’Ile Mystérieuse (Mysterious Island, 1961) de Cy Endfield et Jason et les Argonautes (Jason and the Argonauts, 1963) de Don Chaffey. Harryhausen fait un détour remarqué par la firme Hammer avec Un million d’années avant J.C. (One Milion Year B.C., 1966) de Don Chaffey, remake en couleur de Tumak fils de la jungle où ses dinosaures se font voler la vedette par Raquel Welch en bikini préhistorique. Le chant du cygne de Ray Harryhausen sera Le Choc des titans (Clash of the Titans, 1981) de Desmond Davis, ambitieuse production qui convoque les dieux, héros, titans et créatures maléfiques du mythe de Persée. Harryhausen y pousse à la perfection ses techniques de la « Dynamation. » Le film est un succès même si au début des années 80 les trucages de Ray Harryhausen possèdent déjà un charme désuet et artisanal, et peinent à rivaliser avec l’apparition des effets spéciaux par ordinateurs et l’animatronique (marionnettes robotisées et télécommandées) qui vont bientôt remplacer l’animation image par image avant d’être eux eux-mêmes rapidement balayés par l’avènement numérique des années 90.
Le Choc des titans sort le même jour que Les Aventuriers de l’Arche perdue aux Etats-Unis et Ray Harryhausen aura la sagesse de laisser sa place à la nouvelle génération des visionnaires du cinéma fantastique et de science-fiction. Considéré comme un maître par Lucas, Spielberg, John Landis, Joe Dante, Sam Raimi, Tim Burton, Guillermo Del Toro et tous les spécialistes des effets spéciaux qui travaillèrent avec eux, Ray Harryhausen sera souvent sollicité par ses enfants spirituels pour ses conseils et ses souvenirs. Il était devenu à la fin de sa vie une véritable légende, adulé par une foule d’admirateurs, célèbres ou anonymes, du monde entier, soit tous les amoureux du cinéma d’évasion. La plupart des films à effets spéciaux contemporains, de Jurassic Park à Mars Attacks ! en passant par Gremlins, L’Etrange Noël de Monsieur Jack ou Monstres & Cie sont traversés d’hommages et de clins d’oeil à l’univers poétique et merveilleux de Ray Harryhausen. Olivier Père, 2013
Le maître absolu de l'animation image par image, Ray Harryhausen, a fait défiler bien des monstres dans son atelier de trucages. Certes, ils n'ont pas la souplesse des images numériques d'aujourd'hui, ils bougent de façon saccadée, mais ils apportent aux films une part de poésie surannée.
C'est en 1933, dans une salle de cinéma de Los Angeles, que tout commence : le petit Ray s'émerveille devant King Kong, de Cooper et Schoedsack. Adulte, il rencontre le créateur de Kong, Willis O'Brien, devient son élève, et travaille avec lui sur Monsieur Joe (1949), le troisième film que Schoedsack consacra à son gorille fétiche.
Plus tard, le jeune homme se lie d'amitié avec un autre passionné de SF : Bradbury. Les deux Ray concluent un pacte : « Grandir mais ne pas vieillir, et toujours rester mordus de ptérodactyles et de tyrannosaures. » Mais quand Harryhausen montre ses premières statuettes de dinosaures à Willis O'Brien, celui-ci lui conseille d'étudier l'anatomie : les cuisses de ses stégosaures ressemblent à des saucisses !
Quelques cours plus tard, Harryhausen maîtrise la plastique des sauropodes et la dinomania est lancée : Le Monstre des temps perdus (1953), Un million d'années avant J.-C. (1966), La Vallée de Gwangi (1969) - improbable western avec des ptéranodons). Evidemment, Spielberg les a tous vus...
Un squelette apparaît pour la première fois dans Le Septième Voyage de Sinbad (1958), lors d'une séquence de duel magistrale avec un vrai acteur, sur une musique endiablée de Bernard Herrmann - le compositeur de Hitchcock. La scène marquera tant les esprits, que plusieurs squelettes reviendront à la charge dans Jason et les Argonautes (1963). C'est en voyant ce film que Tim Burton dira : « C'est un art artisanal qui dégage une énergie fantastique, comme une toile de maître ! Ray Harryhausen est mon héros. »
On ne les compte plus : Méduse, Pégase, le Minotaure, un Cyclope, des Titans… Après avoir animé des pieuvres géantes et des monstres atomiques, Harryhausen revient à son premier amour, la mythologie : « Je me suis plongé dans les légendes et la mythologie grecque pour trouver de nouvelles idées. Je préfère le passé. Le futur me déprime : au final, les personnages ne font que se faire exploser. Et j'en ai eu marre de détruire des villes ! » Télérama, 2013
HENRI ALEKAN 1909 - 2001
Chef opérateur français
Après des études aux Arts et Métiers et à l’Institut d’optique, il devient assistant opérateur ou cameraman (de 1928 à 1940) de divers directeurs de la photographie (Périnal, Toporkoff, Kelber, Shüfftan), puis chef opérateur (1941). Il acquiert une immédiate célébrité dès la Libération en signant la photographie de quelques-uns des plus grands films de l’époque : la Bataille du rail (R. Clément, 1946), la Belle et la Bête (R. Clément et J. Cocteau, id.), les Maudits (R. Clément, 1947), les Amants de Vérone (A. Cayatte, 1949). La précision et la sensibilité de ses images sont remarquables tout autant dans le style documentaire (la Bataille du rail) que dans le raffinement poétique (la Belle et la Bête), mais il ne s’est jamais livré à des recherches esthétisantes. La qualité de son travail éclate non seulement dans les films de Clément mais aussi dans ceux de Carné (la Marie du port, 1950 ; Juliette ou la clé des songes, 1951) et d’Yves Allégret (Une si jolie petite plage, 1949 ; la Meilleure Part, 1956). Il se révèle un maître de la couleur, comme il l’avait été du noir et blanc, dans Austerlitz (A. Gance, 1960), la Princesse de Clèves (J. Delannoy, 1961) et dans les grandes productions internationales comme Topkapi (J. Dassin, 1964), Lady L (P. Ustinov, 1965), Mayerling (T. Young, 1968) ou Soleil rouge (id., 1971), aussi bien que dans des œuvres plus originales comme Deux hommes en fuite de Losey (1970), la Truite (id., 1982), l’État des choses (W. Wenders, id., photo en noir et blanc), Wundkanal (Thomas Harlan, 1984), A Strange Love Affair (Eric Kuyper et Paul Vestraeten, 1985), Esther (A. Gitaï, id.), les Ailes du désir (Wenders, 1987), Berlin-Jérusalem (Gitaï, 1989). Il a photographié plus de cent films et réalisé lui-même un documentaire d’art, l’Enfer de Rodin (1958). Il a mis au point (avec Georges Gérard) le procédé Transflex, système analogue à la transparence mais utilisant la projection frontale sur un écran spécial en bille de verre. Marcel Martin, 1995.
ALEXANDRE TRAUNER 1906 - 1993
Chef décorateur du septième art
Après des études de peinture à l’École des beaux-arts de Budapest, il s’établit à Paris en 1929 et y est engagé par le grand décorateur de cinéma Lazare Meerson, dont il sera l’assistant jusqu’en 1936, notamment pour À nous la liberté (R. Clair, 1931) et pour la Kermesse héroïque (J. Feyder, 1935). Il devient chef décorateur en 1937 et signe pour Marcel carné le Londres de fantaisie de Drôle de drame (1937), les pavés luisants du Quai des brumes (1938), le canal Saint-Martin d’Hôtel du Nord (id.) ou la banlieue désolée du Jour se lève (1939). C’est dans la clandestinité qu’il doit dessiner durant l’Occupation trois films majeurs : les Visiteurs du soir (id., 1942), Lumière d’été (J. Grémillon, 1943) et, surtout, les Enfants du Paradis (Carné, 1945), avec sa prodigieuse reconstitution du Boulevard du crime. Le vrai dénominateur commun de ces films d’alors, c’est surtout son ami Jacques Prévert, qui lui donne encore l’occasion de dresser dans les studios parisiens, au milieu des restrictions de la Libération, un de ses plus beaux décors : la station de métro Barbès des Portes de la nuit (id., 1946). Avec la diminution constante du poste décoration dans le budget des films après la guerre et le démantèlement des studios français, Trauner, consacré comme un des meilleures décorateurs mondiaux du cinéma, collabore ensuite de plus en plus exclusivement avec des cinéastes américains, en particulier Billy Wilder, dont il a décoré huit films, notamment la Garçonnière (1960), qui lui vaut un Oscar, Irma la douce (1963) et la Vie privée de Sherlock Holmes (1970). Il est l’homme des grands décors monumentaux, toujours animé par le souci de n’en pas oublier la dimension humaine, l’expression idéale de ce « réalisme poétique » où se mêlent rigueur de la reconstitution et fantaisie toute personnelle de la réalité. Au début des années 80, cet alerte octogénaire travaille beaucoup en France avec Bertrand Tavernier (Coup de torchon, 1981 ; Autour de minuit, 1986), Claude Berri (Tchao Pantin, 1983) ou Luc Besson (Subway, 1985). Jean-Pierre Berthomé, 1995.
LAZARE MEERSON 1900 - 1938
Décorateur du septième art
Sans conteste le plus grand décorateur français de l’entre-deux-guerres. Son empreinte se retrouve dans les meilleures réussites de Lherbier, Feyder, Clair et bien d’autres, au point qu’on est tenté de le regarder comme le véritable « auteur » de Sous les toits de Paris (R. Clair, 1930) ou de la Kermesse héroïque (J. Feyder, 1935). Il faisait montre pourtant d’une rare modestie, comme en témoigne cette définition qu’il donnait de son art en 1927 : « C’est un art d’abnégation. Le décorateur doit s’effacer constamment devant les autres éléments de la réalisation. Jamais le cadre ne doit empiéter sur l’œuvre elle-même. Le décor s’harmonise avec le film. C’est de lui que se dégage l’atmosphère si précieuse au metteur en scène comme aux interprètes. » Partisan d’une fine stylisation qui se démarque des outrances de l’expressionnisme allemand, et ne s’appuie sur la solidité du matériau que pour mieux l’auréoler de poésie, Meerson composa ainsi quelques « décors d’ambiance » inoubliables : les salons Arts-Déco de Gribiche (J. Feyder, 1926), les bonbonnières du Chapeau de paille d’Italie (R. Clair, 1928), les vastes surfaces « dynamisées » de l’Argent (M. Lherbier, 1929), la campagne féérique de Ciboulette (C. Autant-Lara, 1933), les bistrots de Justin de Marseille (M. Tourneur, 1935), la ville flamande de la Kermesse héroïque avec le point final de la « citadelle » victorienne. Pour René Clair, il composa de superbes symphonies en blanc, à mi-chemin du réalisme et de l’abstraction (le Million, 1931 ; Quatorze juillet, 1933, etc.). Parmi ses élèves, on citera surtout Jean d’Eaubonne et Alexandre Trauner. Claude Beylie, 1995.
LAZARE MEERSON
Lazare Meerson, qui fut l’un des plus grands décorateurs du cinéma, vient de mourir à Londres. Lucien Aguettand, décorateur français qui fut son ami, a écrit pour nos lecteurs ce fervent adieu à Meerson. Pour Vous, 1938.
Meerson fut et restera longtemps le meilleur et le plus étonnant décorateur du cinéma contemporain. Collaborateur de René Clair, de Feyder, il leur apporta des possibilités nouvelles, il y avait chez lui un sens extraordinaire du métier cinématographique et si, il y a quelques années, on a déclaré qu’il existait un style Clair-Meerson, on pouvait aussi dire, après la Kermesse héroïque, qu’il existait un style Feyder-Meerson. Il apportait tant d’ardeur et d’idées à la réalisation d’un film qu’il était impossible de déterminer où commençait et où se terminait son travail. Je ne crois pas avoir un démenti de Jacques Feyder ou de René Clair en affirmant que Meerson demeurera, dans leur amical souvenir, le décorateur le plus précieux, le plus subtil et le plus compréhensif ; ce qu’il y avait d’admirable chez lui c’est qu’il savait s’adapter à l’œuvre et au réalisateur tout en restant lui-même.
Je crois qu’il est de notre devoir de réunir tout ce qui concerne l’œuvre de Meerson, et je demande à ses amis de m’aider dans ce travail. Je suis sûr qu’il s’en dégagera un enseignement utile à tous et ce sera le suprême hommage de ceux qui ont toujours considéré Meerson comme l’un des leurs, car n’a-t-il pas apporté au cinéma français un travail et un dévouement que nous, Français, nous n’avons pas toujours su ou pu donner. Lucien Aguettand.
GREGG TOLAND 1904 - 1948
Il devient assistant opérateur à seize ans et travaille avec Arthur Edeson et George Barnes, qui supervisent encore ses premiers films de 1929 à 1931. L’essentiel de sa brève carrière est lié aux productions Goldwyn (et donc au réalisateur maison William Wyler) et marqué par une inlassable passion pour l’expérimentation (couleur dès 1930, pellicules rapides, utilisation de la profondeur de champ, etc.) qui fera de lui l’interlocuteur idéal d’Orson Welles à ses débuts. Parmi ses principaux films, citons : The Rescue (H. Brenon, 1929), Whoopee (Thornton Freeland, 1930), le Roi de l’arène (L. McCarey, 1932), Nana (D. Arzner, 1934), We live Again (R. Mamoulian, id.), les Misérables (R. Boleslawski, 1935), les Mains d’Orlac (K. Freund, id.), l’Ennemie bien-aimée (Beloved Enemy, H. C. Potter, 1936), les Chemins de la gloire et le Vandale (H. Hawks, id.), Ils étaient trois (W. Wyler, id.), Rue sans issue (id., 1937), le Destin se joue la nuit (F. Borzage, id.), Kidnapped (A. L. Werker, 1939), la Rançon du bonheur (G. Ratoff, id.), les Hauts de Hurlevent (Wyler, id.), le Cavalier du désert (id., 1940), le Long voyage et les Raisins de la colère (J. Ford, id.), la Vipère (Wyler, 1941), Citizen Kane (O. Welles, id.), le Banni (H. Hugues, 1950, RÉ 1941), Boule de feu (Hawks, 1942), les Plus belles années de notre vie (Wyler, 1946), Si bémol et fa dièse (Hawks, 1948), Vous qui avez vingt ans (I. Reis, id.). Il a co-réalisé en 1943, avec John Ford, un court métrage documentaire pour la marine américaine : December 7th, qu’il a aussi photographié. Jean-Pierre Berthomé.
GEORGE BARNES 1893 - 1953
Il se maria sept fois, notamment avec Joan Blondell. C’est l’un des maîtres de sa profession (chef opérateur). D’une carrière extrêmement riche, retenons ses collaborations avec Henry King (The Winning of Barbara Worth, 1926 ; le Brigand bien-aimé, 1939 ; Stanley and Livingstone, id.) ou avec Alfred Hitchcock (Rebecca, 1940 ; la Maison du Dr Edwardes, 1945), où son art raffiné et volontiers décoratif s’est épanché avec bonheur. Avec Jane Eyre (R. Stevenson, 1944), il a peut-être atteint le somment de son art, dans la manière des gravures et des eaux-fortes romantiques anglaises. Il a également travaillé avec Fred Niblo, King Vidor, Clarence Brown, Frank Capra, Ernst Lubitsch, Raoul Walsh, Allan Dwan, Frank Borzage, Fritz Lang, Robert Siodmak, Billy Wilder et Cecil B. De Mille ; il est à l’origine de la carrière de Gregg Toland. Christian Viviani.
JACQUES PRÉVERT 1900 _ 1977
Son rôle est capital entre 1932 et 1946. Prévert impose sa marque à tous les films auxquels il collabore. Son père étant « visiteur » de la Société de secours des pauvres de Paris, que préside le grand-père, catholique et royaliste sévère, Jacques doit fréquenter l’école libre et l’église. (On voit d’où peut provenir l’irréligion et l’anticléricalisme de son œuvre). Il a un frère cadet, Pierre Prévert, qui deviendra cinéaste. À partir de 1915, Jacques Prévert travaille, entre autres, comme vendeur dans quelques grands magasins. 1921-22 : service militaire et « occupation » à Constantinople. Prévert s’y lie d’amitié avec Marcel Duhamel et Yves Tanguy. En 1925, le trio adhère au groupe surréaliste. En 1928, trop peu discipliné, Jacques Prévert en est solennellement exclu. Il venait juste d’entreprendre, avec Pierre Prévert et Marcel Duhamel, un premier film, Paris-Express (1928), qu’ils achèveront en… 1959, sous le titre de Paris la belle. Prévert travaille à l’Argus de la presse, fait de la figuration, collabore aux films publicitaires de Paul Grimault (1930-31). Il se met à écrire mais ne publie guère (sa gloire littéraire, énorme, viendra après 1946). Il se consacre essentiellement au groupe Octobre (1932-1936), théatre d’agit-prop, théâtre politique communisant, pour lequel il est auteur aussi bien qu’acteur. Sous la conduite de Pierre Prévert, le groupe Octobre tourne L’Affaire est dans le sac (1932), réussite singulière de féérie non-sensique, de burlesque militant, de surréalisme comique, demeurée aussi isolée, dans la production française, que le Zéro de conduite de Vigo (1933). La grande carrière cinématographique de Prévert commence. Sa rencontre avec Jean Renoir donne le Crime de Monsieur Lange (1935), où chacun des auteurs enrichit l’autre sans rien abandonner de lui-même. Cette conjonction merveilleuse ne sera pas renouvelée. Avec Jenny (1936) puis Drôle de drame (1937) s’instaure le tandem Prévert-Carné qui illustrera, dix années durant, le « réalisme poétique » et le conduira au zénith avec les Enfants du Paradis (1945), film-phare du cinéma français où les dialogues pétillent d’intelligence, de sensibilité, d’ironie malicieuse et élégante, puis à l’épuisement (avec la Marie du port, 1949) après avoir fait culminer dans le tragique le mythe de Jean Gabin. Tout comme Renoir, Jean Grémillon saura restituer aux scénarios de Prévert (Remorques, 1941 ; Lumière d’été, 1943) leur dimension charnelle, lumineuse, optimiste - proprement prévertienne -, que Carné avait écrasé sous le poids d’un fatum asphyxiant. Après 1948, Prévert, scénariste, dialoguiste, conseiller artistique ou narrateur, se disperse dans le court métrage, le dessin animé, le film pour enfants qui, tous, quels que soient leurs mérites relatifs, édulcorent sa vision poétique. Entre 1961 et 1968, avec son frère Pierre, il se consacre à la télévision. De tous ses films, Prévert avouait préférer l’Affaire est dans le sac et les Enfants du Paradis. Juste choix qui révèle les trois sources de son inspiration cinématographique : le surréalisme, le théâtre et la poésie populaire. Barthélémy Amengual, 1995.
LOTTE EISNER 1896 - 1983
Témoin passionné et lucide de l’âge d’or du cinéma allemand des années 20, elle devait quitter son pays natal en 1933 à la montée du nazisme et s’installer à Paris, où elle fut, durant de longues années, la proche collaboratrice d’Henri Langlois à la Cinémathèque française (Il lui procure une fausse carte d’identité, et, sous son nom d’emprunt, Louise Escoffier, elle devient officiellement conservatrice de la Cinémathèque en 1944, elle occupa de 1945 à 1975 le poste de conservateur en chef). Son expérience de l’époque expressionniste lui fit écrire trois livres essentiels : l’Écran démoniaque (publication 1952), F. W. Murnau (publication 1965), Fritz Lang (publication 1984). Jean-Loup Passek.
ARMAND TALLIER 1887 - 1958
Il fait ses classes au conservatoire de Marseille avant de monter sur les planches, à Paris, au Théâtre populaire de Belleville, pour émigrer ensuite à l’Athénée et au Vieux-Colombier, dont il prend la direction avec Copeau. Puis il entre chez Gaumont et tient quelques rôles importants dans Mater Dolorosa (A. Gance, 1917), les Travailleurs de la mer (Antoine, 1918), Mathias Sandorf (H. Frescourt, 1920), Jocelyn (L. Poirier, 1922) et la Brière (id., 1925). Mais c’est à un autre titre que l’histoire du cinéma retient son nom. Féru de « septième art », il fonde en 1926, avec Laurence Myrga, une salle spécialisée, le Studio des Ursulines, qui va devenir un des hauts lieux de l’avant-garde de l’époque (avec le Vieux-Colombier, que Jean Tedesco a transformé en cinéma, et, un peu plus tard, le Studio 28) et saura maintenir le flambeau de l’exploitation de qualité jusqu’à la mort de son fondateur et au-delà. C’est aux Ursulines que furent montrés pour la première fois Entracte, la Rue sans joie, la Coquille et le Clergyman, Un chien andalou, l’Ange bleu, etc. La salle fut reprise en 1938, et sa vocation poursuivie, par Line Peillon. Armand Tallier fut élu après guerre président d’honneur de l’Association française des cinémas d’art et d’essai. Son nom est également attaché à un prix littéraire qui distingua, de 1958 à 1974, les meilleurs ouvrages consacrés au cinéma. Furent récompensés, notamment, le Jean Vigo de P. E. Sales Gomes, Qu’est-ce que le cinéma ? d’André Bazin, la Foi et les Montagnes d’Henri Fescourt.
Claude Beylie, 1995.
SERGUEI PROKOFIEV 1891 - 1953
Un des maîtres de la musique du XXe siècle, il utilise avec aisance un langage à la fois fidèle aux traditions russes, et tourné vers les conceptions occidentales les plus avancées. Il a composé la musique de plusieurs films soviétiques, dont Alexandre Nevski (1938) et Ivan le terrible (1944) d’Eisenstein. De cette étroite et remarquable collaboration sont nées des œuvres où existe un équilibre parfait entre l’image et la musique. Il a également travaillé pour Aleksandr Faïntsimmer (Lieutenant Kijé, 1934 ; Kotovski, 1942) et A. Guendelchtein (Lermontov, 1943). Enfin, plusieurs films ont été tournés d’après ses ballets, dont Roméo et Juliette (Lev Arnchtam et Leonid Lavroski, 1955). Fabien Laboureur.
MARCEL ACHARD 1899 - 1974
Auteur dramatique, il collabore entre 1935 et 1950 à de nombreux films qui gardent un charme après avoir obtenu du succès : Mayerling (A. Litvak, 1936), l’Alibi (P. Chenal, 1937), Gribouille et Orage (M. Allégret, 1938), l’Étrange Monsieur Victor (J. Grémillon, 1938), Félicie Nanteuil (M. Allégret, 1942), Madame de (Max Ophuls, 1953). Il avait travaillé avec Lubitsch (la Veuve joyeuse, 1934) et avec Del Ruth pour la version française de Folies-Bergère (1935). Après Jean Choux (1931), il porte lui-même sa pièce Jean de la Lune à l’écran (1949). On lui doit aussi, en tant que réalisateur, la Valse de Paris (1950).
Raymond Chirat, historien du cinéma, 1995.
ANDRÉ BAZIN 1918 - 1958
Se destinant à l’enseignement, Bazin étudie aux écoles normales de La Rochelle et de Versailles, puis à l’École normale supérieure de Saint-Cloud (où il fonde un groupe Esprit) ; il se tourne vers la critique et la pédagogie du cinéma (à la Maison des lettres dès 1942, à l’IDHEC en 1943, à Travail et Culture à partir de 1945). Il anime conférences, cours, stages, débats de ciné-clubs. Le journalisme le requiert. Critique au Parisien libéré, il devient eux rédacteur essentiel de l’Écran français, d’Esprit, de la Revue du cinéma, de Radio-cinéma (aujourd’hui Télérama). En 1951, avec Doniol-Valcroze et Lo Duca, il fonde les Cahiers du cinéma, qu’il dirige jusqu’à sa mort. Cela lui vaut d’être tenu - abusivement - pour le père spirituel de la Nouvelle Vague, qui a hérité de sa passion exigeante du film, mais guère de sa lucidité généreuse.
Étrangement pour un militant, Bazin est convaincu, dès 1943, « que l’on ne saurait modifier la qualité des films en éduquant préalablement le goût du public, mais que c’est au contraire la qualité de ces films qui peut l’éduquer ». Il ne désespère pas du grand public, loin de là (« son goût de la compétence » si efficient dans le domaine du sport pourrait jouer dans celui du cinéma), mais il croit à la nécessité d’une élite agissante et même à la fonction positive du snobisme.
Bazin n’a pas édifié de système esthétique. Il n’est pas un théoricien, moins encore un dogmatique, mais un veilleur. Un film, même mauvais, lui est l’occasion de développer des hypothèses historiques ou sociologiques, de réfléchir aux voies de la création. Il établit sa démarche sur le paradoxe, attitude féconde si le paradoxe est, dialectiquement, le vrai qui semble faux. Partant de l’aspect le plus contradictoire d’un film, il en démontre la nécessité esthétique. Le Journal d’un curé de campagne, les Parents terribles sont d’autant plus du cinéma qu’ils respectent scrupuleusement l’un la lettre de l’œuvre littéraire, l’autre la substance théâtrale de la pièce. Il fait l’éloge du cinéma impur. Il devance l’analyse structurale en justifiant les défauts ou les anomalies des chefs-d’œuvre, aussi indispensables que les qualités à leur fonctionnement global. Catholique, prosélyte dès vingt ans du personnalisme selon Emmanuel Mounier, Bazin a logiquement développé une critique spiritualiste : dans la réalité du monde, il veut voir « le côté pile de la face de Dieu ».
Quelques grands thèmes confèrent à sa pensée critique toute sa cohérence. Pour Bazin, l’origine photographique du film fonde la nouveauté et la fascination du cinéma. La photo est une sorte de duplicata - certes imparfait - du monde, un reflet pétrifié dans le temps à quoi le cinéma rend la vie : « Pour la première fois, l’image des choses est aussi celle de leur durée et comme la momie du changement. » Tout ce qui est filmé a été. Fasciné, Bazin parle du réalisme ontologique du cinéma. Il n’ignore pas toutefois que le réalisme n’est pas donné, qu’il est à faire. Dès 1944, il distingue le réalisme technique (photographique) du réalisme stylistique (forme et contenu). Si l’apport essentiel du cinéma est le réalisme, ce sentiment de réalité sont il persuade le spectateur, tout ce qui va à son encontre est suspect. Bazin rejette les morcellements du montage si propices aux trucages et aux manipulations et privilégie le plan en continuité et en profondeur de champ : le plan-séquence. Vers la fin des années 60, la critique gauchiste, dans une lecture réductrice et souvent sectaire, ne veut trouver chez Bazin qu’idéalisme bourgeois, naïvetés chrétiennes, obsessions, mysticisme, esprit de réaction. Pourtant, Bazin peut paraître le théoricien prophétique du cinéma différent : en libérant le plaisir des exigences dramaturgiques ; en impliquant le spectateur dans une relation active à l’écran ; en déliant l’espace et la durée des servitudes de l’anecdote.
Barthélémy Amengual, Dictionnaire du cinéma, Larousse.
HARRY E. AITKEN (1877-1956)
Cet industriel joue un rôle de premier plan dès les débuts du muet : président de la Chicago Film Exchange (fondée en 1906), il crée la Western Film Exchange, puis sa propre société de production , Majestic Pictures, en 1911 (contrant ainsi ouvertement la Edison), puis en 1912 la Mutual Film Corporation, qu’il préside également. Il accueille D. W. Griffith à la Majestic en octobre 1913, participe au financement de Naissance d’une nation et en assure la distribution (1915). L’été de cette même année, Aitken fonde la Triangle Pictures Corporation avec Adam Kessel, Charles Bauman et Mack Sennett, et en reste président jusqu’en 1918. Il abandonne le cinéma après sa faillite, en 1920. Notons encore que W. S. Hart et Douglas Fairbanks ont eu sa confiance et son appui. Claude Michel CLUNY. Dictionnaire du cinéma, Larousse.
GUILLAUME BACHY
Étudiant en cinéma à la Fac, il fréquente assidûment les salles des Cinémas du Palais. Il intègre l’équipe en tant qu’animateur et chargé des séances scolaires, puis directeur adjoint. Il est aujourd’hui le directeur des Cinémas du Palais. Il est aussi président à l’AFCAE (depuis octobre 2022) et coordinateur du dispositif École et Cinéma. Avec Habib Benamar, coordinateur des actions culturelles à Créteil, il a lancé l’opération « Cin’étoiles en Fêtes » qui a réuni à chaque projection des dizaines de personnes dans la rue, sans compter les curieux qui se penchaient à leurs fenêtres pour apercevoir les images. Une camionnette abritant le projecteur était installée aux pieds des résidences. En fin de journée, elle a diffusé les films sur les façades ou, là où ce n’était pas possible, sur des toiles placées dans l'environnement urbain. Une initiative pour retrouver un peu de magie en période de crise sanitaire, les cinémas restant fermés (décembre 2020).« Ce cinéma fait toujours partie de ma vie. Je crois que je suis l’exploitant le plus fidèle à son lieu. » a-t-il confié récemment…
Non, le cinéma d’auteur n’a pas dit son dernier mot
Laurent Rigoulet Louis Guichard Laurent Rigoulet Guillemette Odicino Pierre Murat. P Yann Rabanier
Publié le 09/05/18 mis à jour le 08/12/20
Le Festival de Cannes est son écrin, mais son quotidien brille moins : budgets difficiles à boucler, programmations écourtées en salles, concurrence de Netflix… Malgré quelques succès populaires, les films d’auteur sont menacés. Rencontre avec quatre acteurs du secteur qui, malgré tout, restent optimistes.
Bien sûr, la France reste un pays de cinéphiles. Il suffit, pour s’en convaincre, de constater le succès, chaque mois de janvier, du Festival Télérama : une semaine durant, trois cent mille spectateurs viennent découvrir ou revoir, peut-être pour la dernière fois sur grand écran, vu la rapidité avec laquelle les œuvres disparaissent des salles, les quinze films préférés de l’équipe cinéma du journal au cours de l’année écoulée. Et puis, de temps en temps, le triomphe inattendu de réalisateurs inconnus redonne espoir. Il y a cinq ans, qui aurait imaginé qu’Ida, de Pawel Pawlikowski — l’histoire, en noir et blanc, d’une novice juive partant à la découverte de son passé dans la Pologne des années 60 —, ferait cinq cent mille entrées ? L’an dernier Petit Paysan, d’Hubert Charuel, a attiré quatre cent mille spectateurs et reçu quatre césars, dont celui du meilleur acteur pour Swann Arlaud. Mais avec le temps, ces surprises sont devenues rares…
Certes, on produit toujours autant (près de deux cents films par an), et les grandes et grosses comédies à la française s’en tirent plutôt bien — moins qu’auparavant, cependant : le filon, faute d’or, commence à se tarir. Mais le cinéma exigeant s’étiole encore plus vite. 2017 a connu quelques revers injustes : Arnaud Desplechin n’a pas fait le plein de ses fans avec Les Fantômes d’Ismaël ; Anne Fontaine n’a pas su amener les siens à voir Marvin ou la Belle Éducation. Et si, début 2018, certains s’en sont sortis à peu près intacts (Xavier Giannoli avec L’Apparition, Cédric Kahn avec La Prière), d’autres n’ont pas connu pareille chance. On ne s’attendait évidemment pas à ce que le romanesque et romantique Mes provinciales, de Jean-Paul Civeyrac, casse la baraque, mais tout de même : si peu d’entrées, ça décourage… Au fait, où sont passés les découvreurs, les passeurs de jadis ? Il fut un temps, lointain, c’est vrai, où il revenait aux jeunes spectateurs de faire découvrir les premières œuvres de Milos Forman (Les Amours d’une blonde) ou de Roman Polanski (Cul-de-sac) à leurs aînés. De David Lynch aussi, il y a encore peu… Désormais, ils ne semblent jurer que par le cinéma grand public, comme tout le monde… Si crise il y a, la faute à qui ? A des cinéastes qui tournent autour de leur nombril ? A des producteurs qui ne savent plus où donner de la tête pour compenser la frilosité des décideurs télé ? A des distributeurs qui ont du mal, parfois, à imposer leurs protégés dans des salles encombrées ? Ou à des exploitants dont les uns (ceux des grands circuits) jettent les films comme des kleenex et les autres (les indépendants) se plaignent de ne jamais obtenir des distributeurs les œuvres qu’ils souhaitent ? On a rencontré une réalisatrice, une productrice, une distributrice et un exploitant indépendant…
Guillaume Bachy est directeur des Cinémas du Palais, un complexe de trois salles à Créteil (Val-de-Marne).
« J’aime considérer notre cinéma comme un point de lumière, un cœur qui bat et empêche la ghettoïsation du quartier. Nous sommes là pour accueillir les spectateurs, passer un contrat de confiance avec eux, pour qu’ils continuent à venir. Mais cette médiation ne peut se faire que si nous montrons des films qui parlent vraiment du monde, donc des films d’auteurs, en grande partie français ! Je passe Les Minions et Coco de Pixar mais tout le reste de la programmation (93 % !) est du cinéma art et essai.
Le public est hétérogène, mais je connais nos spectateurs. Je sais exactement quelle personne sera preneuse de quel film. La mamie avec son cabas va venir le lundi à 14 heures après avoir fait ses courses et elle doit voir un film qui lui correspond. Les étudiants oisifs viennent à 18 heures. Les couples, plutôt le soir… Je construis ma grille de programmation en conséquence : c’est un travail d’orfèvre, rendu possible en passant du temps à la caisse et dans le hall.
Par exemple, je ne programme Mektoub, my love. Canto uno, d’Abdellatif Kechiche, que trois semaines après sa sortie nationale, car mon public n’ira pas le voir en multiplexe : il va attendre tranquillement, et, pendant ce temps, nous attisons sa curiosité sur la page Facebook du cinéma en publiant des articles critiques sur le film. Ce genre d’objet bizarre doit s’installer ailleurs pour vivre ensuite chez nous.
120 Battements par minute, de Robin Campillo, en revanche, je devais le proposer dès la première semaine, car il a fait l’objet d’un énorme buzz à Cannes et tout le monde l’attendait. Il a fallu que je me batte, promettant au distributeur de donner au film le maximum de séances pendant quatre semaines. Pour moi, quatre séances par jour, c’est beaucoup : cela remplit une de mes trois salles, dans laquelle je ne peux plus proposer, en séance unique, un autre film français, plus fragile, que je tiens à garder à l’affiche.
“Une partie du public ne prend plus le risque de découvrir un premier film français.”
Le distributeur part du principe que plus son film occupe l’espace, plus il devient désirable. Le directeur de salles, lui, sait pertinemment qu’à certaines heures sa salle sera vide. Et c’est la diversité qui trinque puisqu’il n’aura plus la place de sortir d’autres films… ce qui contrarie d’autres distributeurs ! Avec 120 Battements, ce « sacrifice » a été bénéfique car la rencontre avec le public s’est faite. Mais souvent, hélas, ce contrat aux forceps avec un distributeur ne porte pas ses fruits. Quand le public n’a pas envie, on peut faire un strip-tease avant la séance ou même lui offrir la place, rien n’y fait.
Je travaille depuis vingt ans aux Cinémas du Palais, et je vois bien que les difficultés s’amplifient. Fini le temps de la curiosité. Une partie du public ne prend plus le risque de découvrir un premier film français. C’est notre travail de soutenir les auteurs en devenir, mais cela devient un véritable sacerdoce. Quand je programme Luna, d’Elsa Diringer, je fais venir cette jeune réalisatrice pour un débat et provoquer un bouche-à-oreille dans le quartier, puis je garde ce film prometteur à l’affiche à partir de la troisième semaine tous les mardis à 18 heures. Alors il ne faut pas que le distributeur d’un film français plus important exige cet horaire-là ! Si Luna n’a pas le temps d’être vu, sa réalisatrice ne pourra peut-être pas faire un deuxième long métrage, et dans dix ans je n’aurai plus de films d’auteurs français à programmer. Les distributeurs voient trop souvent à court terme et se tirent une balle dans le pied. Ils prennent l’habitude de travailler avec des multiplexes qui, la première semaine, donnent le même nombre de salles à un premier long métrage français et à un blockbuster comme Black Panther. Sauf que, dès la deuxième semaine, le film fragile disparaît de l’affiche…
Il y a aussi les films dont j’ai besoin pour attirer le public et qu’on ne me donne plus. Place publique, d’Agnès Jaoui était parfait pour ça. Je ne l’ai pas eu, le distributeur décidant finalement de le réserver au multiplexe de Créteil… qui n’a exploité que trois ou quatre de ses films depuis deux ans alors que j’en ai sorti plus de vingt ! Je l’ai mal vécu. D’autant que les spectateurs en auraient, peut-être, profité pour voir le dernier Kore-Eda — du même distributeur.
De plus, en donnant Place publique au multiplexe, il court le risque de provoquer la fuite de spectateurs habituels des salles art et essai. S’ils ne reviennent plus chez nous, qui restera-t-il pour montrer les œuvres fragiles et les premiers films ? En gros, les salles art et essai font tout le boulot pour faire découvrir des auteurs, et ensuite, quand leurs films sont reconnus, les distributeurs les donnent aux multiplexes… Dans dix ans, la réalisatrice de Luna va, je l’espère pour elle, réaliser un film important et de qualité. Je croise les doigts pour que son distributeur ne me dise pas alors : « “Ah ben non, désolé, ce film est trop gros, il n’est pas pour toi…” »
Propos recueillis par Guillemette Odicino
Créteil : « Ici, les cinéphiles se sentent chez eux »
Guillaume Bachy, nouveau directeur des Cinémas du Palais revient sur la création de ces salles d’art et d’essai qui fêtent durant trois jours leurs 30 ans. Par Agnès Vives - 21 septembre 2017
À Créteil, les cinémas du Palais-Armand Badéyan fêtent leurs 30 ans. Guillaume Bachy, depuis 20 ans dans les murs, vient de reprendre la direction. Il évoque cette aventure lancée à quelques-uns, les projets et les rendez-vous à venir.
Comment sont nés les Cinémas du Palais ?
GUILLAUME BACHY : Armand Badéyan travaillait à la Maison des Arts et proposait quelques séances de cinéma. Mais très vite, il s'est retrouvé à l'étroit. Alors avec d'autres acteurs locaux, il est sollicité pour imaginer ce projet de cinéma d'art et d'essai associatif, validé par le maire Laurent Cathala qui y a cru. Il y avait un besoin de cinéma, autre que les films marchands projetés à l'Artel, l'ancien UGC. La Lucarne existait déjà mais avec un cinéma d'auteur, de recherche. Dès le début, les Cinémas du Palais ont ouvert de 14 heures à 20 heures, avec trois salles.
Trente ans après, les Cinémas vont-ils bien ?
Nous avons 7 000 abonnés et faisons 80 000 entrées par an, l'équivalent de la Maison des Arts. Ici, les gens se sentent un peu comme chez eux. Nous avons un noyau de fidèles. Certains parents ont découvert le cinéma chez nous quand ils étaient jeunes, et reviennent avec leurs enfants. Il y a un besoin d'un autre cinéma, avec un vrai travail d'accueil. Ils nous font confiance aussi pour la programmation. On voit les films avant. Nous faisons des choix. On ne passe pas Star Wars mais des films avec autant de force et d'impact artistique et culturel.
Face à la concurrence, envisagez-vous des changements ?
Nous avons un gros projet de reconstruction du cinéma qui, nous l'espérons, devrait voir le jour d'ici deux ans. Cela bouge autour de nous, à Saint-Maur, Sucy, Limeil… Nous devons nous aussi proposer un nouveau projet, avec un bâtiment plus moderne, pour avoir une véritable identité visuelle comme le Méliès à Montreuil (Seine-Saint-Denis). Mais nous ne changerons pas la jauge.
Quels sont les temps forts de ces trois jours d’anniversaire ?
On a voulu un programme festif pour nos habitués mais aussi mettre l'accent sur nos spécificités, comme notre travail avec les jeunes, et évoquer le cinéma qu'on défend. Ce vendredi soir, nous projetons en avant-première le film très attendu, d'Olivier Nakache et EricToledano « Sens de la fête ». Ils ne seront pas là mais ont enregistré un petit message et parlent de Créteil où ils ont passé leur jeunesse et tourné (pour le film « Tellement proches »). Samedi, Jean-Pierre Pozzi sera présent pour débattre après son film « Macadam Pop Corn », sur le thème « Quel cinéma pour demain ? » Enfin nous aurons une grosse journée pour les enfants, avec des ateliers, des avant-premières et on finira le dimanche par un ciné-concert pour faire redécouvrir l'incroyable « Steamboat Junior », un grand film burlesque de Buster Keaton.
« C’était un pari »
Trente ans plus tard, il pousse toujours la porte pour une séance aux Cinémas du Palais. Christian Fournier, ancien adjoint (PS) en charge de la culture à Créteil, se souvient du lancement de ces salles d’art et d’essai. « J’habitais au Palais et il y avait cette coquille vide. Des cinémas étaient prévus dans le centre commercial mais ils n’avaient jamais ouvert. » Alors l’élu a l’idée de relancer le projet. « C’était un pari. On y a été sans réticence mais c’est après qu’on s’est heurté aux difficultés d’accès à certains films, face au réseau des grands distributeurs. On devait faire face à la concurrence », rappelle Christian Fournier. Pour autant, les Cinémas du Palais « très vite, ont trouvé un public grâce au travail extraordinaire d’Armand Badéyan, qu’on avait sollicité pour devenir directeur. Il avait loué un appartement à 100 m des cinémas. Dès qu’il le pouvait à la sortie des séances, il allait discuter avec les gens, il les orientait vers d’autres films. C’était un vrai passionné de cinéma. » Aujourd’hui, ces salles sont devenues un acteur incontournable sur la ville. « Dès le début, il y a eu la volonté de travailler avec les scolaires, de donner des habitudes aux jeunes d’aller au cinéma. Un lien s’est créé, considère Christian Fournier. Les Cinémas du Palais ont aussi été les premiers à faire de l’animation, à organiser des rencontres avec les cinéastes. Je me souviens de cette soirée spéciale organisée pour Pierre Etaix à laquelle était venu son ami Jerry Lewis. »
À l’ombre des célèbres Choux, les Cinémas du Palais vont bientôt jouer les vedettes. Les salles d’art et d’essai fondées par Armand Badéyan, et qui portent son nom depuis sa mort en 2003, vont baisser le rideau. Pour quelques mois seulement, à partir de février 2022.
Voilà quelques années en arrière, c’est une démolition-reconstruction qui avait été imaginée. Mais au regard de la situation financière, post-crise, ont été décidés des aménagements destinés à offrir « un meilleur accès aux personnes à mobilité réduite et plus de confort au public en général, résume Guillaume Bachy, le directeur des cinémas. Nous voulons faire des cinémas un lieu totem du quartier.
» Le hall d’accueil va être totalement repensé de plain-pied. Un espace convivial avec des tables et du wi-fi pour les étudiants a été imaginé. Rien d’étonnant, à deux pas de l’université Paris-Est Créteil, les cinémas nouent de nombreux partenariats et accueillent régulièrement les étudiants.
Nouveaux fauteuils, nouvelles lumières
Pour découvrir les derniers films d’art et d’essai ou rencontrer des réalisateurs, le public pourra se lover dans des fauteuils dernière génération, disposés selon un nouveau gradinage. Des fauteuils famille seront aussi disposés pour que les enfants puissent se pelotonner contre leurs parents. Le jeu de lumières sera repensé et variera selon les salles.
À l’extérieur, la façade va devenir « un signal », selon le directeur. Elle doit « mieux affirmer » la présence des cinémas, selon la majorité municipale. Côté galerie marchande, des silhouettes vibreront au son des pas, selon un jeu de lumières dédié.
L’isolation thermique est aussi recherchée pour « améliorer la performance énergétique », a ajouté la majorité municipale, lors du vote du projet au conseil municipal.
MAURICE ADLER
New York 1909 Los Angeles 1960
Sous contrat à la Columbia (1947-1954), il connaît un succès retentissant avec Tant qu’il y aura des hommes (Fred Zinnemann, 1953). En 1956, il succède à Darryl Zanuck à la tête de la production de la 20th Century Fox. Ses adaptations de pièces ou romans à succès (Arrêt d’autobus (Joshua Logan, 1956), South Pacific (Joshua Logan, 1958), L’auberge du sixième bonheur (Mark Robson, 1958), etc.) lui ont valu le Irving Thalberg Award (1956) et le Cecil B. de Mille Award (1957). Dictionnaire du cinéma, Larousse. Michael Henry.
Armand Badéyan (1942-2003)
Un diplôme d'école d'hôtellerie en poche, il s'embarque, devenant à vingt-quatre ans le plus jeune administrateur sur un cargo, destination l'Afrique et les Antilles. Il va effectuer plusieurs tours du monde, gérer des hôtels de luxe, et séjourner longuement en Côte d’Ivoire et en Nouvelle Calédonie. Cela ne lui suffit pas, et très vite, c'est vers le théâtre qu'il se tourne commençant par le cours de Tania Balachova, élève de Stanislavsky qui vit passer, entre autres, Antoine Vitez et Claude Régy. Dans la foulée de 1968, il participe au théâtre des Athévains, dirigé par Anne-Marie Lazarini, dont il est administrateur jusqu'en 1979. Il y vivra en direct la dramatique histoire de la MJC du théâtre des Deux Portes. Il dirige également l’association pour le jeune théâtre où il apprend à plaider la cause des petites compagnies auprès des municipalités et des administrations. Il s’insurge contre les ségrégations et se bat pour le pluralisme des créations. Il est l’un des premiers, de manifestations au Palais-Royal en Festival d'Avignon, à défendre le statut des intermittents qui est alors déjà mis en cause.
Il arrive dans les années 80 à Créteil, chargé des relations publiques à la Maison des Arts. Très vite, il s’intéresse au jeune public, ainsi qu’au cinéma. En 1983, il lance le premier Festival de films musicaux, pendant les congés scolaires de février, qui va accueillir 4.000 spectateurs. L’action s’intègre dans le programme des activités proposées aux jeunes, en particulier ceux qui ne partent pas en vacances. Un « forfait-cinéma » leur est proposé. Armand Badéyan a constamment le souci d’aller à la rencontre du public, de faire venir ceux qui n’ont pas habituellement accès à la culture. Puis il propose la création des Cinémas du Palais qu’il anime à partir de 1987. Fidèle à lui-même, il s’y montre très disponible envers le public qui prend peu à peu le chemin des cinémas et le rencontre toujours sur le pas de la porte, puis dans les salles.
Cinq ans plus tard, il devient délégué général de l’Agence du court-métrage. Il défend ardemment l’exception culturelle en soutien au cinéma français.
En 2000, il renoue avec la programmation en prenant la direction des salles de l’Écran, à Saint-Denis, où il se dépense sans compter, comme à son habitude. Présent à chaque séance, il accueille le public avec simplicité, désireux de faire partager son amour du cinéma. En trois ans, il offre une sélection de grande qualité, ouverte sur le monde et sur la condition humaine, à l’image de la création du festival « Est-ce ainsi que les hommes vivent ? ».
En pleine banlieue populaire, il était parvenu à une fréquentation digne des salles du quartier latin, à travers des films du patrimoine. Dans un documentaire intitulé Le passeur, réalisé par un étudiant en cinéma, il évoquait sa passion pour le 7e art.
Brutalement décédé à 61 ans, en 2003, Armand Badéyan a laissé le souvenir d’un homme généreux, militant infatigable du cinéma.
DANIELLE MINOT
Danielle Minot est née à Paris en janvier 1944. Après des études de cinéma, elle devient monteuse de film à l'ORTF, puis à la SFP (Société française de production). Elle devient ensuite adjointe de direction aux Cinémas du Palais à Créteil.
Puis, elle se consacre à sa famille, ses filles... Elle reprendra ensuite son activité professionnelle dans le cinéma, côté salle et enseignement. Elle crée alors de nombreuses animations en milieu scolaire. Passionnée d'art, de culture et de peinture, c'est à la retraite qu'elle trouve enfin le temps de dessiner et de peindre. Elle suit les cours de Muriel Merlet, à Liré, Ingrandes, puis ceux de Mosca de Silva à Chalonnes. Elle habite la commune de Drain avec son mari depuis 1999.
Pastelliste pour ses loisirs, elle présente un travail riche de couleurs. Danielle Minot privilégie les portraits à l'huile où la douceur des teintes permet des réalisations de portraits pleins de vie, de lumière. De souvenirs en souvenirs, l'artiste fixe le pastel sur des toiles : La petite musicienne, Les enfants de Drain, Le bisou. (Ouest France)
Danielle expose depuis quelques années ses tableaux dans diverses galeries et salons.
DANIEL TOSCAN DU PLANTIER (1941-2003)
Daniel Toscan du Plantier est un producteur de cinéma français. Il est né à Chambéry en Savoie. Issu d’une famille bourgeoise, il est le fils de Jacques Toscan du Plantier, industriel, et de Françoise de Ganay. Diplômé de Sciences Politiques, il échoue à l’E.N.A. Daniel Toscan du Plantier se lance alors dans la vie active et devient journaliste au Nouveau Candide, puis à France Soir. Il se tourne vers la publicité, et sera à la tête d’Unimédia et de Régie Presse, filiale du groupe Publicis, pendant dix ans.
Cependant, cet homme fin, cultivé, a soif de servir et de promouvoir une politique culturelle de prestige ; il devient alors Directeur Général de Gaumont à seulement 35 ans, en 1975. Jusqu’en 1984, il donne à la société un nouvel élan, régissant la production de nombreux films d'auteur désormais cultes comme Cousin Cousine (Jean-Charles Tacchella), Don Giovanni (Joseph Losey), La Cité des femmes (Federico Fellini), Le Dernier Métro (François Truffaut), La Marquise D'O (Éric Rohmer) ou Van Gogh (Maurice Pialat), ou encore Nosferatu, fantôme de la nuit de Werner Herzog.
Également vice-président d'une filiale de la Gaumont en Italie, il collabore avec les plus grands : Fellini, Michelangelo Antonioni, Ettore Scola. Grâce à Daniel Toscan du Plantier, Maurice Pialat est révélé en 1980 avec Loulou, décroche une Palme d'Or pour Sous le Soleil de Satan, et signe d’autres films comme A nos amours, Police et Van Gogh.
Côté acteurs, il révèle des monstres sacrés comme Gérard Depardieu, Isabelle Huppert, ou encore Marie-Christine Barrault. Ayant le goût du risque, il tente même de relancer le film-opéra, et met en scène le lyrique Don Giovanni (1983, à Monte-Carlo), Parsifal (Hans-Jürgen Syberberg), et Carmen (Francesco Rosi, 1984).
Dans le même temps, sa volonté de donner une autre dimension à Gaumont l’amène à développer successivement la distribution internationale des films, la diversification des activités (rachat des Éditions Ramsay, de Erato Disques ou de l’hebdomadaire Le Point), et les rapprochements stratégiques (avec Columbia, puis avec Gallimard). Excès et dispersion dans le choix des genres, difficultés financières du géant Gaumont, ou aspiration à voler enfin de ses propres ailes ? Toujours est-il que Daniel Toscan du Plantier doit quitter la firme en 1984 (où il aura la fonction de directeur délégué jusqu’en 1985) pour devenir producteur indépendant.
En 1985, Daniel Toscan du Plantier, se voit confier la direction d’Erato Disques avec sa filiale Erato Film (de 1985 à sa mort), rebaptisée deux ans plus tard Euripide Productions. Très hétéroclite, il produit notamment Quadrille de Valérie Lemercier ou Mercredi folle journée de Pascal Thomas. Fidèle à son image, il se recycle et se diversifie : il est tour à tour critique au Figaro Magazine, conseiller de Canal+, Président de l’Académie des Césars ou d’Unifrance (depuis 1988), et dirige la Cinémathèque de Toulouse.
Enfin, il crée sa propre maison de production et publie son troisième livre, L’Émotion culturelle (1995). Ambassadeur du cinéma français à la tête d’Unifrance, organisateur de festivals aux États-Unis, au Japon, ou au Mexique, c’est en producteur indépendant toujours très hétéroclite qu’il produit Les Branches de l'arbre (Satyajit Ray), Waati (Souleymane Cissé), Madame Butterfly (Frédéric Mitterrand), La Dilettante (Pascal Thomas) ou Tosca (Benoît Jacquot). Marié d’abord à Marie- Christine Barrault, puis à Francesca Comencini, à Sophie Bouniol (mystérieusement assassinée dans leur résidence en Irlande), il épouse, en 1998, son assistante Melita Nicolitch.
Figure emblématique du cinéma français, Daniel Toscan du Plantier s'éteint le mardi 11 février 2003 à l'hôpital Urbanen de Kreuzberg, à Berlin, des suites d'un malaise cardiaque, à l’âge de soixante et un ans. Ce dernier se trouvait dans la capitale allemande, où il participait à la 53ème Berlinale. (Première et AlloCiné)
Jean-Claude Carrière 1931 - 2021
Jean-Claude Carrière est né en 1931 dans l’Hérault, au sein d’une famille de viticulteurs avant que celle- ci ne s’installe en banlieue parisienne. Elève au Lycée Lakanal, il entre ensuite à l’Ecole Normale Supérieure de Saint-Cloud pour y suivre des études de Lettres et d’Histoire. Il publie en 1957 son premier roman, "Lézard", et rencontre Pierre Étaix chez Jacques Tati avec qui il cosigne des courts et des longs métrages.
En 1964, il travaille avec le réalisateur Luis Buñuel à l’adaptation du roman Le Journal d'une femme de chambre, c’est le début d’une collaboration qui durera près de 20 ans, jusqu’à la mort du réalisateur. Jean-Claude Carrière a travaillé aussi aux côtés de Jacques Deray sur les scénarios de "La Piscine" et de "Borsalino", ou encore avec Volker Schlöndorff ("Le Tambour"), Jean-Luc Godard ("Sauve qui peut la vie") et Milos Forman ("Valmont »), aussi "Un papillon sur l'épaule" (1978) ou encore "Le Retour de Martin Guerre" (1982) qui lui vaut le César du meilleur scénario original avec Daniel Vigneen en 1983. Il s attaque également à l'adaptation d'œuvres littéraires comme "Cyrano de Bergerac", "Le Roi des Aulnes" ou encore "L'Insoutenable légèreté de l'être". Parallèlement, il poursuit sa carrière de dramaturge et adaptateur en particulier avec André Barsacq, Jean- Louis Barrault et Peter Brook. Il a reçu le Molière de la meilleure adaptation pour "La tempête" mise en scène par Peter Brook en 1991. Il travaille aussi régulièrement avec le réalisateur tchèque Miloš Forman. On lui doit aussi de nombreuses adaptations au théâtre où il travaille notamment avec Peter Brook ("Le Mahâbhârata"). Egalement romancier, il est l’auteur entre autres de La controverse de Valladolid (1992) et a publié aussi des entretiens autour de la spiritualité et de la métaphysique comme La force du bouddhisme (1994), Conversations sur l’invisible (1996) ou les Entretiens sur la fin des temps (1998). En 2007, il co-signe avec le réalisateur le scénario du film de Volker Schlöndorff, "Urzhan" qui est présenté au Festival de Cannes. La même année, il écrit "Les Mots et la chose" pour le couple Jean-Pierre Marielle, Agathe Natanson joué au Théâtre de l'Œuvre.
Après le "Dictionnaire amoureux de l'Inde" (2001), il publie le "Dictionnaire amoureux du Mexique" en 2009 chez Plon, pays qu'il connait parfaitement. En collaboration avec Umberto Eco, il publie en 2009 "N'espérez pas vous débarrasser des livres" paru chez Grasset. Il a reçu de nombreux prix dont un Oscar d'honneur aux Governors Awards en 2015. (FRANCE CULTURE et BABELIO)
Henri Langlois
Né le 13 novembre 1914 à Smyrne en Turquie, Henri Langlois est décédé le 13 janvier 1977 à Paris. Inscrit au lycée Condorcet à Paris, il est avant tout passionné dès l’adolescence, par le cinéma, et collectionne les photographies, affiches, costumes, appareils, maquettes, scénarios et tout ce qui constitue la mémoire de l’art cinématographique. En 1935, il fonde avec Georges Franju un ciné- club, Le cercle du cinéma , puis crée en 1936, avec l’aide de son ami Georges Franju et de Jean Mitry, la Cinémathèque Française. Conçue comme une salle de cinéma et un musée consacré au septième art, la Cinémathèque est associée dès 1937 à des noms illustres tels que Kamenka, Lumière, ou encore Pathé Gaumont. De dix films en 1936, le fonds atteint plus de 60 000 films en 1970. Archiviste et collectionneur, Henri Langlois fonde en 1938, La Fédération internationale des archives du film , et sauve et reconstitue des films en danger de désintégration, en raison du celluloïd des bobines, matériau fragile qui exige un environnement de conservation fortement contrôlé pour une survie dans le temps. Pendant la guerre, il parvient à sauver de nombreux chefs-d’œuvre de la destruction et de la convoitise de l’occupant. Grâce à son travail de conservation, il a influencé durant les années 1960, des réalisateurs français de la Nouvelle Vague comme Truffaut, Godard, Chabrol, et Alain Resnais, et certains d’entre eux se revendiquent même comme étant « des enfants de la Cinémathèque ». En 1962, la Cinémathèque trouve un abri durable au palais de Chaillot, avec l'aval du ministre de la Culture d'alors, André Malraux., mais en 1968, éclate l’affaire Langlois qui déchaîne le monde de la cinéphilie. André Malraux décide de priver Henri Langlois de la direction administrative de la Cinémathèque , lui reprochant sa mauvaise gestion. S'ensuit en France et à l'étranger, une série de protestations de réalisateurs comme Chaplin, Léaud, Resnais, Marais, Kubrick, ou encore Orson Welles, qui oblige Malraux à faire marche arrière. Considéré par les cinéastes et cinéphiles comme une mémoire vivante du cinéma, Henri Langlois est alors confirmé dans ses fonctions le 22 avril 1968. Il ouvre en juin 1972,le Musée du Cinéma au Palais de Chaillot, et reçoit en 1974, un oscar pour l’ensemble de sa carrière consacrée à la réalisation de la Cinémathèque. En 2004, un film documentaire intitulé Le Fantôme d'Henri Langlois réalisé par son dernier assistant Jacques Richard, lui est consacré. Il retrace l'épopée de la Cinémathèque Française depuis sa création en 1936 jusqu'à la mort de Langlois en 1977.
Prix :
César d'honneur, 1977 au Césars du Cinéma Français
Oscar d'honneur, 1974 au AMPAS - Academy of Motion Picture Arts and Sciences
(France Inter, culture)
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